La fin des nuages

Roman, essai, manifeste ? Assurément hommage à un dernier souffle
De
Mathieu Simonet
Édition Julliard
Septembre 2023
206 pages
20 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Récit d'une vie, récit d'un rêve, choisi et redécouvert dans un journal intime. Mathieu et Benoît, après une rencontre en boîte de nuit, se donnent le défi d'écrire ensemble une histoire sur la destinée, sur ces événements microscopiques qui bouleversent une vie. 

Sous la plume de Mathieu, la vie avec Benoît prend corps, lui qui fut le créateur du Fnac Live Festival - le seul festival musical de plein air gratuit à Paris, lui qui fut obsédé par la goutte de pluie qui risquait de tout gâcher ! Mais, atteint d'un cancer, le dernier souffle de Benoît est rendu un jour de février 2020. 

Veuf et meurtri, Mathieu se demande si ce dernier souffle aurait pu avoir une influence sur le temps à Paris quelques mois plus tard ? Il décide de revisiter "l'effet papillon", celui de cet événement minime, ce battement d'aile qui peut provoquer un ouragan des jours et des milliers de kilomètres plus loin. Et de s'interroger, autant qu'interroger, sur le droit de provoquer la pluie, le droit d'agir sur les nuages. 

Ce pourrait être une curieuse digression poétique. Ou un épisode autobiographique de la vie de Mathieu Simonet, avocat, et auteur engagé. Mais à travers ce livre, il nous invite à connaître et comprendre les problèmes que pourraient poser l'idée de "propriété des nuages", et associées à ce droit, les conséquences de la possibilité de provoquer en eux la pluie, pour éviter la grêle, pour abreuver des cultures, alimenter des barrages, fragiliser un adversaire politique ou un pays voisin. Cette question est rigoureusement documentée tout au long de ces pages que l'on ne saurait ranger avec certitude dans la catégorie roman !

Points forts

Les lecteurs de Mathieu Simonet retrouveront dans ces pages, qui succèdent à 5 autres romans/épisodes autobiographiques, son style concis, direct, ses raccourcis poétiques, qui mélangent passion amoureuse, conscience de la simplicité du présent, vertige de la poésie et de l'urgence des grandes causes - immatérielles ou matérielles car de quelle matière sont les nuages… ?

Le récit fait en effet un inventaire des sources qui évoquent la question de la propriété des nuages, ses chercheurs, ses polémiques, ses événements depuis le début du 20ème siècle. Car cette matière qui peut paraître poétique, n'a pas manqué d'engendrer des débats, en particulier sur le droit d'ensemencer les nuages. Il y est aussi question de la naissance de l’éco responsabilité et des critères de définition du patrimoine matériel et immatériel de l'humanité - Mathieu Simonet est avocat, faut-il le rappeler !

Rien d'ennuyeux à tout cela, au contraire, une matière poétique autant qu'un questionnement citoyen, recherche et hommage à ce compagnon, Benoît - son mari, dont la fin de vie compose une partie de l'histoire.

Quelques réserves

S'il a été question dans ces lignes de s'interroger sur la qualification de ce livre - roman ou essai - la balance, de mon point de vue, penche sur l'essai, à la lecture de l'épilogue, des remerciements et  des sources qui composent les 25 dernières pages de d'ouvrage. I

Il faut aussi savoir que dès son premier récit autobiographique, Les carnets blancs paru en 2010, Mathieu Simonet ne se cache pas derrière les mots ; quelques (très courts) passages peuvent paraître (très) crus ! 

Encore un mot...

Écrit avec une plume dynamique et vivante, ce livre associe deux récits, l’un autobiographique et l’autre sur la question du statut des  nuages ; il vous entraîne clairement à la limite du roman, de l'essai et de l'exercice poétique. C'est incontestablement une marque de  l'identité de Mathieu Simonet, qui depuis le lancement de sa vie littéraire, il y a près de 25 ans, a toujours recherché l'innovation artistique et le mélange des genres. La fin des nuages ne doit pas cependant pas être limité à un "happening littéraire" sur un sujet opportunément "dans le vent". Bien qu'il trouve son originalité dans le récit parallèle d'une vie amoureuse et brisée, il peut apparaître aussi comme un manifeste, en hommage à Benoît Brayer, pour la création d'un statut juridique des nuages. Fort de ces recherches et avec la volonté de protéger l'humanité des usages détournés que la science autorise, comme de déclencher presqu'à volonté, la pluie, Mathieu Simonet a initié la Journée internationale des nuages. Sa première édition, bien décrite dans le livre, s'est déroulée le 29 mars 2022 dans la commune de Saint Soupplets, avec le soutien de la Mairie, la complicité de 600 élèves invités à contempler et décrire les nuages, avant d'adresser à l'ONU et l'Unesco un plaidoyer pour la "protection" des nuages. En mars 2023, cette journée s'est tenue à Clermont Ferrand.

Une phrase

  • "La veille du tournage, je suis allé chercher une caméra de location. Elle était relativement lourde. En remontant la rue du Faubourg-Poissonnière, j'ai été envahi de doutes sur ce projet de documentaire qui me permettrait d'avancer sur un fil. J'ai levé les yeux au ciel pour parler à Benoît. Je rêvais d'un signe. Moi qui ne suis pas croyant, j'ai fixé les nuages. J'aurais aimé voir une paréidolie (une de ces images qu'on aperçoit parfois au milieu du ciel) qui m'aurait permis de croire que Benoît répondait à mes soliloques. Mais rien n'est apparu. Lorsque j'ai baissé la tête, mon regard a croisé la rue de Paradis. Cette coïncidence m'a mis en joie […] A droite c'est la rue du Paradis. A gauche, la rue Papillon." P 72 73
  • "A la fin de ce livre, je ne dirai à personne ce qu'il doit penser, s'il faut être pour ou contre l'ensemencement des nuages. Moi-même, je n'en sais toujours rien." P 96
  • "Puisqu'on a accordé cette personnalité juridique aux sociétés, qu'on leur a donné des droits comme aux personnes physiques, qu'il s'agit d'une fiction (puisqu'une société ne respire pas, n'a pas d'émotions, ne marche pas sur ses deux jambes, etc.) il serait tout à fait possible d'imaginer le même processus pour un arbre, pour un fleuve ou pour un nuage. " P 163

L'auteur

Mathieu Simonet  est avocat. Il exerce pendant 10 ans, tout en animant une émission de radio sur Vivre FM, et en développant des initiatives artistiques originales. Il publie en 2010 son premier roman, les Carnets Blancs, dans lequel il révèle une grande créativité et notamment son homosexualité. Il s'engage dans la création littéraire, associant très souvent des artistes à ses initiatives. Il a été président de la Société des Gens de Lettre et poursuit sa carrière littéraire sous forme de "performances" associant à ses créations, lectures, poésie, musique, rencontres originales dans des lieux aussi divers que musées, hôpitaux, prisons, entreprises ou universités. Selon ses propres mots, " Son enjeu est de créer du lien grâce à l'écriture et de montrer que cette pratique a un impact positif sur la santé.” Également membre du jury du Prix André Malraux, il mène un travail de recherche sur la "récithérapie" à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et prépare une thèse sur les "expériences littéraires collectives" à  l'université de Cergy Pontoise.

Commentaires

Ànne Ribed 066…
sam 10/02/2024 - 18:09

Bravo. Merci .j’habite à Maule 78580
Il y a beaucoup de nuages . J’ai été élue »Nuagiste » quand je faisais des formations de jardins de soins .
25 ans à la Salpétriere dans le service du Pr Cohen : atelier Potager fleurs. Avec les autistes. Avec les Maulois+❤️☁️❤️
Je tiens le 29 mars regarder les nuages et signer pour leur survie et joindre l’Unesco et l’ union européenne etc… l’Onu… j’ai lu que vous étiez aussi à la Salpétriere !!!
Contactez moi . Merci , merci ,merci
Ànne Ribes Infirmiere jardiniste nuagiste❤️☁️❤️☁️❤️☁️❤️☁️❤️☁️❤️☁️❤️

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