La fileuse de verre

Le destin d’une courageuse fille de verrier de Murano sur fond de cinq siècles vénitiens
De
Tracy Chevalier
La Table Ronde
Traduction (Anglais): Anouk Neuhoff
Parution le 23 mai 2024
448 pages
24,80 euros
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

La fileuse de verre s’inscrit dans le droit fil de l’œuvre de Tracy Chevalier, raconter le destin d’une femme ordinaire, ici celui d’Orsola Rosso, la fille d’un maître-verrier de Murano. Mais au lieu d’être aligné avec le temps du récit, le contexte historique du roman est évolutif. La narration s’inscrit dans sept périodes allant de 1486 (Orsola est âgée de 9 ans) à 2019 (Orsola a 65 ans). Le lecteur est ainsi plongé dans la Venise de la peste (1574), de la fin de la République (1797), ou de l’entrée en guerre de l’Italie (1915).  

Courageuse, dévouée à sa large famille, Orsola se fait, à bas bruit, une place dans le monde hiérarchisé et machiste du travail du verre de Murano. Initiée en secret par la femme d’un verrier concurrent et après un long apprentissage solitaire, elle produit de merveilleuses perles de verre que les hommes moquent comme des escrementi di topo (crottes de souris), moins nobles à leurs yeux que lustres ou coupes sophistiqués. Ces perles d’Orsola assureront la survie de la famille Rosso lors de la grande peste qui décime Venise en 1574.

Points forts

  • Tracy Chevalier ne faillit pas à sa réputation. Celle d’une documentaliste scrupuleuse. Les techniques de fabrication des pièces (coupes, perles de verre puis plus tard perles de rocaille- conteri) ont fait l’objet de recherches poussées. La concurrence, les débouchés sont abordés dans une perspective historico-économique. Pour le plaisir du lecteur, Tracy Chevalier restitue fidèlement les topographies de Murano et de Venise tout comme leur cadre de vie immuable. Cette obsession de l’authenticité se retrouve aussi dans l’emploi fréquent de la langue italienne, voire vénitienne. A travers la chronique d’Orsola, transparaît le destin singulier de la Sérénissime. Des hauts et des bas au gré de l’Histoire mais une extraordinaire capacité à renaître et briller comme le verre de Murano malgré Napoléon, les Autrichiens, les Acqua Alta, la concurrence chinoise ou le Covid. 

  • Tracy Chevalier sait nous toucher avec le destin exemplaire d’Orsola et la poésie de ses perles qui évoquent tantôt l’espoir face à la peste ou la personnalité de Joséphine. Analphabète, elle apprend à lire et à écrire. En butte à l’hostilité du chef de famille, des préjugés de sexe, elle produit des perles parfaites qui assurent la survie et la renommée de la famille. Viscéralement attachée à la lagune, elle sait  prendre des risques et s’adapter aux revers de fortune et prendre les tournants de la mode. Une femme exceptionnelle qui sacrifie un amour impossible à la pérennité de sa famille. 

Quelques réserves

La fileuse de verre est un ouvrage peut-être excessivement hybride : une manière de somme pointilleuse sur l’histoire du verre à Murano qui court sur plus de cinq siècles ; et une chronique familiale dont Orsola est le point focal mais où se distinguent sa mère Laura, une maîtresse-femme, Marco, l’intraitable frère et chef de famille et Antonio, le pêcheur devenu verrier et dont la tête est mise à prix par la Guilde pour avoir fui Murano et son amour. Cette hybridation nuit à la qualité littéraire du livre et on aurait certainement aimé plus de consistance pour le volet amoureux du récit en éliminant par exemple l’apparition de Casanova qui ajoute un supplément de couleur locale non nécessaire au récit, tout comme l’emploi excessif de locutions en italien. 

Le procédé littéraire (la chronique d’Orsola et des siens dans un temps historique long) est un peu artificiel et ne fonctionne pas aussi bien que ne le soutient l’autrice. 

Encore un mot...

Un hommage à une femme courageuse et à Venise, l’insubmersible.

Une phrase

  • « Les perles doivent être porteuses d’espoir, elles doivent être belles… pour repousser la peste, les gens ne voudraient pas dans leur poche quelque chose qui la leur rappelle, mais un objet simple, porteur d’un message de vie. » (p.151)

  • «  Mais Venise était agile, elle s’adaptait, elle comptait sur son caractère unique, sur sa beauté éternelle, pour attirer les admirateurs » (p.425)

L'auteur

Tracy Chevalier, née en 1962, est une romancière américaine et britannique. Elle est l'auteure d'une dizaine de romans, où se mêlent histoire et portraits de femmes. Le plus connu,  La Jeune Fille à la perle, (Quai Voltaire, 2000)  a été adapté avec succès au cinéma. Son œuvre comprend notamment : 

  • La Dame à la licorne (Quai Voltaire, 2003)
  • Prodigieuses Créatures (Quai Voltaire, 2010)
  • La Dernière Fugitive (Quai Voltaire, 2013)
  • La Brodeuse de Winchester (Quai Voltaire, 2020)

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