La Fantasia
286 pages
19,90 €
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Thème
Au soir de sa longue existence, Mariane vit recluse dans un appartement de la rue Ranchin, au cœur de la vieille cité de Montpellier; elle quitte à peine sa chambre aux volets tirés, remplie de statues religieuses et autres icônes, ses compagnons de voyage pour la vie éternelle qu’elle sait toute proche. Les silences et l'ennui ne sont plus rompus que par la visite le dimanche de son petit-fils Antoine et celles un peu plus fréquentes et discrètes de Naoël qui vient trois fois la semaine faire un brin de ménage et échanger deux brins de conversation.
C'est dans cet ultime moment de sa vie que la vieille dame va révéler son secret à ces deux enfants, un secret consigné dans un carnet confié à Antoine après qu'il l'ait accompagnée au cimetière de Sète visiter Georges, son défunt mari enterré là dès le retour d'Algérie, un pied-noir anonyme qui n'aura pas survécu à l'exil, meurtri d'avoir dû quitter la « ville des mimosas » pour en être privé à jamais, sans même conserver le privilège d'aller fleurir les tombes de ses aïeux, enterrés là-bas et ainsi abandonnés pour toujours.
Points forts
* L'évocation sensible de l'attachement des pieds-noirs à l'Algérie, procédant à la fois de cette emprise de la terre qui les a vus naître et de la douceur de vivre de ce pays de cocagne symbolisé dans le récit par les plages de Mostaganem et les montagnes de Tlemcen que Mariane apercevra une dernière fois de la mer sur le bateau de l'exil dans la brume du désespoir.
* Le drame vécu par eux de l'arrachement à la terre de leurs ancêtres aggravé par l’accueil si réservé des Français de métropole leur conférant un statut de quasi-apatride.
* L'aventure personnelle de Mariane qui, de la femme bourgeoise et convenue qu'elle croyait être, va, dans un moment d'égarement qu'elle voudra oublier pour le chérir finalement et survivre avec lui, faire l'apprentissage de la liberté et de l’affranchissement dont la Fantasia est à la fois la cause, le théâtre et le symbole.
Quelques réserves
Une plume un peu aléatoire, le plus souvent belle et poétique, mais quelquefois banale, en retrait du récit quant à lui très romanesque.
Encore un mot...
Un roman lyrique et puissant qui restitue au pied-noir une forme de légitimité sur ce sol d'Algérie que certaines familles ont foulé sur cinq générations, plus qu'il n'en faut pour bâtir une dynastie et une histoire. Une relation amoureuse aussi improbable qu’irrésistible dont seule la rupture, sans en révéler le contexte, va permettre paradoxalement la pérennité. Avec au passage un bel hommage à la dignité d'une famille indigène et à travers elle au courage et à la noblesse d'âme d'Antar, le fils aîné, fier, ascétique et racé, le frère d'Ahmed, quant à lui fougueux et intrépide, l'un et l'autre héritiers des Maures qui avaient envahi Grenade pour en être chassés, la conquête et la défaite étant ainsi traités comme le sort commun et croisé de ces deux peuples confrontés l'un et l'autre au même destin implacable, les plaçant respectivement dans les mêmes statuts de maître et d'esclave.
Même si le statut de Mariane ne se confond pas avec ceux du Younes de Yasmina Khadra (Ce que le jour doit à la nuit) , encore des Ali, Hamid et Namia d’Alice Zeniter (L’art de perdre), il est bien question ici de cette même détresse éprouvée par la perte du même pays chéri.
Une phrase
“ Quel besoin étrange ai-je eu de raconter ces événements par écrit ? C'est une scène sur le pont du navire qui m'en a donné l'envie. J'étais avec les familles de pieds-noirs qui faisaient de grands signes d'adieu à leur pays en versant toutes les larmes de leur cœur détruit. Je n'ai pas eu assez de force pour me retourner, regarder en arrière et voir une dernière fois la côte. Mes yeux étaient plantés vers le large. En laissant l’Algérie derrière moi, je lui tournais le dos. La foule pressée sur le pont du navire est restée les yeux fixés sur la côte africaine jusqu'à ce qu'elle ait disparu entièrement. C'est alors que quelqu’un près de moi a demandé quel était ce point à peine perceptible qui tardait à s'estomper dans le lointain. Un homme a répondu sans hésiter : les montagnes de Tlemcen…”
L'auteur
Loris Chavanette est un jeune et brillant historien, professeur d'université, spécialiste de la Révolution Française, de la Terreur et du Premier Empire. Il a contribué à de nombreux travaux sur ces thèmes et écrit quelques ouvrages remarqués, ainsi Waterloo, la Révolution Française et Napoléon , ou encore Quatre-Vingt-Quinze: la Terreur en procès qui lui a valu le Prix de la Fondation Stéphane Bern. Il signe avec La Fantasia son premier roman. Pour une première, c’est une réussite prometteuse même si le style reste ici ou là à parfaire.
Commentaires
Montpellier, la ville et le récit de Loris me parlent, j'ai eu , à la fois une partie de ma vie, 3 ans, au Maroc, participé à la guerre d'Algérie, et en France travaillé à la réinstallation de agriculteurs rapatriés d'Algérie , dans les exploitations, souvent viticoles, du sud que le vieillissement d'une catégorie de viticulteurs sans descendance viticole , rendaient disponibles. Puis j'ai épousé Marie Claire née à Constantine , dont j'ai retracé la généalogie familiale algérienne, découvrant ainsi, des aspects singuliers du peuplement de l'Algérie, son arrière grand père, jeune boulanger-pâtissier, arrivant de sa Suisse natale et faisant souche à Constantine , des Cantons Suisse finançant un peuplement issus de ces cantons vers l'Algérie en cours conquête française. Bien d'autres aspects du récit de Mariane m'intéressent et sont en lien avec notre vécu familial d'Algérie !! Jean Clavel
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