Kremulator

1941, le directeur du crématorium de Moscou accusé de trahison par le KGB : une tragédie racontée sur le mode burlesque
De
Sacha Filipenko
Noir et Blanc
Traduit du russe par Marina Skalova
Parution le 18 janvier 2024
230 pages
21.50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

En 1941, dans le cadre des grandes purges staliniennes, le directeur du crématorium de Moscou, Piotr Nesterenko (54 ans), accusé d’espionnage, est interrogé par Perepelitsa  (27 ans) commissaire enquêteur.  Piotr a incinéré assez d’opposants présumés pour savoir ce qui l’attend à l’issue de ces « entretiens » et ceci, quelles que soient ses réponses. L’inéluctable viendra après six interrogatoires au cours desquels défile la totalité de sa vie, son passage comme aviateur dans l’Armée blanche, sa transition par l’Armée rouge, sa fuite aux Dardanelles, son exil en Serbie, en Bulgarie et en France où il survit comme chauffeur de taxi, son retour en URSS enfin, irrésistiblement attiré qu’il est par son amour pour Vera.

Points forts

  • L’ étude de l’âme slave et de ce besoin de  justifier l’injustifiable (comme le fait Dostoïevski quand il entreprend d’expliquer l’acte de Raskolnikov). « Le voilà notre drame ! nous voulons comprendre quand il n’y a rien à comprendre (…) l’inadmissible est inadmissible ». Piotr, qui considère la délation comme un sport national, ne nourrit aucune illusion quant aux dénonciations de ses plus proches amis et même…de celle de Vera, « la douce » tant aimée pour qui il est revenu en URSS.

  • L’originalité du récit, tantôt journal, tantôt interrogatoire, tantôt lettre d’amour qui n’est pas exempt de recul et d’humour.

  • L’attachement de Piotr qui le ramène à sa terre natale après six ans d’exil alors qu’il ne reconnaît rien de sa nation, en particulier la langue, encombrée de mots nouveaux qui traduisent une nouvelle construction de la pensée.

  • La passion de Piotr pour les avions qui le pousse, entre autres, à se jeter dans la gueule du loup dans l’espoir de pouvoir piloter

Quelques réserves

Peut-être l’original russe est-il mal écrit… En tout cas, la traduction française, particulièrement maladroite, est parfois désastreuse.

Le roman est agencé autour de dialogues entre les deux protagonistes, le commissaire enquêteur et l’accusé, d’extraits de journal intime, de monologues de Nesterenko à destination de sa bien-aimée, de documents administratifs. Loin de dynamiser le récit, ce parti-pris le rend assez confus.

Encore un mot...

Sacha Filipenko s’explique sur le titre de son ouvrage : 

“Le crémulateur est un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d'un individu après sa crémation ; certains cartilages résistent même à une heure et demie au four. Il me semble qu'il n'y a pas de meilleure métaphore pour désigner la machine répressive soviétique."

Une phrase

“ Pendant la grande guerre, j’ai présidé la cour martiale. Même si de telles décisions étaient lourdes pour le moral, il n’était pas rare que je doive condamner des déserteurs à être fusillés (…) Et même si je partageais leur envie de vivre, mes fonctions m’obligeaient à prononcer des sanctions lourdes, dont le nombre croissait chaque jour. Page 48

L'auteur

Sacha Filipenko, né à Minsk en 1984, est un écrivain biélorusse qui a d’abord travaillé comme journaliste et scénariste après une formation en musique classique et en littérature. 

Quatre de ses romans sont traduits en français ; Croix rougesLa traqueUn fils perdu et Kremulator, dans lesquels il décrit les régimes soviétiques et post soviétiques avec les rouages de terreur qu’engendrent leur violence.

Opposant à Poutine, il vit aujourd’hui en Suisse.

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