KOMODO
Editions Gallmeister, paru le 4 mars 2021 -
304 pages -
22,80 €
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Thème
Tracy et sa mère quittent la Californie pour une semaine sur l’île de Komodo où vit Roy, le frère de Tracy. Ni Tracy ni Roy ne sont heureux dans leur vie. Elle est ignorée par son mari et épuisée par leurs jumeaux de cinq ans. Lui, seul et sans le sou, essaie de se reconstruire une vie en tant qu’instructeur de plongée après un divorce qui l’a éloigné de sa famille et brouillé avec sa sœur. Ils ne se sont plus vus depuis longtemps, les vacances et les plongées sous-marines devraient être l’occasion pour Tracy de renouer dans des conditions idylliques. Mais la distance n’a pas effacé les rancœurs. Dès la première plongée, des bulles de violence se forment en elle tandis qu’elle descend dans les abysses de son monde intérieur.
Points forts
Le roman se déroule en deux temps. D’abord, Komodo nous débarque sur un rivage qu’on devine redoutable même si les trois personnages s’apprêtent à y explorer les plus belles eaux du monde. A lui seul le titre du livre parle de férocité en faisant surgir l’image des grands varans capables de s’entredévorer, et le piège d’un archipel isolé, aux sommets acérés.
Tracy, la narratrice, n’a pas fait le trajet par tendresse. Son attachement à son frère n’est qu’une habitude poisseuse dont elle est incapable de se débarrasser. Tyran vénéré dans l’enfance, il n’est plus pour elle aujourd’hui qu’un type paumé, contraint de la supplier de le rejoindre. Elle ne se fait aucune illusion sur ces retrouvailles : « Le paysage est le même » dit-elle en découvrant l’île sèche et jaune qui lui rappelle leur Californie familiale. Même théâtre, mêmes personnages, même duel annoncé avec Roy.
D’abord magiques, les plongées deviennent progressivement dangereuses et la situation s’envenime entre frère et sœur. En même temps s’anime autour d’eux le ballet indifférent d’une faune ondulante qui vit son propre destin - décrit avec maestria. Le lecteur en apnée regarde se dévoiler ce portrait de femme aussi malmenée par les courants que par les pensées qui l’agitent. Métaphore de l’inconscient, le milieu sous-marin est celui où l’on plonge en soi, de plus en plus profond, là où se nichent les murènes de la haine fraternelle, et où l’on règle ses comptes.
Dans la deuxième partie du roman, laissant derrière elle ce séjour fratricide, Tracy rentre retrouver ses enfants et son mari. Vivre sur terre ne vaut guère mieux que survivre sous l’eau. Ici comme là, elle cherche son souffle et bataille. En tant que mère, elle est au bout du rouleau et culpabilise de ne pas mieux s’en sortir ; en tant que femme négligée par son époux, elle se sent abandonnée et laide. Avec un talent exceptionnel, Vann livre sous forme de confidences la solitude, les frustrations et les exigences écrasantes de la maternité. A ce titre, beaucoup de lectrices s’identifieront à Tracy. Comme elle, peut-être, se demanderont-elles aussi avec David Vann quelle confiance on peut objectivement faire aux hommes : frères dominateurs et minables, ou maris et pères insaisissables, ce sont des lâcheurs.
Quelques réserves
Aucun point faible.
Encore un mot...
Fidèle à l’idée que nous sommes tous, toujours, sur le point d’en finir, David Vann réussit de nouveau à nous étonner dix ans et huit romans après Sukkwan Island. L’écriture est virtuose (merci à la traductrice), le regard d’une extrême acuité, et la violence des relations familiales demeure au cœur de ce nouvel opus comme dans les précédents. A ne pas manquer.
Une phrase
“ Notre petite cellule familiale qui voudrait tout soigner alors que les blessures auraient pu être évitées (…) La misère de nos vies est inventée (…) nous avons dû créer nos propres problèmes. J’ai choisi Lautaro, je me suis fait virer de mon travail, j’ai gâché ma santé en mangeant à l’excès et j’ai failli mourir pendant une sortie en plongée. Tout est si idiot. Roy a renoncé à son mariage si simple sans la moindre raison, il a perdu la totalité de ses économies pour rien (…) Ce voyage censé nous rapprocher tous les trois me pousse à croire qu’on ferait mieux de se noyer.”
L'auteur
David Vann voit le jour en 1966 sur l’île Adak en Alaska. Alors qu’il a treize ans, son père se suicide, drame fondateur qui deviendra sa source d’inspiration littéraire, avec pour arrière-plans les espaces sauvages de l’Alaska, la fournaise californienne qu’il connaît bien, et l’océan qui le fascine. Avant de rencontrer son tout premier succès avec A Mile Down(Windmill Books), best seller aux USA en 2005, mais surtout Sukkwan Island (Gallmeister), chef d’œuvre qui obtient le Médicis Etranger en 2010 et conquiert le monde entier, David Vann aura parcouru les océans, traversé les Etats-Unis en char à voile et même dessiné et construit son propre trimaran. Porté par les éditions Gallmeister depuis toujours, il a publié huit romans et enseigne la littérature à San Francisco quand il n’est ni en Europe ni en Nouvelle Zélande.
Commentaires
Je n'ai pas aimé ce livre et n'ai rien compris à la colère de cette femme qui a choisi elle-même d'être l'esclave de ses enfant et mari.
Grande lecture coup de poing dans une atmosphere a couper au cutter decrivant une jeunesse contemporaine desabusee a vif violente noyee sous contraintes ....
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