Klara et le soleil
Gallimard, 18 août 2021
384 pages, 22 €
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Thème
Les difficultés de communication entre les êtres humains — ici une adolescente gravement malade, son petit ami et ses parents — éclairées par l’intelligence artificielle d’un robot, sorte de Jiminy Cricket bienveillant qui les aide et commente pour nous à la manière d’un aparté au théâtre.
Cependant la réflexion va plus loin en s’interrogeant sur ce qui constitue réellement un être humain et dans quelle mesure l’intelligence artificielle peut-elle le remplacer.
Tout cela dans un fond d’inquiétude croissante qui tient le lecteur en haleine.
Points forts
Ishiguro est un romancier pointilliste. Ses petites touches construisent peu à peu des personnages attachants dans un monde très actuel, hors la présence des robots.
Klara est pour Josie un AA (c'est-à-dire un "Ami Artificiel") empreint d’une humanité étonnante malgré les insuffisances de sa construction mentale et physique.
Mais l’auteur brouille les codes : on met du temps pour être sûr que Klara est bien un robot et l’on ne découvre son apparence et ses failles que par petites informations distillées tout au long du roman.
Ce qui est extraordinaire c’est la manière avec laquelle Klara trouve dans la société une place à part, à la fois valorisée et méprisée ; c’est la mère de Rick qui pose la question dans une scène qui nous glace : doit-elle voir en Klara un être humain ou un aspirateur ?
Alors que l’on croit, pendant longtemps, que le thème de ce roman est une réflexion sur l’intelligence artificielle et le devenir de son évolution, on referme le livre avec le sentiment amer de l’incapacité des hommes à aimer vraiment et à sortir de leur égoïsme narcissique.
L’intelligence artificielle nous montre le reflet de l’être humain et ce n’est pas bien beau à voir !
Seules l’émotion, la souffrance et la joie qu’il est capable de ressentir donnent à l’homme l’humanité que n’a pas la machine, encore que…
Quelques réserves
Ce sont celles que l’on peut avoir pour la science-fiction en général…
Est-ce crédible ?
Mais, comme dans les grands romans littéraires du genre — on pense, bien sur à Fahrenheit 451 de Ray Bradbury ou au Meilleur des mondes de Huxley — ce n’est pas la science qui nous intéresse là, mais ce que sa supposée évolution nous permet de voir dans l’homme d’aujourd’hui.
Encore un mot...
Ishiguro traite de l’amour - maternel, amical, des hommes et des femmes, de la dévotion à l’autre - en regardant dans le miroir que nous tend Klara, l'Ami Artificiel offert à Josie, l’enfant malade. Il nous fait vivre avec une délicatesse remarquable une histoire grinçante emplie d'émotion.
Une phrase
« On ne sait jamais comment accueillir une invitée de votre sorte. Êtes-vous seulement une invitée ? Ou bien est-ce que je vous traite comme un aspirateur ? Je suppose que c’est ce que je viens de faire. Je suis désolée. » (p.186)
L'auteur
Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature en 2017, est un écrivain d’une grande originalité due sans doute à sa double culture, japonaise et anglaise.
Son roman le plus célèbre, Les vestiges du jour, est une formidable peinture de l’aristocratie anglaise juste avant la Seconde Guerre mondiale, avec, déjà, le pointillisme maîtrisé que l’on apprécie encore aujourd’hui.
Commentaires
Qui, finalement est Le moins humain? Un Monde à l envers! Doublement angoissant….
Je viens de terminer le livre. Pour ma part j'y ai vu une résurgence de l'esclavagisme. Klara est plus qu'emouvante dans son rapports à José. Elle est lucide sur la société et les codes qui la régissent. J'ai vu sa fin de vie semblable à celle d'une personne âgée
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