Journal d’un curé de campagne
313 pages -
4,24 euros
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Thème
Un jeune curé, maladif et pauvre, se voit confier une petite paroisse dans une commune du Pas-de-Calais. Aux prises avec des villageois suspicieux et réfractaires, il prodigue sa foi. A travers la tenue d’un journal, il consigne son quotidien banal, ses difficultés, ses doutes, le mal qui le ronge, ses rencontres. Jusqu’à son agonie, à Lille, chez un ancien camarade du séminaire, prêtre défroqué, qui lui-même est condamné par la maladie.
Points forts
Témoignage d’un autre temps, ce texte est puissant. D’abord, par sa langue simple, âpre, qui traduit magistralement un climat sinistre où l’ennui transpire, où la pluie et le froid sont palpables. Les êtres apparaissent médiocres, désespérés, cyniques, hormis quelques rares individus. Les souffrances engendrées par la maladie et qui ponctuent le fil narratif sont décrites avec un réalisme cru. Le prêtre cherche à les dompter comme les chevaux rétifs de son enfance que l’on finissait par ferrer. La condamnation du jeune prêtre atteint d’un cancer de l’estomac qu’il attise en se nourrissant de pain et de vin renvoie à cet inexorable atavisme familial, l’alcoolisme, stigmate d’une enfance misérable.
Les différents personnages qui peuplent le roman opposent très souvent une fin de non- recevoir au jeune prêtre, que ce soient les enfants goguenards du catéchisme, les villageois revêches ou le noble en son château, autant d’êtres hébétés, accablés par le destin, résignés. Un événement extraordinaire vient soudain s’immiscer dans cette routine glauque et lugubre, une motocyclette et ses pétarades, sur les routes escarpées du village, chevauchée par Monsieur Olivier : c’est la révélation pour le jeune prêtre de l’amitié ainsi que de sa propre jeunesse, moment lumineux et poétique du texte.
Quelques réserves
La puissance du récit qui prône, malgré les difficultés, l’espérance, est aussi sa difficulté : comment un non croyant ou un non catholique peut-il aisément comprendre le désespoir surmonté, quête de ce jeune prêtre ? Comment peut-il appréhender l’espérance, cette vertu théologale, qui nourrit le combat du prêtre ? Ainsi la comtesse du roman meurt après avoir retrouvé la foi et déclare accéder au bonheur, « forme charnelle de l’espérance » pour Bernanos.
Encore un mot...
Un texte fort qui décrit la misère, la violence sexuelle (la luxure pour l’auteur) consubstantielle à celle-ci ; mais aussi le doute du croyant, la mort qui prive du monde visible et de ses paysages, des routes du monde « qui portent le rêve des pauvres », la vie, donc, et enfin la réconciliation avec soi, aux abords de la mort.
Une phrase
“ Mon Dieu, cela me paraît si simple maintenant ! Je n’ai jamais été jeune parce que personne n’a voulu l’être avec moi.
Oui, les choses m’ont paru simples tout à coup. Le souvenir n’en sortira plus de moi. Ce ciel clair, la fauve brume criblée d’or, les pentes encore blanches de gel, et cette machine éblouissante (la motocyclette ) qui haletait doucement dans le soleil…J’ai compris que la jeunesse est bénie – qu’elle est un risque à courir – mais que ce risque même est béni. Et par un pressentiment que je n’explique pas, je comprenais aussi, je savais que Dieu ne voulait pas que je mourusse sans connaître quelque chose de ce risque – juste assez peut-être pour que mon sacrifice fût total, le moment venu…J’ai connu cette pauvre petite minute de gloire.”
L'auteur
Georges Bernanos est né à Paris en 1888 et est élevé chez les Jésuites. Il fut un temps monarchiste puis collaborateur à l’Action Française de Charles Maurras avant la guerre de 14-18 dans laquelle il s’engage, bien que réformé. Il travaille dans les assurances, puis démissionne pour se consacrer à la littérature après Sous le soleil de Satan (1926). Dans les Grands cimetières sous la lune (1938) il s’oppose à Franco et Maurras. En 1938, il s’installe au Brésil et soutient la Résistance. Il meurt à Neuilly en 1948.
Journal d’un curé de campagne a fait l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée en 1951 par Robert Bresson avec Claude Laydu dans le rôle du jeune prêtre. Cette adaptation a reçu le prix Louis Delluc.
Le clin d'œil d'un libraire
LIBRAIRIE SAINT PAUL. A PARIS.
« On sait maintenant à quel saint se vouer »
A condition d’avoir la passion des livres. Et cette passion, les six libraires de la librairie Saint Paul, sise rue de Châteaudun, à mi-chemin entre l’Eglise de la Trinité et celle de Notre Dame de Lorette, l’ont chevillée au corps. Son directeur Christophe Aveline, tout laïc qu’il est, se consacre corps et âme à la propagation de la spiritualité chrétienne et catholique mais aussi de toute croyancequi élève l’esprit, toutes religions confondues. C’est en 1936 qu’un ordre religieux italien, les Pauliniens, crée en France la première librairie à l’enseigne de Saint Paul (c’était rue Dufour). Il en reste deux en France, les librairies Saint Paul ayant surtout essaimé au Québec.« Notre librairie appartient toujours à cette congrégation dont la vocation est donc l’évangélisation par le livre. Mais nous marchons sur nos deux jambes avec 60% de nos ventes réalisées avec des ouvrages spirituels et 40% en littérature générale » résume Christophe Aveline «Nous sommes ouverts sur le monde, nous portons le regard chrétien sur le monde. »
« Nous recommandons évidemment des romans porteurs de certaines valeurs morales et humanistes :
Par exemple Pierre Adrian, avec « les Ames simples », mais aussi « Ames brisées » chez Gallimard, écrit en français par un jeune japonais et aussi « Bach, maître spirituel » une autre manière d’écouter la musique par le pasteur Alain Joly ou encore Brahms par Olivier Bellamy(« L’automne avec Brahms ») connu pour ses émissions sur Radio classique, qui vient souvent tendre l’oreille dans ce lieu un peu sacré ! La peinture n’est pas oubliée : le philosophe Michaël de Saint Chéron présentait ici il y a un mois son « Soulage, d’une rive à l’autre ».
Les libraires de Saint Paul, comme l’horloger, ont ce rare talent de faire des « ponts » entre les arts, la lecture… et la passion.C’est la foi, « l’espérance » qui a sauvé la librairie Saint Paul pendant la très rude période de fermeture et le premier confinement, affirme son directeur. Les colloques, les conférences, les rendez- vous cultuels et culturels, les fameux 19-20 mensuels de la librairie Saint Paul ont été mis entre parenthèses au grand dam de ses fidèles pendant 2 mois. Heureusement, chaque jour, Aveline publiait sur son site ses réflexions, impressions, critiques pour maintenir la flamme. Bref, ce fut un rare et minuscule moment de grâce que votre serviteur a eu la chance de passer le jour de la Saint Valentin, à l’écoute de Christophe Aveline avec, pour finir, ce petit clin d’oeil que nous devons à Christiane Rancé, habituée des lieux qui vient de publier « Le dictionnaire amoureux des saints.»
LIBRAIRIE SAINT PAUL. 28 rue de Châteaudun 75009 PARIS Tel01 45 48 33 00
Texte et interview réalisés par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture-Tops.
Commentaires
Le Journal s'ouvre sur l'existence même du mal qui crible le petit prêtre et son peuple tel qu'il fut présenté dans le jardin edenique : auprès de l'arbre de vie , il y avait l'arbre portant le fruit du mal . Face aux charmes de ce dernier l'homme n'a pas résisté ; il l'a avalé .Depuis lors l'humanité le respire qu'elle veuille ou pas, telle l'image de la poussière décrite à son texte ouvroir. La vision de l'auteur c'est de communiquer les desseins éternels de Dieu : le salut du pêcheur, à l'humanité en proie à la guerre, aux maladies incurables et l'insécurité criarde qui planent sur la terre. Donc le caractère atemporel des thèmes : le mal, la mort, le bien, l'espérance à la vie éternelle rendent actuelles le journal d'un curé de campagne de Bernanos. Nous concluons qu'elle est, à plus de plusieurs titres, médicamenteux à l'homme qui, dans un monde en faillite, cherche à accéder à la vie éternelle.
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