Jessica seule dans sa chambre
Parution en juin 2024
224 pages
19 euros
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Thème
Jessica, 23 ans, se retrouve « seule dans sa chambre » et décide d’aller exercer ses charmes dans un bar après avoir contacté sur un site de rencontre un certain « Justin ». S’engage d’abord une relation tiède mais le désir de Jess s’exacerbe quand elle surprend sur le portable de son ami le surnom de son ex : « Petit Cœur ». Le récit s’oriente alors sur le cas de Louise. Cette brillante diplômée d’études commerciales a quitté Justin jugeant qu’il ne la méritait pas , elle désire par ailleurs garder sa liberté et échapper à la vie rangée que leurs amis trentenaires choisissent désormais. Elle ambitionne un poste plus stimulant à New York.
Quand on lui confirme que « Justin a une meuf », Louise va cependant ressentir peu à peu le poids de l’absence et un sentiment insupportable de vulnérabilité qui la pousse à le retrouver et à le surprendre visiblement épanoui aux côtés de Jessica dans leur bar habituel.
Louise envoie alors des messages à Justin pour renouer une relation. Quand Jessica découvre ces échanges, elle subit les morsures cruelles de la jalousie, abandonne toute mise en scène aguicheuse et s’effondre dans une détresse pathétique tout en torturant Justin sur sa relation passée. Devant ces crises aiguës, Justin souhaite cesser tout contact avec Jessica.
C’est à l’occasion du mariage d’amis communs que Jessica, Justin et Louise seront mis en présence.
Curieusement une sorte de complicité se crée alors entre les deux jeunes femmes, victimes de sentiments extrêmes et destructeurs, et conduit à un rebondissement inattendu.
Points forts
Ce roman contemporain nous renseigne sur le profil de certaines jeunes femmes émancipées qui ont levé les tabous de la sexualité et sur leurs contradictions. On y constate aussi les méfaits de l’addiction aux réseaux sociaux et le danger des téléphones portables laissés à l’indiscrétion des proches.
L’analyse des mécanismes diaboliques de la jalousie et des fantasmes douloureux qu’elle suscite jusqu’à la dépossession totale de soi s’avère pertinente. À cela s’ajoute l’engrenage tragique qui amène à perdre l’objet du désir qu’on voulait précisément s’approprier.
L’écriture du texte est originale : le style est spontané mais la phrase, incisive et souvent juste mêle des expressions crues avec des métaphores suggestives et poétiques parfois.
Quelques réserves
Les deux héroïnes, si proches du lecteur par l’étendue de leurs confidences, n'emportent pas complètement sa sympathie, trop narcissiques, trop orgueilleuses dans leur désir de tout contrôler.
Encore un mot...
Le roman nous livre les aspects les plus sombres d’un sentiment honteux et aliénant : la jalousie. Dans une époque qui prône la libération de la femme et la méfiance envers toute emprise masculine, c’est une démarche courageuse.
Une phrase
« Il n’est pas naturel qu’une fille comme Jessica soit astreinte à résidence un vendredi soir. Un trente et un octobre ! (…) Une soirée entière à être belle sans être vue, c’est pire que la laideur. » (page 8)
« Louise ne s’était pas crue capable d’être si triste simplement parce que Justin se dérobait à elle. Elle avait passé une année entière à échafauder des stratégies de rupture. Une autre à chercher le courage de renoncer aux reliques. Deux ans consacrés à son entreprise d’évasion. Et maintenant que c’était fait : ce chagrin inexplicable. » (page 100)
« Parfois, Justin se soumettait aux interrogatoires de Jessica, y répondait avec précision. Il le faisait avec l’air charitable de ceux qui ne réfutent pas les délires des grands fous, évitent de contrarier les malades, les séniles, les enfants, les soulards ; » (page 163)
L'auteur
Joy Majdalani est libanaise, née en 1992 à Beyrouth, et vit à Paris depuis dix ans. Elle nourrit une vocation littéraire depuis le lycée et dit avoir lu Proust à 14 ans et y avoir découvert les mécanismes de la jalousie. Jessica seule dans sa chambre est son second roman après Le goût des garçons ( Grasset 2022, prix Le Vaudeville).
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