Iphigénie en Thuringe
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Thème
Ces douze histoires se déroulent entre la moitié du XVIIIe siècle et le début du XXe et se situent dans un cadre historique vraisemblable plutôt que véridique, celui du Saint Empire Romain Germanique et de l’Allemagne romantique.
Elles mettent en scène des personnages burlesques, cocasses ou équivoques, rois, princes-électeurs, margraves, chanoinesses et autres archiduchesses, dont la légèreté d’esprit s’allie parfois à une incurable mélancolie ou à une perversité joyeuse.
Des relents d’homosexualité pimentent certains textes : « le page de la margravine » met en scène un bel androgyne amoureux d’un portrait ; « d’amour et d’argent » évoque un « Tristan sacrifiant Yseult à une soudaine passion pour le roi Marc» (ainsi que l’avait si joliment écrit Willy de Spens dans la nouvelle Revue Française lors de la première édition) ; « le mariage du chevalier d’Armel» conte l’histoire d’une bien curieuse souveraine, plus grenadier que demoiselle.
Il est aussi question, entre autres considérations érudites et lestes, d’âmes insatisfaites, de pactes faustiens, de diamants funestes, d’automates élevés au rang de princes…
Points forts
1- Le style, délicieusement précieux et désuet, où ne manque pas un imparfait du subjonctif, suggère les pires turpitudes sans jamais sombrer dans la vulgarité.
2- Il y a du Barbey d’Aurevilly dans ces nouvelles-là, avec des réminiscences d’Hoffmann, de Jules Verne et d’Oscar Wilde, sans oublier Huysmans, du temps qu’il était fasciné par le sacrilège.
3- Les dénouements, tous d’une amoralité frivole, donnent à ces nouvelles un charme irremplaçable.
Quelques réserves
1- La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, me paraît la moins aboutie. Le personnage central (« l’Enchanteresse », inspirée pour partie de Mme de Charrière, maîtresse de Benjamin Constant et pour partie de Marguerite Yourcenar qui a ébloui Diesbach lors d’une rencontre en 1955) est volontairement outré mais son évolution trop brutale ne semble pas très maîtrisée.
2- La multiplication des noms à consonance germanique ou slave frôlent délibérément la caricature (cf. p. 62 « Je suis la princesse Dollnitzky von Dollnitzau zu Dollnitzach und Dollnitzberg, répliqua-t-elle avec simplicité ») mais ne facilite pas la lecture.
Encore un mot...
Un petit bijou de perversité et d’humour qui risque toutefois de ne pas emporter l’adhésion des lecteurs d’aujourd’hui.
Une phrase
p. 214, Diesbach déclare dans sa postface :
« Plus tard, en relisant ce recueil, je fus moi-même étonné d’avoir pu écrire, entre vingt-quatre et vingt-sept ans, un livre aussi étrange, à la fois érudit et pervers, dans lequel j’avais uni le morbide au frivole avec une telle aisance. A certains égards, c’est le plus autobiographique de mes livres. »
L'auteur
Agé aujourd’hui de 85 ans, Ghislain de Diesbach est l’auteur d’une quarantaine d’œuvres, romans, essais et biographies (dont celle de Proust qui fait autorité).
Via Romana vient de rééditer « Iphigénie en Thuringe », le tout premier recueil de nouvelles qu’il a écrit en 1960.
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