Il était une femme étrange

Deux voix pour dire l'impensable, un conte remarquable pour commencer l'année
De
David Lelait-Helo
Héloïse d'Ormesson
Parution en Janvier 2025
176 pages
18 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Eusébio est un sacré conteur. Il tient son monde en haleine. Car il y a longtemps, il préparait les morts pour leur dernier voyage. Et ce jour là, cette femme si belle, si morte, allait lui révéler un terrible secret. Ce secret, il a mis toute sa vie à le percer. Et ce soir-là, dans ce village d’Amapolas, au nom de Coquelicot, probablement situé au Mexique, sans doute à la fin du XIXème siècle, il raconte. Il raconte la vie - que dis-je - les vies de María Dolores Pinta de las Aguas Dulces. Et par le jeu de la mémoire, réveillée par le conte et le conteur, Maria se raconte et s'étonne de sa perspicacité, composant un dialogue hors du temps et de la raison pour expliquer comment ce qui ne pouvait être dit - arriva !

Points forts

Une histoire originale et une écriture remarquable sont les deux points forts de ce roman.

Il ne faudrait peut être pas trop en dire - mais le résumé du livre en 4eme de couverture ne le cache pas - Maria Dolores avait à affronter l'amour fracturé d'un petit garçon pour sa mère, la fascination pour sa beauté et celle de sa sœur jumelle, et plus encore, à cacher le chemin d'une féminité "contre nature" assumée au prix fort.

L'écriture ensuite : David Lelait-Helo, dans ce roman, propose une écriture remarquable de finesse, une beauté formelle qui m'ont frappé dès les premières lignes. 

Enfin, si le terme est un peu galvaudé, il s'agit là d'une histoire à deux voix, un roman “choral” dont les répliques s'enchaînent à merveille et invitent à en dévorer les pages. 

Quelques réserves

Sous l'Ombu du village Coquelicot/Amapolas, pas une ombre de réserve !

Encore un mot...

Il était une femme étrange est un roman original, à l'écriture ciselée, à l'imaginaire poétique, qui raconte ce qui était impensable il y a un siècle, le chemin de la "transformation" d'un enfant. Les coups de désamour de sa mère, son amour pourtant inconditionnel pour sa beauté, son érudition, sa personnalité rayonnante seront les repères d'une identité en devenir. Douleur, fascination, violences, sauvage détermination seront le chemin d'un épanouissement qui ajoutera des secrets au secret de sa vie. Ce roman brille par son inventivité, sa finesse psychologique et emporte le lecteur dans les pas de cette femme étrange qui sut transformer sa vie en un conte irracontable, pourtant révélé par le vieil Eusébio !

Une phrase

  • " À Amapolas, quand les jours prennent leurs aises et s'allongent à n'en plus finir, c'est à la porte des lèvres des anciens que les histoires fleurissent. Sous l'ombu*, à l'heure où s'allument les étoiles, les conteurs entrouvrent les coffres pleins de leur mémoire. Les badauds accourent pour que ces trésors sertis de mille éclats de voix leur tombent en cascade dans l'oreille. Alors les récits emplissent le néant et un passé glorieux enlumine un présent un peu trop terne. 
    * Arbre typique de la pampa argentine que l'on cultive surtout pour son ombre" P.22

  • " Le décor même ne voulait pas de moi, je ne faisais que passer. J'étais un courant d'air, j'étais l'oiseau de mauvais augure et cet affreux songe que l'on chasse d'un revers de la main.
    À la souffrance, il convient de trouver un remède et au danger, un refuge. La beauté fut ma consolation et devint mon opium.
    N'étais-je pas, dès mon plus jeune âge, hantée par l'harmonie parfaite et la pureté de toutes choses. Je serais morte de n'avoir pu sublimer la trivialité de l'existence. La beauté me foudroyait, son irruption me secouait de larmes et de frissons. La lumière neuve d'un matin pâle, la lueur sanguine d'un crépuscule, la complexité sublime d'une fleur, la douceur d'un chant, la finesse d'un poème ou d'une étoffe, un visage noble, celui de ma mère, une élégance parfaite, celle de ma mère...
    […] Mi-élixir mi-poison, la beauté de ma mère fut la source de toutes ces folies que je commettrais. Je lui dois la grâce et ma disgrâce." P.63

L'auteur

David Lelait-Helo, hispaniste de formation, est l'auteur de nombreux romans dont Poussière d'homme, D'entre les pierres, Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri et Je suis la maman du bourreau. Très apprécié par la critique, adapté au théâtre et à la télévision, ce roman a reçu le prix Claude Chabrol en 2022. Il est aussi l'auteur de recueils de contes et de biographies (Dalida, Barbara et de Line Renaud). Il vit entre Paris et Saint- Nazaire.

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