Histoire du Lion Personne

Plus original, tu meurs !
De
Stéphane Audeguy
Editions du Seuil
Notre recommandation
4/5

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Thème

1786. Au Sénégal, un jeune homme prometteur est envoyé à Saint Louis par son instituteur pour suivre l’enseignement réservé aux blancs. En chemin, dans la brousse, il rencontre un lionceau abandonné et l’emmène dans son menu bagage. 

Le directeur de la compagnie royale du Sénégal accueille l’enfant et le lion auquel il donne le nom de « Personne ». A la mort de l’enfant, il garde le lion mais celui-ci, bien que doux comme l’agneau, terrorise le monde et devient victime de la vindicte populaire. 

1788. Le directeur fait envoyer Personne par bateau à Versailles, ainsi que son ami le chien Hercule, et les confie aux bons soins du directeur de la ménagerie du Roi, qui les prend en charge jusqu’en 1792. 

La révolution étant passée par là, la ménagerie disparait misérablement, les animaux
crèvent de faim et les deux amis sont envoyés au tout nouveau jardin des Plantes, à Paris, où Personne résidera jusqu’à sa mort en 1796.

Points forts

1) Le récit.
C’est une histoire complètement originale, passionnante et attachante.

2) Le contexte.
Entre l’école de Brousse du Père Jean, la ville de Saint Louis du Sénégal où se construit le premier comptoir européen d’Afrique occidentale, le voyage immonde dans la cale d’un vaisseau de la Compagnie des Indes, la fin de la ménagerie du Roi à Versailles qui vit ses derniers mois dans la disette, les débuts de la ménagerie du jardin des Plantes encore appelé jardin royal de Paris, ce roman est un voyage dans l’histoire, à la fois édifiant et plein d’anecdotes inoubliables. 

On traverse aussi la France et on découvre par bribes ses premières usines, ses tavernes, sa Révolution, sous le regard étonné des divers protagonistes.

3) Les personnages.
Se succèdent des personnages de roman et des personnages historiques, tous bien mis en scène et qui contribuent librement au récit. Ainsi le jeune et audacieux Yacine, qui adopte Personne ; Jean Gabriel Pelletan, directeur de la Compagnie de Saint Louis au Sénégal, anti esclavage avant l’heure et qui prend le relai ; ainsi Jean Dubois, ami de Buffon, qui, rêvant de devenir naturaliste, accueille Personne et son ami au Havre et les conduit jusqu’à Versailles où il se fera embaucher pour ne plus les quitter; il leur fait le plus grand bien en pratiquant la psychologie animale avant l’heure ; ainsi
Bernardin de Saint Pierre, Daubenton, Jeoffroy de Saint Hilaire et toute l’équipe enthousiaste du Jardin des Plantes en devenir.

4) Les sentiments.
L’amitié du lion et du chien, les souffrances qu’ils endurent, la générosité incroyable et la fidélité de tous ceux qui successivement les adoptent : tout cela est extrêmement touchant et sensible.

5) Le style.
C’est une adaptation contemporaine du style du XVIIIème. Le rythme, les couleurs, la richesse du vocabulaire : c’est très réussi, un régal de lecture

Quelques réserves

Bien peu:

- Stéphane Audeguy ne se met pas dans la peau de son héros, le lion Personne. Il le raconte avec une certaine distance. Mais c’est sans doute plus prudent…

- Et puis, ce livre part tout de même d’une idée tellement originale que bien des lecteurs n’adhèreront pas et qu’il ne pourra pas faire l’unanimité...

Encore un mot...

Voilà un excellent ouvrage, vraiment pas banal, tout public, que l’on a envie de dévorer car il a un petit côté « page turner »; et que l’on a aussi envie de goûter en revenant tranquillement en arrière sur tout ce qu’il exprime et offre en matière de valeurs, de sentiments, de culture, de poésie, d’humour, de dépaysement…

Une phrase

(ville de Saint Louis : Jean-Gabriel Pelletan, le lion et le chien)

« Quand il leur arrivait de sortir ensemble durant le jour, aussitôt, le vide se faisait autour d’eux, comme il se faisait dans la bonne société de Saint Louis autour de ce directeur excentrique, toujours flanqué de son impassible domestique, noir comme l’encre la plus noire, que les dames trouvaient inquiétant et les messieurs sournois, de son lion gras comme un moine, et de ce corniaud ridicule que l’on n’osait pas moquer, et qui mordait les mollets de ceux qui ne lui plaisaient pas. »

L'auteur

Stéphane Audeguy enseigne l’histoire des arts et du cinéma. Il est l’auteur de cinq romans, dont "La théorie des nuages", et de nombreux essais.

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