Gioconda

Un roman “pépite”. 1943,Thessalonique. Récit lumineux, amour intense malgré la haine et la mort qui rôdent
De
Nikos Kokantzis
Editions de l’Aube
Traduit du grec par Michel Volkovitch
Récit écrit en 1975
Parution récente novembre 2022
117 pages
10,90 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Nous sommes à Thessalonique dans la Grèce de la Seconde Guerre mondiale.

Tout près de la maison de Nikos, notre narrateur, existe un terrain vague où se retrouvent les amis pour jouer. Tout près aussi se trouve la maison d’une famille haute en couleurs, les parents, les frères et sœurs, la grand-mère et surtout Gioconda. Une famille juive comme tant d’autres dans cette ville.

Nikos se souvient : Gioconda sa meilleure amie d’enfance mais aussi leurs premiers émois ; ils s’embrassent, puis c’est le passage de leur vie d’enfant à celle d’adolescents avec l’amour qui les embrase, la découverte de leurs corps, avec une sensualité « dévorante ».

Mais nous sommes en 1943. Avec toute sa famille, Gioconda est arrêtée, déportée.

Points forts

Nous savons dès le début que  « Ceci est une histoire vraie ».  

Un livre court et sensible, une véritable ode à l’amour corps et âme.

Malgré l’intensité des persécutions contre les Juifs, les bombardements se rapprochant, les deux jeunes n’ont d’yeux que l’un pour l’autre, s’aiment d’un amour total, amour merveilleusement rendu par le récit. C’est l’histoire dans l’Histoire que nous raconte Nikos, le narrateur.

Les pages relatant l’arrestation de Gioconda et sa famille sont bouleversantes : pas de cris, pas de hurlements, pas d’ordres « aboyés » par les SS. Ces « occupés » préparent leurs affaires, avancent calmement vers leur destin dans le silence impressionnant et impuissant de leurs voisins et amis.

Quelques réserves

Quelle est la part du rêve et de la réalité trente après ? Le narrateur n’aurait-il pas tendance à idéaliser cette jeunesse, ce passé ? Malgré l’intensité de leurs sentiments, de la découverte de leurs corps, est-ce un récit fantasmé ou raconté avec l’expérience d’un homme déjà mûr ? Qu’importe ….

Encore un mot...

 Histoire vraie donc. Un ouvrage court, dense qui s’apparente au devoir de mémoire. L’auteur rend ainsi hommage à Gioconda, son premier amour, mais aussi hommage à tous les siens disparus dans l’horreur de cette guerre. Nikos Kokantzis a attendu d’avoir 45 ans pour raconter cette histoire.

A travers ce récit d’une grande sensualité, « le rire, le chagrin, l’amour, tout ce qu'elle était », Nikos nous rappelle la cruauté, l’horreur de cette tragique déportation de ces Juifs de Thessalonique, une population décimée  et une ville en partie disparue.

On ressent dans l’intensité des sentiments le chagrin de l’auteur, hanté par ces souvenirs et cette séparation.

Un livre  bouleversant, un livre témoignage « Gioconda doit rester vivante aussi longtemps que je vivrai… "

Une phrase

  • « Ceci est une histoire vraie. Hier, une fois de plus, j’ai vu en rêve mon ancien quartier. Rêve la nuit, cauchemar le jour, quand on voit ce qu’ils en ont fait. Moi, au moins, je l’ai connu du temps de sa beauté. J'ai eu la grande chance de naître et grandir là-bas, j’y ai vécu la guerre, l’Occupation, puis quelques années encore ». (p.7)
  • « J’errais, je m’égarais dans l’humide étendue de ses yeux, avec leur sagesse innée, séculaire, leur perpétuelle invite, leur très ancienne connaissance de tout ce qu’elle ignorait encore et leur impatience de le découvrir. Nous étions impatients tous deux d’en savoir davantage sur nous-mêmes à travers nos corps brûlants et le kaléidoscope de nos sentiments, comme si nous devinions qu’il fallait faire vite, que nous serions bientôt appeler à payer notre humble, insignifiante, et en même temps énorme part. » (p.53) 
  • « … Le camion démarra, avança jusqu’au coin de notre petite rue, tourna dans l’avenue et disparut à nos yeux. Le bruit nous parvint encore assez longtemps et tant que nous l’entendîmes, nous restâmes. Puis il cessa et tout fut tranquille. Les voisins s’étaient retirés chez eux en fermant les volets. Les enfants avaient disparu. Dans la cour de leur maison vide, nous étions totalement seuls. Nous rentrâmes chez nous. » (p.112)

L'auteur

Nikos Kokantzis est né à Thessalonique en 1927, où il découvre l’amour avec Gioconda et étudie la médecine avant de se spécialiser en psychiatrie à Londres où il vécut plusieurs années. En 1975, il décide d’écrire son histoire d’amour avec Gioconda afin que celle-ci et les siens ne soient pas oubliés. Il est mort en 2009.

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