Franz Kafka ne veut pas mourir
Janvier 2023
352 pages
21.50€
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Thème
Nous découvrons Franz Kafka dans les derniers jours de sa vie au travers du regard de ses proches : son ami Robert Klopstock, rencontré dans un sanatorium, sa sœur Ottla, témoin des relations tendues entre son père et son frère ainsi que sa compagne Dora Diamant avec qui il forme un couple d'amants passionnés. Confrontés à la réalité crue de la maladie, la tuberculose, chacun d'entre eux nous livre la relation forte qu'ils partagent avec l'écrivain mourant. Conscients de la force de son écriture, ils affronteront leurs destins tragiques marqués par les drames du XXème siècle. En dépit de la montée du fascisme, des nouveaux pogroms, des purges staliniennes et finalement des sauve-qui-peut, ils continueront de porter la pensée de l'écrivain tout au long de leurs vies aussi bien dans le détail de leur intimité avec lui que dans la diffusion de son œuvre auprès du monde.
Points forts
L'auteur utilise un vocabulaire extrêmement précis pour décrire la tuberculose. Le côté froid et clinique des descriptions confère une réalité sans fard à cette maladie très largement répandue au début du siècle dernier.
L'écriture descriptive nous plonge également dans une peinture très vivante des ambiances des différentes époques : les mondanités étranges au sein du sanatorium, sorte de vase clos, en dépit de la mort très présente dans l'esprit des malades ; la perception de la montée de l'anti-sémitisme au sein des communautés juives de Prague et de Berlin tandis que les relations internationales n'empêcheront pas l'horreur absolue de la solution finale voulue par Hitler ; la plongée au sein de la terreur stalinienne avec un passage par les interrogatoires dans les locaux sinistres de la Loubianka.
Le choix d'écrire ce livre sous forme de trois témoignages donne un côté très intimiste à la relation de chacun avec Franz Kafka et permet aussi de mieux appréhender la vérité historique au travers de leurs quotidiens.
Quelques réserves
Les trois personnages principaux sont très différents les uns des autres de part leurs tempéraments et de part la nature du lien qui les lie à Kafka : amical, familial et amoureux. Or je trouve que ces témoignages sont presque trop semblables dans leur façon d'exprimer leurs émotions. On aurait pu imaginer, par exemple, une expression moins passionnelle chez la sœur de Kafka : on pourrait par instant confondre la relation frère-soeur avec la relation de l'amante. Le personnage de l'ami pourrait également avoir une nuance plus virile et insister davantage sur ce que l'écriture de Kafka a pu susciter comme discussion, débat, échange de point de vue entre eux et comment finalement, la pensée de l'écrivain a continué de nourrir la pensée de Robert Klopstock après la mort de celui-ci.
Encore un mot...
Ce livre est moins un récit sur Franz Kafka que sur la force d'une œuvre, d'une pensée, d'un art qui perdure malgré les fanatismes de tous bords. C'est ce en quoi Franz Kafka ne veut pas mourir. Cette force reste présente malgré la haine, les persécutions et le temps qui passe grâce à trois témoins forts de leur époque. Cela nous renvoie aux heures sombres des fanatismes religieux actuels, aux luttes sans merci des peuples contre l'obscurantisme de leurs dirigeants, aux bruits de bottes qui résonnent à nouveau à l'Est. Mais cela nous donne aussi une forme d'espoir à l'idée que la pensée et la culture peuvent et doivent rester plus fortes que toutes les menaces qui s'accumulent à nouveau à l'horizon.
Une phrase
« Il n'y a pas de légère fièvre, il n'y a que des fièvres exécrables » P.47
L'auteur
Laurent Seksik est né à Nice en 1962. Médecin et écrivain, ses livres sont marqués par ce double parcours. On retrouve dans Les Derniers jours de Stefan Zweig et Le cas Eduard Einstein cette proximité entre la pensée, qu'elle soit littéraire ou scientifique, avec la maladie et la mort. Le thème des relations père-fils est également très présent dans son œuvre. Il est aussi dramaturge pour le théâtre et a coécrit un docu-fiction sur Charlie Chaplin, la légende du siècle avec Laurent Delahousse pour lequel il reçoit un Award du Meilleur Documentaire International 2014 au festival du film de Sao Paulo.
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