François, roman
263 p.
Appartenant à une génération qui a vécu un véritable bouleversement copernicien, le chaotique apprentissage, par François Taillandier, de sa propre dimension d'homme et d'écrivain. Remarquable.
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Thème
C'est à ce petit garçon de sept ans à l'air boudeur sur une photo de classe que ce roman est consacré ; à soixante-trois ans, le narrateur affirme qu'il lui est « redevable de tout. » Sa mémoire lui permet de reconstruire ce personnage lointain qui appartient à une époque désuète, au charme indéniable. Il le situe dans son contexte provincial, sa « contrée » auvergnate, grâce aux souvenirs minuscules de l'école St Gabriel de Clermont-Ferrand ou de Ferrières, village du Bourbonnais habité par des personnages pittoresques, qui parlent encore patois. Il raconte ensuite son adolescence au collège Massillon, marquée par ses chocs littéraires éblouissants, et dominée par la découverte des filles, de la sexualité, dont il ignorait tout. Il poursuit son récit par un portrait sévère de l'étudiant en lettres et du jeune professeur sans vocation, qu'il est devenu. Influencé par l'esprit soixante-huitard, il rejette alors tout l'héritage qu'il a reçu, refuse toute responsabilité et se complaît dans une vie molle et décousue. La voix intérieure du petit François lui permettra une révolte salutaire contre lui-même.
Points forts
- Une évocation très juste de cette bourgeoisie provinciale catholique, de ses principes et de ses mœurs d'une telle évidence qu'on ne les discute pas.
- Son arrière-grand-père, le « Gallo-romain », représente parfaitement ce monde enraciné dans un mode de vie inchangé depuis des siècles.
- Au centre de ses souvenirs se trouve le basculement d'une époque à une autre. Pas de passéisme de sa part, mais une conscience aiguë de ces bouleversements incroyables et si précipités, comme le renoncement des catholiques à eux-mêmes, en affadissant la religion sous prétexte de la rapprocher des gens ou la « fumisterie » de la libération sexuelle obligatoire sous l'égide de Freud.
- Dans cette quête des origines et de son identité, il retrouve la naissance de sa vocation d'écrivain à travers sa sensibilité précoce aux mots et à leur mélodie, sa passion dévorante pour les livres à l'adolescence et aussi son goût pour la solitude, propice à la rêverie indispensable au futur romancier.
Quelques réserves
- Une certaine exagération dans la liste de ses défauts d'étudiant et de jeune professeur.
Encore un mot...
François Taillandier, romancier balzacien, nous propose cette fois-ci un récit autobiographique à portée universelle, écrit d'une plume fluide et élégante. Il ne nous raconte pas seulement sa jeunesse, mais celle de toute une génération qui se reconnaîtra dans ces années charnières, pendant lesquelles une société figée dans ses habitudes, ses rituels, ses conformismes, n'a pas résisté aux changements brusques de mai 1968 et sera définitivement assimilée à « un monde révolu, à un monde d'avant. »
Une phrase
« L'homme de soixante-trois ans qui écrit ces lignes et s'interroge sur le François de son passé ... après toutes les choses de la vie, ... les amours, les romans, les rivages, les joies, les déceptions, ... le temps inexorable qui se referme comme un éventail, les rêves et les limites, ... la passion ou l'ennui, les quotidiennetés et les drames, ... toute la profuse immensité de la vie, l'homme de soixante-trois ans sait qu'à François il reste redevable de tout. » p. 123
L'auteur
Né en 1955, François Taillandier a écrit des dizaines de romans et d'essais, dont Anielka, Grand Prix du roman de l'Académie française 1999 et La grande Intrigue, cycle romanesque en cinq volumes (2005-2010).
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