Einstein, le sexe et moi

Thème original, attachant. Ecriture survoltée
De
Olivier Liron
Editions Alma - 200 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Olivier est un jeune homme sensible et aux capacités intellectuelles hors du commun. Atteint du syndrome d’Asperger, hypermnésique mais peinant à transmettre ses émotions, il souffre à la fois de facilités et de handicaps qui minent sa vie par le mépris, la peur ou la jalousie qu’ils peuvent susciter chez les autres. Il a mené une scolarité empreinte de résultats brillants et de relations cataclysmiques avec ses camarades dont il a été le bouc-émissaire, a souvent vécu des histoires amoureuses très compliquées, ou plutôt inexistantes. Il décide un jour de se présenter à l’émission « Questions pour un Champion ». Il livre le récit minutieux de l’une de ses victoires, entrecoupé de souvenirs cruels et de réflexions mordantes.

Points forts

- L’extrême solitude du narrateur, son incapacité à communiquer son amour ou à se faire accepter des autres sont indéniablement touchantes. Exprimé avec violence et grâce, son exil se traduit avec force par des passages sur l’enfance du petit garçon, passages auxquels il est impossible de rester indifférent.

- Le goût du détail fait l’originalité du texte. Les images choisies sont souvent surprenantes et drôles, faisant découvrir, par exemple, une concurrente d’un jeu télévisé prenant des airs de « potiron rusé », à défaut de sonner toujours parfaitement juste.

- La stratégie consistant à entreprendre le récit minutieux (parfois à la virgule près) de l’émission « Questions pour un Champion », entrecoupé de souvenirs, est parfois risquée mais franchement efficace. On en vient à s’intéresser à tous les détails donnés, aux modalités de révision, au présentateur de l’époque (un Julien Lepers plus vrai que nature), aux candidats improbables, à tout ce qui fait la spécificité d’un jeu archi-connu mais que l’on redécouvre avec plaisir sous la plume agile d'Olivier Liron.

Quelques réserves

La souffrance du narrateur écorché-vif passe rarement mais parfois par des procédés un peu moins originaux : style oral des dialogues déteignant sur le récit (« C’est clair que je n’allais pas laisser tomber »), classique passage des insultes de l’homme envers les femmes aimées mais incomprises (« J’ai envie de te quitter. J’ai envie de baiser ta sœur »), métaphores scatologiques (« Je t’arracherai jusqu’au dernier poil de nez et je le ferai frire dans ma merde »), ou répétitions un peu surexploitées « On reste concentré. On reste concentré. On reste concentré. On reste concentré ») qui n’apportent pas grand-chose au texte, émoussant au contraire sa violence.

Encore un mot...

Un texte qui a ses défauts mais également et surtout de grandes qualités : une histoire originale, un rythme enlevé, un narrateur attachant et une écriture survoltée. Une découverte plus que plaisante.

Une phrase

« Cet été, j’ai révisé comme un fou. Pour ne pas sombrer dans la folie complète – ou peut-être pour y sombrer, précisément –, j’ai mémorisé des listes entières d’informations. J’ai appris la moitié de Wikipédia par cœur. Mais je n’ai pas beaucoup avancé dans ma connaissance des autres. Je me suis rempli la tête d’informations pour peupler ma solitude. Pour oublier l’essentiel, pour dompter l’absence et le chagrin. Comme si apprendre des milliers d’informations sans queue ni tête, peupler la mémoire était un réflexe de survie. Quand on est triste, le cœur demande du plaisir, vite du plaisir. Et n’en trouve pas. Je me suis confectionné un abri, un bunker dans la mezzanine de mon appartement. J’ai percé des trous dans les cloisons de l’appartement. J’ai fixé des chevilles, et à ces chevilles j’ai accroché des rideaux opaques qui ne laissaient plus passer une seule parcelle de lumière. J’étais dans le noir complet. J’étais reclus dans la solitude de ma mezzanine nuit et jour. J’y ai passé tout l’été. Je regardais des films sur un vieux poste de télévision des années 60 et je révisais. Je devais me farcir la mémoire de choses. Le plus de choses possible, pour oublier tout le reste ». p 124.

L'auteur

Né en 1987, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure et agrégé d’espagnol, Olivier Liron est professeur à l’Université Paris III Sorbonne-Nouvelle. Auteur de pièces de théâtre, il a également publié un précédent roman en 2016, « Danse d’atomes ».

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