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Thème
Le narrateur se propose de raconter l'histoire de sa famille maternelle, dont il situe l'origine en 1946 à travers la construction à Clamart, de la Fraternité, bâtie de leurs mains par des protestants, des hommes bons et droits, en quête d'un monde meilleur au lendemain de la guerre. Chaque membre de la famille se déterminera en fonction de cette communauté fraternelle, rassurante, rigoureuse et utopique. Les destinées de deux cousines inséparables vont s'inverser, la chute de la branche riche sera parallèle à l'ascension sociale de la branche pauvre. Trois générations défilent sous nos yeux ; les choix professionnels, politiques, sentimentaux des principaux protagonistes, leurs succès comme leurs déboires, se mêlent à l'histoire de l'époque.
Points forts
• Des personnages attachants, dépeints avec talent au cœur des vicissitudes de leur existence. Madeleine, la grand-mère du narrateur, dont la force de caractère, l'énergie, la dignité, l'abnégation et surtout l'amour de la vie incarnent la grandeur et la beauté des "ignorés" de la littérature. Elise : comment une petite fille modèle peut-elle s'égarer chez des gauchistes et se retrouver plus tard en prison ?
• Le sens qu'il veut donner à une famille, les influences qu'elle subit, son souci de se reproduire, de se répéter ou le rejet qu'elle suscite ; plus largement, le milieu social qu'il tente de comprendre et de définir.
• Les réflexions sur son rôle d'écrivain, envisagé dans sa jeunesse comme un idéal chevaleresque, ainsi que sur le refus de la fiction pour approcher de la vérité des êtres, sachant que toute vie contient sa part de fiction.
• La pudeur et la modestie du statut qu'il se choisit, celui d'enquêteur, de témoin et éventuellement d'un personnage parmi les autres: " il y a une forme de vulgarité à parler de soi."
• Les liens qu'il établit entre les deux branches de sa famille avec les Rougon, riches, et les Macquart, pauvres, et l'inversion spectaculaire qui suivra.
• Le côté théâtral de la révolution, jouée par des pseudo-terroristes, ou de l'apogée sociale, mise en scène par sa mère et son beau-père, parrainant le festival de Ramatuelle.
• Les personnages célèbres de l'époque décrits avec vérité ; l'histoire d'une certaine gauche, celle de Rocard ou de Jospin, évoquée ici et là.
Quelques réserves
Un certain flou sur ses propres états d'âme à l'adolescence.
Encore un mot...
Un livre magnifique et fort bien écrit sur une famille indestructible ; l'auteur ne cherche pas seulement des liens entre ses membres, mais entre les événements épars, les itinéraires, qui peuvent conduire au sommet de l'Etat comme au fond d'une prison.
Même s'il découvre une forme de grandeur dans les succès aussi bien que dans les échecs, comment expliquer de telles incohérences ? La clé pour tout comprendre : la fameuse Fraternité, qui leur a appris la vie collective, la volonté d'aller au bout de leurs engagements et d'assumer les conséquences de leurs actes, ce qui les a préparés à devenir des militants. Tous rechercheront cet Eden-Utopie : quête tournée vers le futur pour certains, qui croient trouver leur utopie en mai 1968, ou pour d'autres, qui se lancent dans des combats révolutionnaires illusoires ; quête tournée vers le passé, celle de l'âge d'or de l'enfance ou de la jeunesse, à jamais perdu, que seule l'écriture peut restituer.
Une description très réussie du climat d'une époque révolue, qui laisse place aujourd'hui à la dictature vulgaire de l'argent.
Une phrase
A propos de l'Eden, l'avant-dernière phrase du livre : " Chacun, un jour ou l'autre, a eu sa part du paradis et puis chacun en a été chassé, comme d'habitude. Bref, l'histoire d'une famille." p.278
L'auteur
Né en 1969, Fabrice Humbert est l'auteur de L'origine de la violence, Prix Renaudot Poche 2009, et de La fortune de Sila, Prix RTL-Lire 2010.
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Du souffle, de l'ampleur et du style: magnifique.
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