De l’autre côté, la vie volée

Le soleil se lève à l’est
De
Aroa Moreno Duran
Editions JC Lattès
210 p.
Recommandation

“De l’autre côté du Mur, j’ai pleuré mon père pendant des années dans une complète solitude. Quand quelqu’un part et qu’il n’y a ni enterrement ni funérailles, on fait plus rapidement son deuil que d’habitude. Ceux qui n’ont pas de souvenirs, n’ont pas été confrontés au corps vide d’expression, oublient aussitôt qu’ils ont eu un père, un homme avec un ou plusieurs rêves, des désirs et des colères, un homme constamment gagné par la nostalgie absurde de nulle part. Les morts apparaissent et disparaissent comme s’il ne s’était rien passé, et on fait comme si cela n’avait pas d’importance. Parce qu’on a pris une décision sans en mesurer les conséquences. Dans la précipitation. Qui sait s’il a pleuré la nuit sur sa fille, sur sa famille, sur le socialisme ou sur lui-même. Papa. Papa, disais-je lorsque j’étais seule. Pour toutes les fois où je ne l’avais plus appelé ainsi.”p.157 

Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Lu
par Culture-Tops

Thème

Katia vit une adolescence heureuse derrière le mur à Berlin Est. Elle et sa petite sœur sont choyées par leurs parents d’origine espagnole. Le père communiste a fui l’Espagne en 1938 pour se réfugier d’abord à Moscou puis à Berlin à la chute des nazis. Les parents sont nostalgiques de leur pays, la mère ne parle qu’Espagnol, mais ils ne partagent pas leur lourd passé triste avec leurs filles qui nées en Allemagne sont des Berlinoises épanouies.

Dans l’excitation de la vie estudiantine à Berlin Est, sans bien réfléchir Katia abandonnera tout, ses parents et sa sœur, passera à l’Ouest dans des conditions difficiles, pour vivre à l’Ouest le grand amour avec Johannes, dans sa petite ville de province, propre et ennuyeuse. Là Katia découvrira un autre mur, celui entre elle et sa belle-famille qui ne verra en elle qu’une étrangère, une communiste espagnole. Alors Katia deviendra mélancolique, gagnée par le mal du pays, le remord, la culpabilité d’avoir abandonné ses parents et sa sœur.   

Points forts

Le thème du récit est percutant à savoir que sauf dans sa propre famille on est toujours l’étranger. C’est une belle plongée dans la sécurité du cocon familial par opposition à la violence du régime totalitaire derrière la porte de l’appartement. L’atmosphère paranoïaque de Berlin Est est bien rendue de même que, par contraste, les joyeuses jeunes amitiés qui se nouent à l’ombre du mur et sous la surveillance permanente de la STASI. Avec subtilité et émotion l’auteur nous invite dans le camp des perdants ; le réfugié communiste et l’ancien soldat de la wehrmacht nazie qui doivent vivre avec leur passé douloureux mais sans obérer l’avenirs de leurs enfants. 

Quelques réserves

La traduction en français rend parfois la lecture difficile et sans doute diminue la puissance romanesque du texte d’origine. Aussi pourquoi remplacer le titre original « La fille du communiste » qui nous met immédiatement dans l’ambiance du sujet et qui accessoirement permet de conseiller le livre à son entourage sans avoir à rechercher dans sa mémoire le long texte du titre, la longueur du nom de l’auteur ne facilitant pas la tâche. 

Encore un mot...

Venant de pays de l’est souvent on entend cette faible plainte que : c’était mieux avant, du temps du rideau de fer, du mur. Diantre, le confort matériel et l’individualisme de l’Ouest ne suffiraient-ils pas à notre bonheur ? Le communautarisme, y compris la cellule familiale, aurait-il du bon ?    

L'auteur

Née en 1981 Aroa Moreno Duran est une jeune journaliste madrilène qui avec ce premier roman entre directement dans la cour des écrivains à succès et souhaitons lui, des grands écrivains.

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