Dans l’épaisseur de la chair
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Thème
Un roman pour un hommage, c’est bien le moins que Jean-Marie Blas de Roblès puisse trouver pour célébrer son père, appelé ici Manuel Cortès. Un père fils d'immigrés espagnols bistrotiers dans la ville de garnison de Sidi Bel Abbès, en Algérie, devenu chirurgien et engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942. « Il m’a fallu des années pour déverrouiller la mémoire scellée de mon père et digérer mes propres traumatismes. J’ai enfin acquis la nécessaire bienveillance en face des faits », confie l’auteur.
Thomas, le narrateur, lui, se rappelle, très tôt dans le roman, les mots définitifs du père : « Toi, de toute façon, tu n’as jamais été un vrai pied-noir ! » Touché au plus profond de lui-même, il part le lendemain naviguer. Seul. Il se remémore la longue vie de son père, alors âgé de 93 ans ; il tombe à l’eau mais n’a pas déplié l’échelle de corde ; accroché au plat-bord, il n’arrive pas à se hisser dans l’embarcation par la force des bras… Le bateau continue sur la Méditerranée ; à deux reprises, Thomas tente de remonter à bord- en vain, et il ne cesse de penser à Manuel, son père… Et tout au long du récit du souvenir et de l’hommage, un perroquet imaginaire nommé Heidegger y va de ses moqueries des divagations de Thomas.
Points forts
- Un très beau roman , modeste mais vraiment très beau, un texte qui avoue que « sans doute vient-il trop tard ce moment où un être humain réalise qu'il sera toujours moins que son propre père, moins que son propre fils, moins que ce qu'il avait rêvé d'être ».
- Jean-Marie Blas de Roblès, qu’on avait tant apprécié pour « Là où les tigres sont chez eux », rappelle avec « Dans l’épaisseur de la chair » qu’il est maître dans l’art du roman vrai rêvé.
- Une écriture fluide pour un livre où cohabitent, avec élégance, l’histoire familiale et la Grande Histoire sans oublier les anecdotes…
- L’auteur sait aussi raconter une histoire de l’Algérie, celle de son enfance dans les années 1950- 60. Ce qui donne un texte empli d’émotion(s)…
Quelques réserves
La présence de Heidegger, le perroquet imaginaire et moqueur, alourdit par moments le récit de Thomas le narrateur et son hommage au père.
Encore un mot...
Un roman vrai. Un texte vibrant et empli d’émotions. Entre Marseille et l’Algérie, une épopée qui court sur près d’un siècle. Le beau livre d’amour d’un fils pour son père.
Une phrase
- « Mon père est un Romain qui écoute la météo comme on consultait autrefois les aruspices. Si cela pouvait se faire, je suis persuadé qu’il n’hésiterait pas à sacrifier une mouette avant tout embarquement, et à payer quelque augure pour lire dans les viscères du volatile la moindre chance de revenir au port avec une bonne prise ».
- « Lui rendre justice demanderait plusieurs tomes d’une patrologie manuscrite- avec des ratures visibles, des reprises, des corrections notariales- comme elle s’est ébauchée dans mon esprit durant ces dernières heures. Non par souci de vérité- cette chose affreuse- mais pour faire mienne sa blessure, coïncider avec elle dans l’épaisseur de la chair ; parce qu’il s’agit d’abord d’entrailles et de terre rouge, d’ivresse de vivre, d’embrasement de l’âme sous la lumière du plein été ».
L'auteur
Né en 1954 à Sidi Bel Abbès (département d’Algérie française), Jean-Marie Blas de Roblès est un écrivain français. Après l’indépendance de l’Algérie, rapatrié en France avec ses parents, il passe son adolescence dans le Var puis il ira à Pa ris et étudiera la philosophie à la Sorbonne et l’histoire au Collège de France.
Diplômes en poche, il part enseigner la littérature française au Brésil, en Chine populaire, en Sicile et à Taiwan. En 1986, il devient membre de la Mission Archéologique Française en Libye et participe chaque été aux fouilles sous-marines d’Apollonia de Cyrénaïque, de Leptis Magna et de Sabratha en Tripolitaine.
Depuis 1996, il se consacre exclusivement à l’écriture, entre romans, nouvelles, poésie et essais. En 2008, pour son roman « Là où les tigres sont chez eux », il a reçu le Prix Médicis, le Grand Prix Jean-Giono et le Prix du roman Fnac.
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