DANS LE FAISCEAU DES VIVANTS
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Thème
Valérie, auteure et traductrice, apprend la mort d’Aharon Appelfeld, auteur de renommée mondiale dont elle a traduit les livres de l’hébreu vers le français. Cette disparition représente pour elle à la fois la perte d’un ami, d’un père spirituel, mais aussi celle de la matière de son travail et peut-être même du sens qu’elle a donné à sa propre vie. Elle retrace ses souvenirs de l’homme et l’histoire personnelle de ce dernier, laquelle a été marquée par une enfance au cœur de la barbarie de la Shoa et d’une vie poursuivie par un déracinement en Israël, dans une nouvelle langue qui deviendra celle dans laquelle il écrira.
Points forts
-Le livre tourne autour d’un auteur étant en lui-même fascinant en tant que personnage : Aharon Appelfeld est un écrivain de talent et un être hors du commun, à la fois sage et espiègle, pudique et intrusif, chaleureux et rude. Et, quand bien même le lecteur connaîtrait d’ores et déjà l’histoire de la vie de cet homme, il est encore fascinant de se replonger en elle, tant elle est exceptionnelle.
-Le livre est marqué par un thème original qui interroge la relation entre un auteur et sa traductrice. L’occasion d’une réflexion intéressante sur les langues, les sonorités de l’hébreu et du français, le lien intime qui unit l’auteur du texte original et celui ou celle qui doit en transmettre avant tout l’esprit, sans jamais pouvoir en délivrer la copie conforme.
-L’écriture du texte sonne juste, avec précision, utilisant des images tout à fait parlantes qui définissent le vide, l’absence, la violence que peuvent représenter les souvenirs de l’être qui n’est plus là et le sentiment d’irréalité qui les accompagne.
Quelques réserves
Ce livre est à la fois puissant et, de façon assumée, assez monomaniaque. Tournant autour du deuil du personnage central, Aharon Appelfeld, il ne s’éloigne pas de son unique sujet, certes très riche mais évidemment très spécifique. Les lecteurs qui ne connaissent Aharon Appelfeld que de nom, qui s’attendent à des rebondissements palpables ou à un peu de légèreté narrative, pourront être déçus.
Encore un mot...
Un livre émouvant et bien écrit, une déclaration d’amour à un auteur mais aussi aux langues et à la littérature.
Une phrase
« Notre première rencontre a été une rencontre entre une lectrice et un livre, entre une lectrice et un écrivain dont j’ignorais tout hormis le nom, Aharon Appelfeld. J’avais la chance de pouvoir lire le texte à la fois dans sa langue originale, l’hébreu, et dans sa traduction française, je faisais l’aller-retour entre les deux langues, pénétrée à chaque page par le sentiment qu’un mystère palpitait sous chaque phrase, et jusque sous les traits anxieux des Juifs qui n’avaient jamais mis les pieds à la synagogue et s’y trouvaient piégés à la veille d’être déportés, rampant vers le rabbin responsable à leurs yeux de leurs malheurs : à cause de lui ils avaient été désignés comme Juifs, et ils le torturaient toute la nuit, dans une scène qui tenait en une demi-page et ouvrait un abîme d’horreur hallucinée ; ce mystère semblait tantôt être le filtre par lequel Bruno regardait le monde et tantôt le monde lui-même en train de basculer dans une réalité qui n’avait plus rien à voir avec la réalité, et la langue limpide qui servait ces visions distillait en moi une intranquillité que rien ne pouvait atténuer, si ce n’était d’affirmer un jour : je veux traduire Aharon Appelfeld ». p 35
L'auteur
Valérie Zenatti est une écrivaine, traductrice et scénariste française née à Nice en 1970. Elle a également été enseignante et journaliste. On lui doit plusieurs romans pour enfants dont Une montre pour Grandir (1999) et Le Secret de Micha (2002), ainsi que des romans pour adultes, dont En retard pour la guerre (2006) et Mariage Blanc (2012). Elle a traduit plus d’une dizaine de livres d’Aharon Appelfeld de l’hébreu vers le français, dont le célèbre récit Histoire d’une vie, publié dans notre langue en 2004.
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