Dans ce jardin qu'on aimait
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Thème
Avec l’écriture ou le jardinage, Pascal Quignard cultive une autre de ses passions : la musique. Et c’est ainsi qu’il a décidé d’évoquer le destin étonnant du révérend pasteur Simeon Pease Cheney, auteur d’un unique livre : « Wood Notes Wild, Notations of Bird Music » (Boston, 1892). Simeon Pease Cheney a vécu à Geneseo, à proximité du port de New York, à la même époque que les sœurs Brontë et l’invention du saxophone.
Cheney était révérend mais aussi compositeur et ornithologue. Les membres de la paroisse lui reprochaient souvent de se consacrer plus à la nature et aux oiseaux qu’à Dieu. Mais voilà, Cheney a passé sa vie à noter le chant des oiseaux, celui de l’eau qui coule dans l’arrosoir ou encore le son particulier que faisait le portemanteau du corridor quand le vent s’engouffrait dans les trench-coats et les pèlerines l’hiver…
Sa femme qu’il aimait, qu’il chérissait, est morte à 24 ans en donnant naissance à leur enfant. Le révérend ne s’en remettra jamais, passera du temps encore et encore dans ce jardin que sa femme Eva entretenait avec bonheur, dans ce jardin qu’on aimait.
Son cahier de notes dans lequel il consignait sa traduction des chants de la nature, Cheney ne réussira jamais à le faire publier. Son fils (dans la vraie vie), sa fille Rosemund (dans le livre de Pascal Quignard) l’éditera à compte d’auteur après sa mort. Et quelques années plus tard, ce livre éblouira le compositeur Anton Dvorák et lui inspirera, en 1893, le « Quatuor à cordes n° 12 »
Points forts
-Le texte indispensable de la musique originelle et de l’amour éternel.
-Le charme fou et enveloppant de ce style irrésistible d’un grand maître d’écriture.
-L’immense culture de l’auteur, Pascal Quignard, qui jamais ne l’étale comme le ferait un « faiseur » romanesque.
-La délicatesse feutrée d’un texte follement protéiforme.
-Avec l’application d’un moine copiste, Pascal Quignard a écrit, une nouvelle fois, un texte de haute volée. « Dans ce jardin qu’on aimait » tient de la fiction, du roman, de la poésie, du théâtre; et même de ce théâtre nô que l’auteur apprécie tant. Du roman d’amour, aussi, comme il le confie : « J’ai été ensorcelé par cet étrange presbytère tout à coup devenu sonore, et je me suis mis à être heureux dans ce jardin obsédé par l’amour que cet homme portait à sa femme disparue »
Quelques réserves
Il serait malintentionné et malhonnête de chercher le moindre point faible dans ce jardin…
Encore un mot...
Avec une écriture d’une simplicité étincelante et une construction d’une évidence poétique, Pascal Quignard a dit en mots la musique originelle et l’amour éternel. A coup sûr, un des grands et indispensables livres de l’année, voire de la décennie…
Une phrase
ou plutôt deux:
- « Ce révérend pour lequel me portait une sorte de vénération en raison de son attachement extraordinaire aux oiseaux. Pour la beauté de la nature, cet homme d’Eglise avait délaissé Dieu. Il avait répondu à l’appel des chants de la forêt et des vagues des onze lacs glaciaires qui entouraient sa maison et qui formaient comme deux mains étranges ».
- « C’est vrai, je suis souvent absent à ce que tu vis. Je vais même te dire, mon enfant, tu es mon enfant mais cela ne m’intéresse pas. Ta vie n’est pas ma vie. C’est elle, ma vie ! Je l’aime. Je ne veux pas rater son souvenir. Je suis sous son regard.
Je ne veux pas laisser mourir sa mort.
Elle était si joyeuse, si déterminée, si indépendante, si puissante.
Si longue, si élancée, si belle !
Je la protège peut-être, tu sais. Je la soutiens.
Tu sais, je pense que je la fais vivre plus longtemps que sa vie ! »
L'auteur
Né le 23 avril 1948 à Verneuil-sur-Avre (Eure), Pascal Quignard glisse régulièrement, depuis bientôt cinquante ans, un livre dans les rayons des librairies. Tantôt roman, tantôt essai, voire recueil de poésie, contes, nouvelles… En 1991, il connait le succès quand son roman, « Tous les matins du monde », est adapté au cinéma par Alain Corneau. En 2000, il reçoit le Grand Prix du roman de l’Académie française pour « Terrasse à Rome » et en 2002, le prix Goncourt pour « Les Ombres errantes », tome 1 de « Dernier Royaume ».
Commentaires
Comment parler de Pascal Quignard ou plutôt ... comment écrire après l’avoir lu?. « Vie secrète « a boulversé ma vie en 2002, m’a plus ancré dans ce monde amer et fabuleux qu’est la littérature. Pascal Quignard est un moine indéfinissable qui consacre sa vie à la créativité, à éclairer les esprits et les cœurs. Je me suis volontiers perdu entre ses « Ombres érrantes « et surtout dans « Sur le Jadis « qu’il définit lui même comment un élan pur ! Insaisissable comparaison entre « Passé « et « Jadis « ; mais la beauté n’est-elle pas dans l’inaccessible ... Les quelques pages que j’ai lues de « Dans ce jardin qu’on aimait « ne suffisent pas à en mesurer l’immense beauté de ce texte !
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