Convoi pour Samarcande
Traduction du russe Maud Mabillard
Parution le 24 août 2023
464 pages, 25 euros
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Thème
La vieille locomotive s’ébroue, rugit, puis dans un souffle rauque, s’élance vers les steppes de l’Oural. Derrière le monstre d’acier, quelques wagons soviétiques hors d’âge, se tortillent dans un bruit d’ enfer. A l'intérieur du train, cinq cents jeunes orphelins dépenaillés, rachitiques, malades ou grabataires espèrent, sans trop y croire, échapper à la famine, qui dévaste le Tatarstan, pour trouver refuge dans la cité mythique de Tamerlan: Samarcande.
Le voyage ressemble à un chemin de croix : plus de quatre mille kilomètres dans les forêts de la Volga et les déserts d’ Asie centrale. Comment survivre? Comment trouver du bois et du charbon pour alimenter la chaudière, de la nourriture, de l’eau et du sel pour désinfecter les hardes des gamins dévorés par la vermine?
Travaux d’ Hercule confiés à Deiev, un officier de l’ Armée Rouge, idéaliste et bon, chargé de conduire le convoi et de sauver les enfants. Athée farouche, il fera de cette mission - quasi divine - le combat de sa vie. A ses côtés, une commissaire à l’enfance, Blanche, froide, coupante et cynique : il faut se débarrasser, dit-elle, au plus vite des malades les plus graves, qui n’ont aucune chance d’ arriver vivants. Entre ces deux êtres si dissemblables, entre ces deux âmes, un géant taciturne l’infirmier Boug, capable avec des bouts de ficelle, de soigner, d’apaiser les souffrances.
Pourtant à chaque arrêt, presque à chaque station, une sorte de petit miracle se produit : les fonctionnaires corrompus, les bandits cupides, les profiteurs sans foi ni loi, les bureaucrates zélés, tous sont touchés par le sort des enfants et acceptent de leur venir en aide. Dans la nuit de l’hiver russe, l’espoir, comme le dit une romance locale, ne meurt jamais.
Deiev, lui, est de plus en plus faible, décharné, consumé par un feu intérieur, il se bat contre ses propres démons, la mort qui rôde, le choléra qui grignote les corps.
Que cherche-t-il à expier? Pourquoi cet acharnement, qui le pousse à recueillir au fil des étapes, tous ces chiens sans colliers, ces petits humains délaissés ?
La rédemption est-elle possible ?
Points forts
- Un récit haletant, maîtrisé de bout en bout, qui vous happe et vous emporte avec des descriptions poétiques à la Boris Pasternak et des personnages lumineux à la Vassili Grossman.
- La rencontre entre Deiev et des cosaques venus dans un wagon célébrer une messe, entrecoupée de la lecture des Béatitudes par le pope est d’ une poignante beauté. L’ ennemi maudit possède donc un visage humain…
- Des portraits superbes de tous ces petits Gavroche, aux surnoms fleuris, inventifs, touchants. Je ne peux m’ empêcher d’ en citer quelques uns: Fadia Meurs Demain, Kikka Machabée, Aramis des Poubelles, Grichka Tétanos, Ouglitch Ne Tire pas, Dima Dickens, Markel Trois Cercueils…( je vous rappelle qu’ ils sont cinq cents).
Quelques réserves
Aucune. Gouzel Iakhina possède un talent fou. On attend l’ adaptation cinématographique.
Encore un mot...
Cet épisode de famine dans les années 1920/1921, dans la région de la Volga et du Nord Caucase est peu connu, mais largement documenté par l’ auteure.
Une phrase
“ Ayant ouvert l’Évangile, le prêtre lut dans le livre. Il prononçait les textes d’ une voix riche, nette et forte, mais Deiev était incapable d’en pénétrer le sens, la langue de l’Évangile était trop alambiquée. Il ne comprit que quelques mots - sur le châtiment, des bandits sur la croix et sur comment on faisait boire à quelqu'un du vin avec du fiel et du vinaigre. Les cosaques, eux, écoutaient : ils respiraient à peine, semblant comprendre jusqu'au dernier mot. Des larmes brillaient dans les yeux de beaucoup d’entre eux.
Des enfants sont en train de mourir, se dit Deiev. Les voici, tout près, il n’y a qu’à tendre la main. Et ceux-là entendent parler de la mort d’un inconnu, et versent des larmes. Comment comprendre ça ?” page 338
L'auteur
Gouzel Iakhina, née en 1977 à Kazan au Tatarstan (Russie), est traductrice, écrivaine et scénariste. Elle a reçu plusieurs prix littéraires dans son pays. Ses deux premiers romans Zouleikha ouvre les yeux (Noir sur Blanc, 2017) et Les Enfants de la Volga (Noir sur Blanc, 2021) ont été des best - seller. Convoi pour Samarcande a été traduit dans une vingtaine de langues.
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