Connemara
Parution le 2 février 2022
396 pages,
22 €
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Thème
Une belle maison sur les hauteurs de Nancy, un job à responsabilités, un mari pas mal, deux filles, un dressing, la santé, Hélène a tout réussi à quarante ans … Pourtant une « lézarde » fissure ce succès apparent, comme un manque. Elle avait compris très tôt que, seules, les études lui permettraient de fuir l’enfer grisâtre des existences provinciales, condamnées à la médiocrité. Stimulée par l’impatience et la colère contre l’étroitesse d’esprit de ses parents, elle a enchaîné, comme une « machine », les succès scolaires, en ressentant une jouissance dans l’effort toujours renouvelé. Diplômée d’une école supérieure de commerce, elle a été recrutée par un cabinet de conseil à Paris, mais, après quatre années de travail éreintant, elle a frôlé la dépression nerveuse et a demandé à son mari de revenir en Lorraine. Elle a trouvé du réconfort dans ce retour au pays. Elle revit les souvenirs nostalgiques de son adolescence et renoue avec Christophe, l’ancien champion de hockey, qui aimantait les regards des filles. Celui-ci est resté dans sa ville natale, coincé entre son père veuf et son petit garçon. La rencontre de ces deux quarantenaires leur ouvrira-t-elle de nouvelles perspectives, au-delà de leurs ébats libérateurs, ou bien les laissera-t-elle « le cœur en miettes » ?
Points forts
• La construction du roman relève d’une certaine originalité, en alternant le moment de l’âge adulte à l’imparfait et les retours en arrière au présent. Ce choix souligne l’impossibilité de rompre avec le paysage des origines. Les sillons creusés pendant l’enfance et l’adolescence sont toujours là ; les oublier, les renier, c’est une trahison coupable, qui poursuit les adultes.
• Les deux protagonistes affrontent la crise de la quarantaine dans ce roman générationnel, ils s’interrogent sur leur vie : se résigner à rester dans la routine de ses repères, partir loin de son milieu pour réussir ou revenir « à sa place » après quelques années ailleurs ? Mais alors pourquoi ce sentiment de lassitude ou d’insatisfaction, cette impression de gâchis, cette musique nostalgique de leur jeunesse insouciante les taraudent à ce point ?
• La dimension sociale si présente dans Leurs enfants après eux, imprègne le récit par petites touches. L’analyse décapante du cabinet de conseil, des rivalités de ses cadres, de leurs méthodes chiffrées, de l’efficacité obsessionnelle, de leur jargon managérial prétentieux, révèle leur absence totale d’humanité. L’observation minutieuse de l’abandon des « territoires » met l’accent sur la hantise du déclassement, l’angoisse du lendemain, le désenchantement de ces zones pavillonnaires, où chacun se protège dans son espace bien délimité.
• Le réalisme puissant de ce roman, caractérisé par un sens des situations, des détails et des dialogues, se déploie dans la description tellement juste des vacances à La Grande Motte opposées à celles de l’île de Ré, ou des festivités autour d’un mariage aussi lourdes qu’inélégantes, ou encore de la naissance de Gabriel.
• L’auteur nous fait entrer dans l’intimité de ses personnages avec une sensibilité et une subtilité saisissantes, que ce soit une femme, un homme, un enfant, une adolescente ou un grand-père.
Quelques réserves
• Vraiment, je n’en vois pas.
Encore un mot...
Nous avions admiré Leurs enfants après eux, Goncourt 2018, et Connemara a répondu à notre attente ! Le talent remarquable de Nicolas Mathieu se confirme dans ce roman sur les illusions perdues d’une génération, qui allie la justesse du propos à l’ironie et à la mélancolie de la fameuse chanson de Michel Sardou.
Une phrase
- « L’adolescence est un assassinat prémédité de longue date et le cadavre de leur famille telle qu’elle fut gît déjà sur le bord du chemin. » p.231
- « Enfin la voix de Sardou, et ces paroles qui faisaient semblant de parler d’ailleurs, mais ici, chacun savait à quoi s’en tenir … Elle parlait d’autre chose, d’une épopée moyenne, la leur … là, dans les campagnes et les pavillons, à petits pas, dans la peine des jours invariables, à l’usine puis au bureau, désormais dans les entrepôts et les chaînes logistiques … cette vie avec ses équilibres désespérants, des lundis à n’en plus finir … quarante ans de boulot et plus, pour finir à biner son minuscule bout de jardin, regarder un cerisier en fleur au printemps, se savoir chez soi … finalement, ça valait le coup. » p.382
L'auteur
Né en 1978 à Epinal, Nicolas Mathieu publie son premier roman en 2014 Aux animaux la guerre et il obtient le prix Goncourt en 2018 pour son deuxième roman Leurs enfants après eux. Tous deux édités chez Actes Sud.
Commentaires
En lisant la présentation de ce livre sur le supplément de l'Est Républicain j'ai été attirée par le thème de l'histoire.
Votre critique aussi est très intéressante et alléchante. Je lis actuellement ce roman, et je m'ennuie. Déçue. Trop trop longues descriptions sur les matchs de hockey sur glace, scènes sexuelles décrites par des mots vulgaires qui me choquent par rapport au vocabulaire global employé dans l'histoire, l'emploi de mots inconnus (de moi) qui arrivent de manière impromptue dans des phrases banales, je n'en vois pas l'intérêt. L'histoire est loin d'être captivante, palpitante. Lorsque je lis un livre (n'importe quel thème) j'aime entrer, plonger dans l'histoire, vivre comme si j'étais un ou des personnages. Là je reste à côté, je ne peux franchir le pas, je n'entre pas dans l'histoire. Par contre, la critique de Marie de Benoist est alléchante, le résumé "du thème, les points forts et une phrase" donne une valeur puissante à cette histoire, que je ne ressens pas en lisant ce livre. Ce que vous relevez, par contre, dans votre paragraphe "une phrase" est exact.
Je vous remercie de lire ma critique, qui bien évidemment, n'engage que moi.
Meilleures salutations.
Tout simplement Mme Rémy Jacqueline a trouvé le mots juste pour la critique merci Edoardo
Un des meilleurs livres de l'année. Le style est puissant et la radiographie aussi. Plus narratif que le précèdent "Leurs Enfants après eux".
J'ai adoré ce livre que je n'ai pas lâché et lu en 2 jours !
Contrairement aux avis ci-dessus, j'ai été emportée par les personnages et l'histoire.
Oui parfois il y a des scènes de sexe un peu "chaudes" avec l'emploi de mots crus, mais c'est vivant justement.
Je trouve que l'auteur dépeint très bien la société : "l'élite" et son insupportable suffisance (les cabinets de conseil), la France d'en bas, des mondes si différents...
J'ai souvent souri, et parfois ri
Ce livre m'a totalement parlé ! Une vraie belle distraction, je vais le partager autour de moi !!
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