Condor

Un vrai thriller, de vrais personnages, mais un parti pris politique inopportun
De
Caryl Ferey
Editions Gallimard - Série Noire
Notre recommandation
3/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Condor raconte une plongée dans l’histoire récente du Chili depuis la chute d’Allende, qui a vu succéder le régime policier de Pinochet puis le rétablissement de la démocratie, non sans difficultés. Dans les faubourgs de Santiago la drogue sème la mort. Les trafiquants ne sont que les petites mains à la solde d’une mafia à grande échelle qui gangrène le pouvoir en place. Une lutte impitoyable s’engage entre les "méchants", ex soutiens du régime Pinochet, recyclés dans le trafic de drogue et les «bons» qui protègent les «cartoneros» et les plus pauvres, premières victimes des dealers.

Points forts

- On ne s’ennuie pas un instant avec les personnages haut-en-couleurs qui parcourent ce thriller amérindien.

- Le style trépident de l’auteur installe un ton proche du film Les Affranchis de Martin Scorcese (on pense particulièrement au gangster psychopathe incarné par Joe Pesci).

- La figure du détective privé, Esteban, est un mixte très réussi du Gatsby de Scott Fitzgerald et de Philip Marlowe. Dandy déclassé, alcoolique et désabusé, mais avec une haute idée de sa mission.

- Gabriela, la jeune étudiante et reporter mapuche, porte haut son combat pour son peuple et dégage une féminité très sensuelle et communicative. Elle possède le courage des jeunes combattantes en Irak contre Daesch.

Quelques réserves

- On ne croit pas beaucoup à la fable littéraire qui entoure la personnalité d’Esteban. Ses talents de poète que le narrateur veut souligner tombent chez le lecteur dans une oreille plus que distraite.

- Gabriela qui a hérité des dons de sorcellerie des tribus mapuches n’est pas très crédible non plus dans son rôle de chaman. Du coup, le récit parait ralenti et comme alourdi par des artifices aussi laborieux que superfétatoires.

- L’Opération Condor qui prête au moins une partie de son nom au titre du livre aurait sans doute mérité une analyse plus fine. Le parti pris politique de l’auteur le dessert.

Encore un mot...

Si l’on veut bien fermer les yeux sur certaines longueurs dans le livre, Condor est un thriller réussi. Il a l’efficacité des policiers qui empruntent à l’esthétique du roman américain, avec notamment de nombreux plans séquences et la technique du reportage. Les personnages, fort justes, sont tantôt des archétypes, tantôt des portraits originaux et ils possèdent tous une psychologie fouillée. L’auteur excelle à créer des ambiances que ce soit à l’occasion d’une scène de rue, dans l’intimité d’une chambre ou dans le désert de l’Atacama.

Une phrase

«Le regard caché par des paupières épaisses, ses tempes grises rasées de près, le capitaine des carabiniers avait quarante-neuf ans, les gestes économes du géant placide, mais il ne fallait pas se fier à son allure de varan sous Lexomil: Popper tenait le quartier d’une main de fer.»

L'auteur

Caryl Ferey a un look à la Bernard Lavilliers, celui du baroudeur qu’il n’a jamais cessé d’être. Jeune pigiste, il commence à sillonner la planète pour le Guide du Routard. Son goût pour l’aventure et les pays émergents autant que sa sensibilité de rebelle le désignent comme un écrivain passionné, impatient d’en découdre avec les pouvoirs en place et leurs nomenklaturas dont il s’attache à démonter les rouages. Sa sensibilité de gauche en fait un auteur engagé mais un de ceux qui n’hésite pas à aller au plus près de l’évènement dans des reportages où l’écrivain tirera autant d’éléments pour alimenter plus tard un récit romanesque. Les pays aux tensions extrêmes l’attirent, comme l’Afrique du Sud ou les pays d’Amérique latine. Il est l’auteur des confins géographiques. De nombreux prix couronnent ses livres, Haka, Zulu, Mapuche. Son style est tantôt lyrique tantôt direct et percutant, notamment dans les scènes de violence qui n’ont rien à envier à celles de Gérard de Villiers dans SAS.

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