Chien-Loup
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Thème
Eté 1914 : La faune sauvage des collines du Lot hurle à la mort autour du village perdu d’Orcières comme en écho à l’annonce de la mobilisation qui va priver les fermes de tous les hommes valides et laisser les femmes s’épuiser seules sur les terres.
Eté 2017 : Franck, producteur très parisien, et son épouse, Lise, actrice en fin de carrière, végétarienne, limite vegan, décident, pour vivre un vrai retour aux sources, de louer dans cette région inaccessible un gîte sans confort qui, en fait, abrita durant la grande guerre un dompteur allemand déserteur avec ses huit fauves. Le résultat va dépasser leurs espérances, ignorants qu’ils sont du passé tragique de l’endroit. Mais l’inhumanité qui règne encore dans cette contrée oubliée est-elle pire que la férocité qui préside actuellement à leur monde dit civilisé ?
Points forts
- La description saisissante -et un brin fantasmée- d’une nature vierge et dangereuse, plus proche de la forêt équatoriale que des collines boisées du centre de la France.
- L’évolution non exempte d’humour d’un Franck qui passe du bobo hyper connecté, cramponné à son smartphone et terrorisé par l’absence de réseau, à « l’aventurier fragile », puis au coureur infatigable, avide de la chair rouge dont il fait l’hommage au chien qui l’a choisi.
- L’exploration systématique de tout ce qui relève des sens, l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût, le toucher, en bref, l’étude des sensations concrètes immémoriales au rebours du virtuel actuel.
- Une esquisse intéressante du phénomène de la rumeur : la conclusion de l’histoire diverge selon les quelques bribes qu’en possèdent les différents interprètes.
- L’amour fusionnel de deux couples à un siècle de distance : l’un s’étreint au-dessus de la cage aux lions, l’autre s’épaule autour d’une salade...
Quelques réserves
- Des longueurs et beaucoup de répétitions
- Des personnages échafaudés comme des archétypes : le producteur has-been qui puise dans l’ingestion de viande la force de contrer ses prédateurs du tout-numérique, l’épouse compréhensive parée de tous les dons, le maître des fauves et la veuve esseulée, le boucher « puissamment sanguin » et les chasseurs aux chiens de sang…
- Des rapports hommes-bêtes très intellectualisés
- L’alternance méthodique des chapitres 19015/2017 présente un côté artificiel qui finit par tourner au procédé
Encore un mot...
Une fable sur la violence et la cruauté naturelles à toutes les époques, illustrée par deux périodes-clés distantes d’un siècle et symbolisée par un animal mi-chien, mi-loup. Sujet original mais parfois maladroitement et trop longuement ressassé.
Une phrase
Ou plutôt quelques pointillés des pages 187-188, au cours desquelles Franck et Lise évoquent leur première nuit au Mont d’Orcières :
« Je te jure que cette nuit il y avait des bêtes en bas, plein de bêtes qui faisaient un bruit de dingue, ça foutait les jetons et par reflexe j’ai dit au chien « va chercher », et il y est allé (…) il a dû les courser jusqu’à l’aube, je l’entendais qui hurlait au loin, il aboyait de l’autre côté des collines et puis après, plus rien.
Ah bon parce qu’il était déjà là cette nuit ?
Oui, il m’a tenu compagnie.
Tu en parles comme d’un être humain !
(…)
Lise, tu as vu…
Quoi ?
Il n’a pas de collier !
Et alors ?
Ça veut dire qu’il n’est à personne… »
L'auteur
Né à Paris en 1961, Serge Joncour a exercé différents métiers, dont celui de rédacteur publicitaire, avant de se consacrer à l’écriture. En 1998, il publie un premier roman, Vu, qui le projette sur la scène littéraire, et sera suivi d’une douzaine d’ouvrages dont L’Idole, L’Ecrivain national et Repose-toi sur moi pour lequel il reçoit le Prix Interallié en 2016.
Commentaires
Je suis surprise du concert d'éloges qui encensent ce livre. Certes le sujet est original, mais l'écriture est laborieuse, répétitive, le parallèle entre deux époques peu convaincant, assez artificiel. L'univers paysan du début du XXe est stéréotypé, superstitions, peurs incontrôlées, font un peu cliché, de même que le monde «sauvage» du causse peine à convaincre. Pour tout dire, je m'y suis ennuyée.
Entièrement d'accord avec les points forts ; quant aux points faibles, pour les longueurs et les archétypes (l'ombre de Lady Chatterley rôde aussi dans ces collines quercynoises) je suis d'accord également ; cependant l'alternance des deux époques ne m'a pas gênée et il faut ne rien comprendre aux animaux pour trouver que les rapports hommes-bêtes sont intellectualisés. Quant à la critique de Marie Lepelletier je la trouve extrêmement sévère, j'arrive à la page 400 et je ne m'ennuie pas du tout, peut-être parce que je retrouve un monde paysan que je connais bien... Il faut juste dire à Monsieur Joncour (qui est un écrivain que j'estime et que je lis régulièrement) que le coucou ne chante pas au mois d'août et qu'un chien ne peut aboyer avec une pomme de pin dans la gueule.Ce sont mes seuls bémols...
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