Cent ans de Laurelfield
Editeur : Les Escales, 14 janvier 2021 -
368 pages -
21,90€
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Thème
Que s’est-il passé à Laurenfield, la grande demeure des Devorh située dans les plaines du Midwest ? Quels secrets s’y cachent ? Rebecca Makkai place en 1999 le point de départ de son long récit. La première partie met en scène Grace, héritière de la maison, ainsi que sa fille Zee mariée à Doug dont le couple va être ébranlé par l’arrivée d’un autre jeune couple, artistes texans. Prenant le temps à rebours, l’auteure dévoile alors le passé de Grace dans les années 50 : Grace est mariée à un homme violent, volage, et vit enfermée dans sa prison dorée. Elle remarque d’étranges choses… Nous voilà maintenant en 1929, Laurenfield abrite un groupe d’artistes, dont un poète que la postérité oubliera (sauf Doug qui en fait son sujet de thèse). Le groupe se bat pour sauver sa colonie menacée de fermeture. La conclusion du livre s’intitule paradoxalement « Prologue » ; on est en 1900, au moment de la construction de la maison…
Points forts
On ne peut pas dire que l’auteure cède à la facilité d’un récit linéaire. Elle jongle avec les époques, la temporalité, les personnages.
C’est la maison qui est au centre de la narration et présentée comme un personnage à part entière, lequel s’incarne sous différentes espèces : colonie d’artistes, prison dorée d’une mal mariée, héritage où se joue un chassé-croisé conjugal sous l’œil d’un fantôme…
Quelques réserves
L’architecture du roman en fait l’originalité mais elle en est aussi une des faiblesses. Que l’on s’embarque pour une remontée dans le temps, tant mieux, mais on a du mal à s’y retrouver. D’autant que la dernière partie, en plus de se situer en amont du temps, est divisée et fragmentée en plusieurs points de vue. Ces acrobaties ne facilitent pas la fluidité de la lecture même si elles contribuent à s’éclairer les unes les autres a posteriori.
La première partie est une prouesse de non-événements, ou plutôt de petits événements qui s’étirent interminablement et dont l’explication psychologique – ou l’intérêt dramatique – laisse perplexe. Ainsi, Zee assène-t-elle tout de suite que Doug va forcément tomber amoureux de Miriam. Et pourquoi ? parce qu’il est tellement paresseux qu’il préférerait tomber amoureux d’un zèbre que de travailler à sa thèse. CQFD ?
La traductrice a certainement eu du fil à retordre avec le texte original. C’est souvent poussif, lourd, le sens n’est pas toujours immédiat. Comme certains passages sont fluides, on peut supposer que c’est le style choisi par Rebecca Makkai qui a rendu la tâche ardue. Le rythme des phrases, l’accumulation de ponctuation m’ont donné parfois l’impression d’être sur la banquette arrière d’une voiture qui cale tous les dix mètres.
Encore un mot...
La 4e de couverture annonce une saga et un roman gothique. Si l’on s’attend à l’un ou à l’autre, on sera déçu. On ne trouvera dans Cent ans… ni l’atmosphère ni les relations familiales complexes qui font traditionnellement le charme d’une saga et son parfum désuet. Peut-être à cause du parti pris temporel ? On n’y trouvera pas non plus de véritable mystère sinistre, mais plutôt quelques caractéristiques anecdotiques du bazar gothique, d’ailleurs peu exploitées : une aïeule suicidée qui hanterait la demeure, une épouse vaguement emprisonnée, des secrets… Cent ans… échappe à tous les genres, ce qui serait une chose positive si l’ouvrage ne laissait sur l’impression d’une complication de construction injustifiée. Un écrivain peut-il vraiment exiger que son lecteur patiente près de 200 pages avant de lui donner quelque chose à se mettre sous la dent ? Qu’il mobilise concentration et attention pour ne pas se perdre dans cette temporalité à l’envers ? Qu’il passe par-dessus une syntaxe laborieuse obligeant parfois à relire plusieurs fois un même passage ? Personnellement, j’ai lâché le livre plusieurs fois.
Une phrase
“ Zee parla à Chantal de l’arrivée des Texans. « Je ne m’entends jamais avec les femmes du Sud. (…) Ce que je considère comme un débat, elles l’interprètent comme une agression. Le pire, là-dedans, c’est que Doug va tomber amoureux d’elle. » (…) « Elle est jolie ? » « Le problème, c’est qu’elle est là ! » (...) « Mais il n’est pas comme ça, pas vrai ? Ton mari ? » « Il cherche tellement désespérément à ne pas travailler à son bouquin qu’il pourrait tomber amoureux d’un zèbre (…) » Doug confondrait amour et diversion et, sous prétexte qu’il n’avait jamais été distrait de la sorte auparavant, penserait que le destin y était pour quelque chose”.
L'auteur
Rebecca Makkai est née en 1978 à Chicago. Elle est romancière et nouvelliste. Après Chapardeuse (Gallimard, 2012) qui racontait le road-movie d’une bibliothécaire et d’un petit garçon fuyant les préjugés homophobes ; puis Les Optimistes (Les Escales, 2020) où elle restituait l’atmosphère des années sida à Chicago, elle livre avec Cent ans… son troisième roman traduit en français.
Le clin d'œil d'un libraire
C’est Ici, et nulle part ailleurs (c’est pour lire !)
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Ici crée l’évènement culturel toute l’année : une centaine de signatures, de conférences, de débats autour de la culture et de la littérature, ça se passe Ici, quoi qu’il en coûte, car c’est essentiel dans ce vrai quartier de Paris… comme ailleurs. Comme aux Galeries Lafayette on trouve tout Ici : SF, BD, polars, beaux livres, sciences humaines, livres jeunesse. Heureusement le conseil est là, à tous les rayons. A propos, quel est le vôtre, Anne Laure ? : « J’aime beaucoup Camille Laurens et son livre d’autofiction « Fille » ! Franchement, ça tombe bien Ici !
Librairie Ici 25 Boulevard Poissonnière, 75002 Paris - Tél. : 01 85 01 67 30
Texte et interview réalisés par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture-Tops.
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