C'en est fini de moi
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Thème
Asher, dévasté par une douleur aiguë, comme une blessure atroce, pense qu’il est un homme « fini ». A cinquante et un ans, il se sent vieux, inutile, exclu de sa propre vie. Il voudrait saccager sa superbe maison californienne, mais, après avoir allumé toutes les lumières, il préfère abandonner ce « brasier symbolique » et s’envole pour New-York. Il compte sur cette ville, qui a veillé sur lui pendant trente-cinq ans, pour guérir, pour se retrouver.
Par sa vieille tante Dora, il rencontre son neveu Michael et sa petite amie Aurora d’Amore. Leur jeunesse et leur vitalité lui redonnent un souffle, il se sent moins seul. Il propose à Michael de l’accompagner sur les traces de son passé dans le vieux New-York ; malheureusement ces « excursions » ne ressuscitent pas les fantômes d’un paradis définitivement perdu … Il s’éprend d’Aurora à la peau sublime, elle est si saine, si vivante, si intègre à ses yeux ! Il croit à nouveau à son salut et se jette aveuglément dans les filets de ce jeune couple pervers : il le paiera très cher.
Points forts
• Le style tranchant, l’ironie mordante du narrateur sur lui-même : lucide, il n’hésite pas à se moquer de lui-même ou à souligner son attitude parfois ridicule.
• Asher, cet homme fini, en cendres (cf. le sens du mot « ash »), est décrit avec une justesse impitoyable. Victime de son âge, du vide de sa vie professionnelle, du désastre de ses deux mariages, il ne trouve plus de « connexion » avec son époque, avec son passé, avec les autres.
• Après deux mariages ratés, il en conclut que c’est une association impossible et que la richesse ne rend pas heureux. Sa deuxième femme, à qui il offrait pourtant des maisons de plus en plus luxueuses, représentant l’apogée de sa réussite à Hollywood, n’en ressentira que de l’insatisfaction.
• Les générations différentes peuvent-elles communiquer, se comprendre ? Les rapports semblent inversés, puisque ce couple de jeunes arrogants, cyniques, féroces et pervers manipule un quinquagénaire naïf, crédule, trop confiant, qui n’a rien à transmettre.
• Le passage est un thème récurrent, au sens propre, celui des voitures ou des piétons dans la rue et, au sens figuré, celui du temps, qui ne s’arrête jamais.
• La ville de New-York aimée et célébrée à travers ses différents quartiers, ses restaurants, ses boîtes de nuit, ses théâtres.
Quelques réserves
Les premières pages peuvent déconcerter.
Encore un mot...
Ce roman d’une grande âpreté dans sa concision n’est pas dépourvu d’un désenchantement envoûtant. Alfred Hayes nous raconte l’histoire cruelle des jeux dangereux de ce trio trouble, en alternant des scènes d’une belle mélancolie avec des dialogues vifs et percutants. Asher, cet homme démoli, chassé de son monde, qui se heurte au ricanement de son neveu et aux mensonges d’Aurora, et qui se laissera presque volontairement humilier par eux pour éviter ses peurs et ses angoisses, incarne plus largement les désillusions d’une génération hédoniste, celle de l’auteur; n’oublions pas que le roman a été publié en 1968.
Une phrase
Ou plutôt trois:
- « Je voulais me perdre. Je voulais m’effacer. Je voulais un endroit susceptible d’extraire de mon corps le venin de la douleur. Je retournais à New York. »
- « Ainsi donc avais-je accosté dans le monde des jeunes. Je n’y séjournais, bien sûr, qu’avec un visa temporaire »
- « A force de penser à moi-même, je me suis mis à accepter l’idée que ma vie avait consisté en une suite d’humiliations, certaines déguisées, certaines non. »
L'auteur
Né en Grande Bretagne en 1911 et mort à Los Angeles en 1985, Alfred Hayes était scénariste pour Fritz Lang, Nicholas Ray, George Cukor, puis installé à Rome, pour Vittorio de Sica ou Rosselini. Il a publié sept romans entre 1946 et 1973, dont In love et Une jeune fille comme ça, édités chez Gallimard en 2011 et 2015. Il écrivait aussi de la poésie. C’en est fini de moi a été traduit par Agnès Desarthe.
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