Ce qui est au-dedans
223 pages - 21 € -
Traducteur : Bernard Cohen
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Thème
Un homme seul au milieu d’une nature hostile. Surgit soudain la ravissante adolescente, Felicity, maîtresse du personnage principal (l’auteur lui-même) qui va, au fil des jours, s’intéresser à elle et la vouloir à tout prix. Il y parviendra puis s’en lassera. Quand elle tente de le séduire une nouvelle fois en écrivant elle-même leur liaison passée, elle le fait avec les conversations qu’elle a enregistrées et les mots qu’elle dit avoir été les siens. Célèbre et vieillissant, son amant craint le chantage.
Points forts
Un bon démarrage qui intrigue avec une préface plutôt engageante de Patti Smith. Des chiens qui glapissent comme des bêtes sauvages, un héros fatigué (l’auteur), une menace pesant sur lui : le chantage de la trop jeune maîtresse de son père, devenue la sienne, la solitude du vieillissement qui lui fait douter de tout et d’un lui-même dont il se détache.
Quelques réserves
Un rythme qui décline dès que les dialogues du chantage se mettent en marche après la page 55. La jeune Felicity y gagne sans le vouloir le prix de la platitude et l’auteur qui lui répond ne traduit que le désintérêt pour son interlocutrice et maîtresse. Passons et oublions.
Encore un mot...
Il arrive que nous soyons plus sévères pour un livre qui commence bien et hélas, ne nous tient pas en haleine, comme nous l’espérions d’un auteur aimé. C’est hélas le cas de Ce qui est au-dedans, dernière œuvre de l’immense Sam Shepard, publiée par Robert Laffont trois ans après sa disparition. Mieux vaut se régaler avec les œuvres passées de Shepard qui, elles, ne prendront jamais une ride.
Une phrase
« Tous sont jeunes, moins de trente ans. Pas de musique. Pas de conversation : mus par un accord tacite dont je ne suis pas informé. Pas de menaces alentour pourtant. Nous sommes entre nous….Pas de barrières ni de barbelés. Nous sommes tous en partance pour une destination que j’ignore. Je me sens plus fort que je ne le serai jamais.
«Attendre que quelque chose arrive, comme si la vie entière était sur un circuit d’attente, guettant le bon moment pour enfin atterrir. »
L'auteur
Sam Shepard a été une des idoles de la jeunesse américaine : auteur, acteur, metteur en scène, producteur, dramaturge, tout ce qu’il approchait déchaînait l’enthousiasme. Doté de la force créative d’un Steinbeck et de la singularité d’un Kerouac, tous ceux qui l’approchaient se reconnaissaient en lui : un homme comme tous auraient rêvé de l’être. L’éclat de sa carrière littéraire arrive à son sommet avec le Prix Pulitzer qui lui est décerné en 1979 pour sa pièce L’enfant enfoui. Ses succès littéraires ou cinématographiques lui valent L’Obie Award, Le New York Drama Desk Award et de nombreux oscars en tant que scénariste et réalisateur dont le Golden Palm Award.
Sa vie privée fait la une des magazines People qu’elle se passe avec la musicienne Patti Smith avec laquelle il travaillera, avec l’actrice O-Lan Jones ou durant les trente ans où il vivra avec l’actrice Jessica Lange. Décédé à l’âge de 73 ans en 2017, il reste l’un des grands écrivains américains pour la beauté de sa langue et la force des personnages qu’il a su créer dans des œuvres telles que Curse of the starving class (1976), L’Ouest, le vrai (récompensé par le Tony award en 1980). Incarnant par sa manière de vivre, ses goûts, sa silhouette inoubliable, le « off-off Broadway », son œuvre incarne cette « Beat generation » du mal de vivre qui l’a fait travailler avec des cinéastes tels que Antonioni pour Zabriskie Point (1970), l’immense Robert Altman de Fool for love (1985) inspiré de sa pièce éponyme (1983) ou son Motel Chronicles (1982) dont Wim Wenders fera Paris Texas.
Un bravo très mérité à Bernard Cohen pour son excellente traduction de The one inside devenu chez Robert Laffont Ce qui est au-dedans.
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