
Bronstein dans le Bronx
Traduction (Anglais) : Cécile Arnaud
Parution le 9 octobre 2024
240 pages
21,00 euros
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Thème
Lev Bronstein alias Trotski débarque à New York le 13 janvier 1917, avec sa compagne Natalia Sedova et leurs deux fils. Lev/Léon a 38 ans et un passé sérieux de révolutionnaire endurci. Il fuit le régime tsariste depuis 1907.
Trotski se sent investi d’une mission : propager la révolution prolétarienne au pays d’Henry Ford. Littell raconte ces 10 semaines passées à New York avant que Trotski ne rejoigne la Russie et la révolution en marche. En bon révolutionnaire, Trotski s’agite. Il collabore au journal Novy Mir ; refait le monde avec Boukharine, exilé lui aussi ; discourt dans des meetings ouvriers comme un héros de la révolution prolétarienne. Il entretient aussi activement sa réputation de séducteur. Mais très vite le révolutionnaire devient persona non grata. Son appel au “défaitisme révolutionnaire” pour faire tomber le régime tsariste fait tache dans un pays qui s’apprête à entrer en guerre.
Points forts
Littell a su capter le Zeitgeist du moment. Le lecteur est en immersion dans cette Amérique pragmatique, qui assume son orientation capitaliste et reste hermétique aux promesses de la révolution. Avec le choix d’un récit à la première personne, le lecteur partage les émotions, les convictions et les doutes de Trotski. Témoin de l’Histoire en marche, il fréquente une galerie de personnages réels (Boukharine, Hoover, le socialiste américain Lou Fraina) ou inventés mais inspirés de personnalités historiques comme la séduisante journaliste Fred Fédora qui rappelle Frida Kahlo que Trotski séduira à Mexico en 1937. Littell a particulièrement “réussi” ce personnage. Fred est à la fois belle, brillante et lucide. Convaincue que la révolution féministe est la seule qui vaille, elle répète à Léon l’impossibilité de sa révolution au pays du capitalisme et prédit que celle-ci finira par le dévorer, lui et ses amis bolcheviques.
Quelques réserves
On pourrait presque trouver le père Trotski sympathique à la lecture de ce petit roman efficace. Certes c’est un activiste impénitent, à l’égo surdimensionné, certain d’incarner le sens de l’histoire. C’est aussi un homme pétri de doutes (voir les joutes verbales avec sa conscience incarnée par le personnage de Litsky). C’est enfin un homme volage, à la psyché instable qui a abandonné sa première femme et ses enfants en Russie et trouve le temps de papillonner à Manhattan. Littell ne laisse pas vraiment entrevoir le Trotski sanguinaire de l’après-révolution bolchevique.
Encore un mot...
Parmi les nombreux chemins de traverse qui s'offrent au lecteur de ce livre, celui de partir sur la trace de Frida Kahlo, cette artiste mexicaine atteinte de poliomyélite, amoureuse de la révolution bolchevique et de Trotski, son héros déchu.
Une phrase
« À l’heure actuelle, nos socialistes maison sont obsédés par le temps de travail, les salaires et - j’essaie de ne pas m’esclaffer à ces mots - les congés payés. La révolution ne figure pas parmi leurs obsessions ». (page 33)
« La véritable révolution, mon cher et naïf Léon, viendra quand une armée de femmes se soulèvera contre la misogynie organisée de l’État et des Églises ». (page 122).
L'auteur
Robert Littell (né à New York en 1935) descend de juifs de Vilnius émigrés aux États-Unis vers 1850. Il a démarré une carrière de journaliste avant de devenir un spécialiste de romans d’espionnage dont La Compagnie : le grand roman de la CIA (Buchet/Chastel, 2003) qui retrace l'histoire de la Guerre froide à travers les destins croisés de personnages du KGB et de la CIA; Légendes (Flammarion, 2003); La Peste sur vos deux familles (Flammarion, 2022). Actuellement, il partage sa vie entre les Etats-Unis et la France.
Robert Littell est le père de Jonathan Littell, auteur de Les Bienveillantes paru en 2006 chez Gallimard.
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