Aux Cinq Rues, Lima
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Thème
L’ingénieur Enrique Cardenas, « Quique » pour les intimes, richissime patron péruvien, est racketté par un journaliste de caniveau, Rolando Garro, patron d’une petite revue à scandales, « Strip-tease » ; le marché est simple : soit Cardenas investit dans le développement de sa feuille à ragots, soit les photos -très- compromettantes que détient le maître-chanteur seront publiées. Refus indigné de l’industriel, parution d’images sans équivoque, que tout Lima s’arrache… Le scandale retombe vite mais Rolando Garro est assassiné et sa fidèle assistante surnommée « la Riquiqui » mène une enquête qui la conduira aux plus hautes instances du pouvoir, jusqu’au chef de la police politique du dictateur Fujimori.
En parallèle, l’épouse de Cardenas et sa meilleure amie, la femme de son avocat, se découvrent mutuellement…
Points forts
1- L’héroïne principale de ce roman est la ville de Lima avec ses facettes contrastées: La Lima des taudis sordides et des tramways bondés de malheureux sous-payés (pour les plus chanceux, les autres, les indigents, quêtent pieds nus dans la poussière), la Lima des résidences somptueuses, des jardins, des piscines et des cinémas privés, la Lima, enfin, du couvre-feu, des coupures de courant récurrentes, de l’insécurité permanente, des attentats et autres enlèvements perpétrés par le Sentier Lumineux qui furent le lot de tous ses habitants au cours des dix dernières années du XXe siècle.
2- Des personnages typiques traversent le récit :
La Riquiqui, demi-naine disgraciée, secrètement amoureuse d’un patron qui ne le mérite guère, mais dotée d’un arrivisme forcené qui lui permettra de sortir de sa condition,
Le poète-déclamateur contraint de gagner sa vie en jouant les guignols dans une émission télé et victime désignée de tous les malfaisants,
Le photographe trouillard réduit à brader des photos scandaleuses pour nourrir sa famille…
Il faut reconnaître que les pauvres gens, ici, ont plus d’envergure que les riches, souvent cantonnés à leurs ébats sexuels.
3- Gallimard a renoncé à la traduction qui avait défiguré « Le héros discret ». On peut espérer qu’il s’agisse d’une décision définitive dans la mesure où Vargas Llosa, redevenu lisible, retrouve aujourd’hui sans filtre les tics de langage qui faisaient son charme.
Quelques réserves
1- Les amours saphiques de deux petites bourgeoises, minutieusement et –très- longuement décrites n’ajoutent pas grand-chose à l’intrigue, sinon l’insoutenable suspens final : les galipettes de ces dames vont-elles, ou non, déboucher sur une partie carrée avec leurs maris respectifs ?
2- Vargas Llosa a mis quarante ans à peaufiner une technique de « narrations télescopiques » et de « vases communicants », selon ses propres termes, procédé qui consiste à entrecroiser simultanément plusieurs conteurs et plusieurs histoires qui se déroulent en des lieux et époques différentes, pour obtenir un « bouillonnement romanesque » dont il demeure le maître incontesté. On est loin de cette effervescence dans ce roman-là ; les derniers chapitres présentent simplement l’alternance artificielle et monotone de deux récits dissociés : un paragraphe pour les turpitudes des gens de la Haute, un paragraphe pour les dessous sulfureux des journaux manipulés par le pouvoir… C’est besogneux et lassant.
Encore un mot...
Il devrait y avoir une date de péremption pour les grands écrivains quand, leur verve épuisée, ils en arrivent à se parodier eux-mêmes. Pour ma part, je donnerais volontiers la totalité de « Cinq rues » pour quelques pages du formidable (dans le sens démesuré) « Lituma dans les Andes », écrit en 1996.
Une phrase
P. 94, Garro rêve qu’il a réussi à obliger Cardenas à investir dans « Strip-tease » :
« Ainsi, à l’échelle nationale, Strip-tease révèlerait –« dévoilerait au grand jour »- tout ce monde d’ombres, d’adultères, d’homosexualité, de lesbianisme, de sadomasochisme, de zoophilie et de pédophilie, de corruption et d’escroqueries qui nichait dans les bas-fonds de la société. Le Pérou tout entier pourrait satisfaire sa curiosité morbide, son appétit des ragots, ce plaisir immense dispensé aux médiocres –la majorité de l’humanité- consistant à savoir que les stars, les gens respectables, célèbres, décents, étaient faits eux aussi de la même boue malpropre que les autres. »
L'auteur
Aujourd’hui âgé de 81 ans, Mario Vargas Llosa est l’un des grands noms de la littérature latino-américaine des années 60 (comme Gabriel Garcia Màrquez, Carlos Fuentes et bien d’autres) qui empruntèrent aux courants littéraires modernistes européens et nord-américains des méthodes inédites (multiplicité des points de vue, morcellement de la chronologie) à l’exemple de James Joyce ou de William Faulkner. Dans son inimitable style polyphonique foisonnant, Vargas Llosa révèle ainsi, au cours d’une cinquantaine d’ouvrages, la complexité sociale, idéologique et politique du continent sud-américain.
Revenu du communisme et du castrisme qui l’avaient un temps séduit, il se présente en candidat libéral à l’élection présidentielle péruvienne de 1990 : il est battu par un inconnu d’origine japonaise, Alberto Fujimori, ce même dictateur corrompu qu’il évoque dans son dernier roman.
Prix Nobel de littérature en 2010, il vient de voir son œuvre publiée dans La Pléiade.
Commentaires
C est pour le moment l'unique livre que j ai lu de cet auteur, livre qui ne m ‘a guère donné l ‘envie d’ en lire d’autres. Je l’ai trouvé terriblement vulgaire, mal écrit absolument sans intérêt. Je ne m’ attendais pas à une telle médiocrité de la part d’ un prix Nobel.
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