Aurélien
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Thème
L’histoire d’un amour improbable et impossible qui va, après la souffrance, jusqu’à la destruction des personnages. Le tout dans le Paris des années 20, dont les paillettes et les illusions font un décor terrible à l’effondrement qui s’annonce.
Points forts
Ce long roman est fantastique; il y a tout ce que l’on peut en attendre : une histoire bien menée qui exclut l’ennui, l’analyse, on pourrait dire le décorticage, d’une passion amoureuse, des personnages denses et originaux auxquels on s’attache.
Et surtout un style d’une très grande beauté, extrêmement original et qui permet au lecteur d’entrer non seulement dans la vie des personnages mais aussi dans leur décor et, d’une manière extraordinaire, dans leur pensée, leur vie intérieure, leurs réflexions, leurs hésitations et leurs paralysies (on trouve aussi cette extraordinaire faculté dans La semaine sainte roman historique d’Aragon).
Par égard pour le lecteur qui n’aurait pas encore lu ce chef-d'œuvre, il est impensable de raconter dans le détail l’histoire de cette passion. Elle saisit un beau dandy, c’est Aurélien, qui, au retour de la guerre de 14 qu’il a faite avec courage et humanité, vit une vie de fêtard noctambule, un peu snob et adoré des femmes qu’il consomme sans vergogne.
Il va, contre toute attente, tomber amoureux de son contraire : une petite provinciale, c’est Bérénice, même pas belle mais pleine de charme (on en tombe, nous aussi, amoureux) qui découvre, passionnément, avec fraîcheur et naïveté, du moins c’est ce que l’on croit, Paris , ses splendeurs et sa vie d’insouciance.
Ce roman nous fait entrer dans la monde des années 20, entre deux guerres, et nous montre formidablement ce décor d’illusions, d’aisance, de légèreté et de beauté trompeuse avec cependant des émotions qui émergent et lui donnent, malgré tout, une humanité profonde qui nous émeut. On est bouleversé, par exemple, par la prostituée de la boîte chic - on dirait aujourd’hui la call-girl - qui souffre d’un amour impossible pour Aurélien et par le mari de la diva qui n’en ramasse que des miettes.
Il y a aussi des moments cocasses et très drôles comme avec la femme de ménage d’Aurélien à la sollicitude agaçante où se cache là aussi l’amour, et ne suscite que l’agacement intéressé de son patron.
Les décors sont d’une précision presque cinématographique et, grâce au style d’Aragon, souvent magnifiques et provoquant, eux aussi, l’émotion du lecteur.
Mais ce roman est dur. Son sujet profond, derrière la beauté et la légèreté, n’est pas l’amour mais la souffrance.
Souffrance de la guerre, de l’amour, de l’amitié et de la trahison, en un mot de la possession des êtres entre eux qui n’aboutit qu’à leur destruction totale.
Quelques réserves
C’est un roman noir (mais est ce vraiment un point faible ?), qui condamne lourdement ces années d’insouciance apparente, sous-tendues évidemment par les choix politiques de l’auteur, comme pour les justifier." Il y a toutes sortes de gris. Il y a le gris plein de rose qui est un reflet des deux Trianons. Il y a le gris bleu qui est un regret du ciel. Le gris beige couleur de la terre après la herse. Le gris du noir au blanc dont se patinent les marbres. Mais il y a un gris sale, un gris terrible, un gris jaune tirant sur le vert, un gris pareil à la poix, un enduit sans transparence, étouffant, même s’il est clair, un gris destin, un gris sans pardon, le gris qui fait le ciel terre à terre, ce gris qui est la palissade de l’hiver, la boue des nuages avant la neige, ce gris à douter des beaux jours, jamais et nulle part si désespérant qu’à Paris au-dessus de ce paysage de luxe, qu’il aplatit à ses pieds, petit, petit, lui le mur vaste et vide d’un firmament implacable, un dimanche matin de décembre au dessus de l’avenue du Bois..."
Encore un mot...
Sublime !
L'auteur
On connaît Louis Aragon (1897/ 1982), le poète, souvent d’ailleurs par les chansons splendides adaptées de ses textes. Mais on connaît moins le romancier, celui d’Aurélien bien sûr, mais encore de La semaine sainte. Et pourtant son style est une merveille qui mêle à la beauté de sa poésie l’efficacité formidable du conteur.
Le clin d'œil d'un libraire
Le Roi Lire à Sceaux, depuis 1987. 4 libraires. 15 000 références. Gilles Berat 01 43 50 20 60 Administrateur SLF. leroiliresceaux@wanadoo.fr
Au Roi Lire, à Sceaux, les clients lecteurs sont des amis… et à voir les cartons de livre commandés prêts à partir, cette librairie indépendante de région parisienne en a beaucoup ! «Nous conseillons nos clients en les incitant à découvrir des auteurs nouveaux, à défricher des chemins de traverse ; par exemple, en ce moment, «l’Attente» de Nathalie Cau, aux éditions du Détour». Ce Clic et Collect, c’est un pis-aller, il faut faire avec mais ça ne peut plus durer», confie Gilles Berat, sympathique et dynamique libraire.
Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture Tops.
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