AMERICAN DIRT
Editeur : Philippe Rey, paru le 20/08/2020 -
542 pages -
23 €
Infos & réservation
Thème
Dans une Acapulco violente et incontrôlable, Lydia tient une librairie. Elle est mariée à un journaliste engagé qui dénonce l’emprise du cartel des Jardineros. Alors que son mari prépare un portrait du chef de ce cartel, Lydia découvre que ce dernier n’est autre que Javier, un client de sa librairie, fin lettré avec qui elle a sympathisé. En dépit de cette relation privilégiée, la sanction frappe dès la parution de l’article : Javier ordonne le massacre de la famille de Lydia, seize personnes réunies pour une fête d’anniversaire. Seuls Lydia et Luca, son fils de 8 ans, échappent par miracle à ces représailles sanglantes. Certaine que Javier ne leur laissera pas la vie sauve, Lydia décide immédiatement de fuir le Mexique. Avec son fils, elle rejoint le flux des migrants en direction du Nord - les Etats-Unis. Une route impitoyable.
Points forts
Le roman est une plongée dans la vie d’une grande ville contrôlée par les Cartels. L’ouverture donne d’emblée une idée de la barbarie dont sont capables les « narcos » pour s’assurer la soumission absolue des populations par la terreur, et la manière dont ils érigent la corruption en système afin de s’appuyer sur un réseau de complicités auquel rien ni personne ne peut échapper.
Néanmoins, l’angle du roman n’est pas politique. L’auteure ne dénonce ni l’impuissance gouvernementale ni l’indifférence internationale, et ne nous dit pas grand-chose de significatif sur l’organisation des cartels ou encore la lutte que mènent certaines organisations ou la presse. Son angle est essentiellement humain. Elle nous embarque avec ses personnages sur le dos de La Bestia, ce train mortellement redoutable qui conduit sur son toit les migrants Latinos jusqu’à la frontière où les « coyotes » les attendent pour les faire passer, à prix d’or. Sur ce train et à chaque arrêt, tous les dangers guettent au quotidien : on viole, on dévalise, on dénonce, on tue – la méfiance est constante, et la peur ne se relâche que lors de brefs moments d’entraide et de solidarité entre les plus vulnérables et les plus endeuillés.
Quelques réserves
Le livre est répétitif à force de détails sur les préparatifs matériels que requiert chaque étape du voyage.
Une gestion trop uniforme de l’émotion ne permet pas de s’identifier au personnage de Lydia.
Sur un tel sujet, on attendait une écriture puissante et émouvante, ce qui n’est pas le cas si l’on exclut quelques passages qui prennent vraiment aux tripes.
Encore un mot...
Le livre résonne d’une actualité nouvelle au moment où, depuis sa prise de fonctions, Joe Biden est rendu responsable d’un nouvel afflux de migrants aux frontières. A ces difficultés trop souvent considérées avec froideur ou sensationnalisme, Jeanine Cummins a le mérite de restituer leur dimension simplement humaine et d’inviter à la compassion. Autre ancrage dans les problématiques contemporaines, la polémique dont American Dirt a fait l’objet au moment de sa sortie aux Etats-Unis en 2020 : Jeanine Cummins a été accusée d’ « appropriation culturelle » pour s’être glissée dans la peau d’une migrante mexicaine sans en être une, s’être faite le porte-parole d’une catégorie à laquelle elle n’appartient pas et avoir introduit dans son livre des inexactitudes sur la vie des Mexicains et des migrants.
Une phrase
« Comment a-t-il le cœur de plaisanter, cet homme si démuni à qui on a volé jusqu’à ses chaussures ? Lydia rationne la pâte dentifrice, ses cheveux sont gras, sa peau sèche. Elle ressent cet inconfort au quotidien. Si en plus on lui volait ses chaussures, elle croit qu’elle laisserait tout tomber Ce serait l’ultime indignité. Elle peut survivre à la mort de seize morts de sa famille, à condition de ne pas devoir affronter le monde nu-pieds. »
L'auteur
Jeanine Cummins est née en Espagne en 1974 de parents américains. Elle a été élevée dans le Maryland, où elle fait ses études avant de partir travailler en Irlande. Elle revient ensuite aux Etats-Unis et entre pour dix ans dans l’édition. Ses deux premiers romans The Outside Boy et The Crooked Branch, jamais traduits en français, parus en 2012 et 2013, ont pour arrière-plan l’histoire irlandaise. En 2020, American Dirt est encensé par Oprah Winfrey, puis si fortement critiqué pour « appropriation culturelle » que la tournée des librairies est annulée.
Commentaires
Pour aller plus loin on peut retrouver sur arte.tv le reportage "La Bestia", et sur la 5 en Replay un documentaire récent "Projet cartel, le silence ou la mort", initiative de journalistes du monde entier pour denoncer le sort réservé à leurs confrères mexicains par les patrons des cartels
Ajouter un commentaire