Abraham et Fils
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Thème
Au printemps 1963, Abraham, médecin veuf, débarque avec Franz, son fils de 9 ans, dans une petite bourgade de la Beauce. Il tente de reconstruire sa vie après avoir quitté l'Algérie à la suite de l'accident dramatique où sa femme a perdu la vie et où Franz a perdu la mémoire après un long coma. Abraham rachète le cabinet du médecin local qui part en retraite et s'installe avec Franz dans la grande maison qui fait aussi office de cabinet de consultations. Trop grande maison mais pleine de mystères...
Points forts
- L'écriture toute en finesse et pudeur nous fait découvrir la relation, à la fois immensément affectueuse et respectueuse, d'Abraham avec son petit garçon, et de Franz avec son père : chacun veille sur l'autre, a besoin de la présence de l'autre tout en protégeant son silence .... Abraham est plein de culpabilité après le terrible accident dont il n'arrive pas à parler, Franz veut savoir ce qui s'est passé avant qu'il ne perde la mémoire. C'est à la fois douloureux et doux, tout en retenue et sensibilité, captivant et émouvant.
- On suit Franz dans sa passion pour les livres qui sont son refuge, dans le petit monde qu'il se construit entre la maison, l'école, l'épicerie, la librairie et la bibliothèque du village, sous le regard protecteur du clocher de l'église. On se faufile avec lui dans son exploration des passages secrets et escaliers dérobés de la maison et on écoute aux portes avec lui pour tenter d'élucider les mystères de ceux qui ont habité la grande maison pendant l'Occupation... Et on prend toute la mesure avec lui de l'importance et de la fragilité de la mémoire.
- La très belle relation de confiance qu'Abraham noue avec ses patients, par sa présence dévouée et son écoute bienveillante particulièrement importantes dans une petite bourgade où le médecin est au coeur de la vie de chacun des habitants et où la discrétion et la neutralité s'imposent. C'est ainsi qu'il va servir d'arbitre dans une histoire passée...
- L'installation progressive de Claire toute en attention pour Abraham qu'elle seconde et soulage, et pour Franz qu'elle entoure et rassure par sa présence discrète et aimante, en restant toujours à sa place.
- Le récit se fait à deux voix : celle de Franz et une autre qui est une très belle surprise que je vous laisse découvrir.
Quelques réserves
- Pour certains, la lenteur - voulue et nécessaire - de la mise en place du contexte et des différents personnages peut être un point faible. Un suspens qui s'étire ? oui mais c'est tellement bien fait...
- Il faut aimer se plonger dans une atmosphère, apprivoiser une maison pleine de souvenirs, aimer découvrir à petits pas et par petites touches les sentiments et les failles de chacun. Il faut aimer les scènes d'intérieur, de la vie quotidienne, la richesse des liens qui se créent jour après jour. Mais sont-ce des points faibles ?
Encore un mot...
Très beau livre dans lequel la petite histoire est au service de la grande, où le douloureux parcours d'un père et de son fils et leur unité vont rayonner sur leur entourage, avec une profondeur et une délicatesse d'écriture qui rendent ce roman lumineux et riche d'humanité. On tourne la dernière page à regret, en attendant avec impatience de retrouver Abraham et Franz puisqu'une suite est prévue....
Une phrase
- "Je vous vois hésiter devant cette maison-ci, et ça ne m'étonne pas. Ses murs et ses histoires ne payent pas de mine, mais si vous prenez le temps d'entrer et le temps d'écouter, je crois que vous ne le regretterez pas."
- Franz, évoquant sa sortie du coma : "Ce jour-là, j'avais à peine 8 ans et je n'avais que lui au monde. J'avais besoin de le croire, alors je l'ai cru. Et je ne l'ai jamais regretté."
- "Quand il s'était installé à Tilliers, dix-huit mois s'étaient écoulés depuis "l'accident", mais c'était comme s'il avait mis une partie de sa vie en suspens, en sommeil, entre parenthèses, pour se fondre dans ses deux missions de médecin et de père et ne rien vivre, ne rien dire, ne rien penser qui ne relevât pas de ces deux activités-là."
L'auteur
Marc ZAFFRAN, connu sous le pseudonyme de Martin WINCKLER, est né en 1955 à Alger. Médecin, romancier et essayiste, il a écrit de nombreux ouvrages dont "La Maladie de Sachs", prix du Livre Inter en 1998, et "Le Choeur des Femmes", en 2009. Il évoque particulièrement bien la condition de médecin.
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