Robbins / Balanchine / Cherkaoui, Jalet
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Thème
Pour cette soirée, ce n’est pas un, mais trois sujets qui nous sont proposés. Le programme est composé de trois chorégraphies signées par trois chorégraphes très différents par l’âge, la gestuelle et l’inspiration.
Le lien entre ces trois créations ? Elles ont été impulsées par un seul compositeur, Maurice Ravel, qui fut un des plus grands musiciens français de la fin du XIXème siècle.
Et d’abord pour ouvrir le bal, cette « Valse », chorégraphiée par Balanchine en 1951. Portant diadème, gants blancs et tutu noir et rouge, les filles forment des couples élégantissimes avec les garçons vêtus de noir et blanc. Pas de deux, pas de trois, ils dansent avec une grâce infinie sur cette musique, si ciselée, que Ravel composa dans les années 20, comme en hommage à la joie de vivre distillée par les valses viennoises de Strauss. Comme souvent avec Mister B, le plateau est nu, ou presque, pour que le regard puisse se concentrer sur la chorégraphie. C’est d’un raffinement fou.
Un petit saut dans le temps, et, visuellement, nous voici transportés dans un printemps radieux de la fin des années 20. Les danseurs portent des tenues rayées aux couleurs tendres. Chorégraphié par Jerome Robbins en 1975, « En Sol » propose un voyage à travers les sonorités du splendide concerto pour piano en sol majeur de Ravel. Pour les premier et troisième mouvements, gestuelle dynamique, aérienne et punchy. Pour l’andante, un des plus beaux jamais composés tous répertoires confondus, un pas de deux d’une extraordinaire fluidité, avec des portés aussi périlleux que sensuels. C’est d’une subjuguante beauté.
Enfin comme une apothéose de cette soirée, « Le Boléro ». La chorégraphie, qui garde son titre à l’œuvre de Ravel composée en 1928, est proposée par deux enfants terribles de la danse d’aujourd’hui, Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet. Dans une splendide scénographie kaléidoscopique et toute en miroirs de la plasticienne serbe Marina Abramovic, cette pièce fascine, par son étrangeté et son rythme qui s’accélère dans des tourbillons concentriques impressionnants jusqu’à laisser les danseurs comme exsangues. Maquillés de noir, ces derniers sont habillés de longues robes de dentelle arachnéenne sur lesquelles sont peints des squelettes. Hypnotique !
Points forts
Saluons d’abord cette belle idée d’avoir dédié cette soirée à Maurice Ravel. Ses trois pièces montre la diversité de l’inspiration de ce musicien qui sut naviguer avec audace entre modernité, tradition française et influences étrangères.
Saluons, dans la foulée, l’interprétation musicale des œuvres présentées ici. A la fois impétueux, précis, plein de retenue et de délicatesse aussi quand les partitions l’exigent, le jeune chef français Maxime Pascal obtient le meilleur de l’Orchestre de l’Opéra de Paris. Quant au soliste Emmanuel Strosser, il a été, dans le concerto pour Piano, à la hauteur de sa réputation de pianiste international.
Et pour finir, saluons, comme toujours, l’interprétation du Ballet de l’Opéra de Paris. Précision, intelligence, grâce, virtuosité et compréhension de tous les vocabulaires… Il confirme sa première place au classement mondial des Ballets.
Quelques réserves
Il n’y a aucun point faible, dans aucun domaine.
Encore un mot...
On l’a compris, dans cet écrin qu’est la salle de l’Opéra Garnier, cette soirée, placée sous le signe de l’élégance, du raffinement, et de la perfection aussi bien visuelle que chorégraphique et musicale, appelle tous les dithyrambes. On en sort exaltés, comblés, heureux.
Une phrase
« Ravel est de ces compositeurs dont on ne peut entendre les musiques sans déjà les danser ». (George Balanchine)
L'auteur
GEORGE BALANCHINE
Né le 22 janvier 1904 à Saint-Pétersbourg d’un père compositeur, George Balanchine hésite plusieurs années entre une carrière de pianiste ou de danseur. Il opte finalement pour la danse, mais son extrême sensibilité à la musique en fera le chorégraphe qui a renouvelé le ballet classique en le projetant dans l’abstraction, pour dira-t-il qu’ « on puisse voir la musique et entendre la danse ». Passé à l’Ouest en 1924, il se produit longtemps en Europe avant d’aller s’installer à New York où, en 1948, il forme le prestigieux New York City Ballet (NYCB). Quand il s’éteint à New York en 1983, celui dont on dit encore aujourd’hui qu’il fut un génie, laisse en héritage plus de 400 créations, toutes des bijoux.
JEROME ROBBINS
Né à New York en 1918 dans une famille juive émigrée de Russie, Jerome Robbins reçoit une formation artistique très complète, piano, violon, théâtre et danse. C’est par le théâtre qu’il débute sa carrière en 1937. Mais deux ans après, c’est comme danseur qu’il remonte sur les planches. En 1944, sa première chorégraphie « Fancy Free », sur une musique de Berstein, le conduit à Broadway et au cinéma. Quatre ans plus tard, il fait son entrée au NYCB. En 1983, à, la mort de son fondateur, George Balanchine, il en devient le co-directeur. Quand il meurt en juillet 1998, le monde entier pleure un artiste qui sut créer un répertoire d’une diversité inouïe, qui allia comme personne auparavant fluidité, musicalité et théâtralité.
SIDI LARBI CHERKAOUI
Né à Anvers le 10 mars 1976, d’un père marocain et d’une mère flamande, Sidi Larbi Cherkaoui commence à s’intéresser à la danse grâce à des vidéos de la musicienne et danseuse Kate Bush. Il a seize ans quand il prend ses premiers cours mais rattrape le temps perdu à la vitesse d’un supersonique puisqu’après seulement trois ans de formation, il obtient un premier prix d’un concours de solo. Appartenant à la nouvelle génération des chorégraphes flamands, adepte d’une danse très physique, collaborant souvent avec des plasticiens, le jeune chorégraphe connaît depuis quelques années une carrière internationale. C’est lui qui, notamment, a signé la chorégraphie de l’opéra Casse-Noisette qu’avait monté, en 2016, pour l‘Opéra de Paris, Dmitri Tcherniakov.
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