Millepied - Béjart
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Thème
- Composé en 1912 par Maurice Ravel, tiré du roman mythologique les Pastorales, du Grec Longus, Daphnis et Chloé conte les aventures du berger Daphnis et de la séduisante Chloé, séparés un temps à cause de l’enlèvement de Chloé par Bryaxis et ses pirates, puis à nouveau réunis grâce à l’intervention du Dieu Pan.
Partition sublime pour chœur et orchestre, Daphnis et Chloé avait suggéré à Michel Fokine l’année de sa création, un ballet inspiré de l’esthétique d’Isadora Duncan. Malgré une recréation en 1959 par Georges Skibine dans des décors et costumes de Marc Chagall, l’œuvre était retombée dans l’oubli.
En 2014, Benjamin Millepied, décidait de lui redonner vie. Associé à Daniel Buren pour les décors, il proposait une vision moderne de l’histoire. C’est cette version qui est aujourd’hui reprise sur la scène de l’Opéra de Paris.
- Présente-t-on encore le Boléro, cette musique de ballet d’inspiration très méditerranéenne, signée également Maurice Ravel, et tressée autour de deux thèmes obstinément répétés, sans développement, ni modulation, ni accélération? Commandée au compositeur par la danseuse Ida Rubinstein en 1928, cette partition a subjugué la plupart des chorégraphes néoclassiques et contemporains. Mais c’est la version de Maurice Béjart, qui, depuis sa création en 1961, ne cesse d’être reprise à travers le monde. Entrée au Répertoire de l’Opéra de Paris en 1970, cette version d’une danse interprétée sur une large table et qui symbolise un rite sensuel, est régulièrement remise à l’affiche par l’Institution. Pour la plus grande joie des afficionados…
Points forts
1 Les chorégraphies. Elles ne sont absolument pas comparables, mais elles sont toutes les deux des chefs d’œuvre:
- Pour Daphnis et Chloé Benjamin Millepied a écrit un ballet, bien dans sa manière, qui fait intervenir vingt-trois danseurs. La gestuelle est à la fois dynamique et fluide, d’une grande légèreté et d’une indéniable sensualité. Beaucoup de portés, d’entrées bondissantes, de sauts machiavéliques à exécuter, et de pas de deux enchanteurs. D’inspiration néo-classique, c’est à la fois narratif, très fidèle à ce qu’évoque la musique et en même temps, très moderne. Cette modernité est accentuée par la scénographie de Daniel Buren, faite de grandes figures géométriques colorées. L’œil se régale.
- Il se délecte aussi, mais d’une toute autre façon, devant le Boléro, ce ballet mythique, sans équivalent, dont l’interprète principal l’exécute sur une table, entouré d’une « bande » composée exclusivement de danseurs garçons, comme s’il s’agissait d’un rite sacrificiel. Le ou la danseuse( Béjart l’avait conçue pour une danseuse, avant de l’offrir à Jorge Donn ) est là, offert(e) sur sa table, privé(e) de tout déplacement, contraint à un sur-place éprouvant, épuisant. C’est à la fois terrien - à cause d’un incessant mouvement plié-tendu des jambes -, aérien - grâce aux envols des bras et des mains -, et d’une sensualité si provocante qu’elle confine à de la sexualité…
2 La troupe de l’Opéra de Paris interprète ces deux œuvres à la perfection. Rien d’étonnant à cela. C’est pour elle que Benjamin Millepied avait créé Daphnis et Chloé. Quant au Boléro, elle l’a interprété tant et tant de fois depuis son entrée au Répertoire de la Maison, qu’on peut presque dire qu’il fait désormais partie de son ADN. Dire quand même que le soir où nous étions dans la salle, c’est Marie Agnès Gillot qui était sur la table et qu’on n‘est pas prêt d’oublier son interprétation, au delà des dithyrambes !… On pensera également longtemps encore au Bryaxis bondissant et précis de François Alu dans Daphnis et Chloé. La prestation de ce danseur magnétique et virtuose a été si parfaite ce soir là, qu’on se demande pourquoi il n’est pas encore Etoile.
Quelques réserves
Je n'en vois aucun
Encore un mot...
Maurice Béjart et Benjamin Millepied… Ces deux créateurs ont une génération d’écart. Mais confrontés tous les deux dans cette soirée Ravel, on s’aperçoit qu’au delà de leurs différences d’âge, d’inspiration et de gestuelle, ils partagent d’avoir placé la création au cœur des enjeux de leur époque, d’avoir décloisonné les disciplines..
Sur le plateau de l’Opéra de Paris, se réécrit une page de l’Histoire de l’art de la danse. Le changement dans la continuité… C’est magnifique. Visuellement. Intellectuellement. Techniquement.
Une phrase
« Notre civilisation s’arrache à grand peine à la fascination du passé. De l’avenir, elle ne fait que rêver, et, lorsqu’elle élabore des projets qui ne sont plus de simples rêves, elle les dessine sur une toile et c’est encore le passé qui se projette. Elle est rétrospective avec entêtement. Il lui faut devenir prospective » ( Gaston Berger, philosophe, père de Maurice Béjart, 1966).
L'auteur
- Commençons par l’aîné, Maurice Béjart, l’illustrissime, l’homme qui aura embrassé le XX° siècle, élevé la danse vers la spiritualité et l’aura fait sortir hors les murs des théâtres…
Ce créateur hors norme nait Maurice Berger à Marseille le 1er janvier 1927 de Gaston Berger, un père d’exception qui le marque d’une façon indélébile. C’est à lui qu’il doit sa curiosité insatiable, son goût des voyages, son humour, son humanisme et… sa vocation de danseur chorégraphe.
Après des études auprès de grands pédagogues de tous horizons, le jeune Maurice, devenu Béjart, entame sa carrière de danseur chorégraphe en 1946. Après quelques années difficiles, il se voit proposer à Bruxelles en 1959, la chorégraphie du Sacre du Printemps. Ce ballet, qui mélange modernité et tradition, va changer sa vie. Il fonde le Ballet du XX° siècle, qu’il va emmener jusqu’à six mois par an en tournée. Entre 1960 et 1980, son aura est exceptionnelle. En 1987, il s’installe à Lausanne et y crée le Béjart Ballet Lausanne. C’est là qu’il s’éteint le 22 novembre 2007, laissant en héritage une cinquantaine de ballets emblématiques, dont le Boléro qu’il avait composé en 1960.
- Maurice Béjart a cinquante ans quand Benjamin Millepied nait à Bordeaux le 10 juin 1977, d’une mère professeur de danse contemporaine et d’un père entraineur sportif. Les deux artistes ne se croiseront qu’une fois, en 1985 à l’Opéra de Paris, mais ils partageront un même amour pour Dakar (l’un y fondera une école Mudra et l’autre y commencera ses études de danse), un même goût pour les voyages et une même prédilection pour toutes les formes de l’art.
Ancien danseur « principal » du New York City Ballet, aujourd’hui chorégraphe à temps complet, Benjamin Millepied qui dirigea aussi la Danse à l’Opéra de Paris, de 2014 à 2016, n’a eu de cesse d’associer des artistes plasticiens à ses créations. Actuellement installé à Los Angeles avec son épouse, la comédienne Nathalie Portman, il développe des collaborations multiculturelles autour de projets réunissant des artistes issus d’horizons interdisciplinaires. C’est vraiment un enfant du XXI° siècle.
Commentaires
Et pas un mot pour la musique ? N’y avait-il pas un orchestre dans la fosse?
Les couleurs et les dynamiques n’ont ils pas soutenu la danse ? N’ont-ils pas aidé à nous transporter dans un nouvel univers?
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