Merce Cunningham & William Forsythe
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Thème
Quelle riche idée de réunir, en une même soirée, Merce Cunningham et William Forsythe. Non seulement ces deux grands noms américains de la danse ont bouleversé le paysage chorégraphique, mais ils ont en commun un même goût pour l’abstraction. Pour privilégier le mouvement, le premier a supprimé dans ses créations, narration, symbolisme et psychologie. Le second a cherché, et s’y ingénie encore, à détourner les codes de l’académisme pour défier toujours plus les lois de la vitesse et de la gravité.
Pour ouvrir le bal de cette soirée, Walkaround time, un ballet de Merce Cunningham, datant de 1968 et inspiré par La Mariée mise à nu par ses célibataires de Marcel Duchamp. Au milieu de sept structures gonflables en plastique transparent qui contiennent chacune un morceau de l’œuvre du plasticien, neuf danseurs évoluent, sur une création musicale de David Behrman. Leur gestuelle, toute d’équilibres, d’arrêts suspendus et d’ enjambements géants requiert une concentration absolue. Ils fascinent et déconcertent.
Après l’entracte, deux pièces de Forsythe : Trio, d’abord (1996,) qui, sur une musique de Beethoven, s’amuse, avec beaucoup de virtuosité, à exposer les corps des danseurs. Puis, Herman Schmerman (1992), qui permet, d’abord à cinq danseurs, puis à deux, de dépasser leurs limites dans la légèreté et la vitesse d’exécution. Crée sur une musique de Thom Willems, cette pièce est un sommet de l’art chorégraphique.
Points forts
- Comme souvent, ce sont les œuvres programmées qui constituent le premier point fort des soirées chorégraphiques de l’Opéra de Paris. Pas besoin d’argumenter plus avant, on a compris que le trio de ballets mis à l’affiche de ce programme est exceptionnel, tant par sa beauté que par son intérêt.
- Comme souvent aussi, pour ne pas dire toujours, c’est le niveau d’interprétation qui constitue, ex-aequo avec le premier, le deuxième point fort de ces soirées. Pas la peine d’en rajouter non plus. Juste répéter, une fois encore, que le Ballet de l’Opéra de Paris est décidément l’une des premières troupes du monde, la seule en tous cas, capable de se plier avec autant de perfection, à tous les styles chorégraphiques, du plus classique au plus moderne, du plus narratif au plus abstrait.
Quelques réserves
Ceux que l’abstrait rebute vont peut-être voir leurs nerfs mis à vif par le ballet de Merce Cunningham qui suspend souvent, et relativement longtemps, les moments de danse pour figer les interprètes. C’est pourtant esthétiquement très beau. Mais l’immobilité sur une scène, qui plus est une scène de danse, peut engendrer incompréhension, et donc… sifflets.
Encore un mot...
D’un continent à l’autre. Avec cette soirée qui met à l’honneur deux de ses représentants les plus emblématiques, c’est l’Amérique avant-gardiste que l’Opéra de Paris soumet à la curiosité des balletomanes.
Les amateurs ont d’autant plus de raisons de s’y précipiter que les trois œuvres programmées font leur entrée au répertoire.
Une phrase
- "Mon travail est un processus continu. A la fin d’une danse, j’ai toujours une idée, même mince, du début de la suivante. C’est pourquoi je ne vois pas chaque danse comme un objet, mais plutôt comme une pause le long de la route ». (Merce Cunningham)
- «Je ne suis pas plus l’héritier de Balanchine qu’il ne l’était de Petipa…Je suis un chorégraphe d’aujourd’hui. Je travaille avec le vocabulaire classique parce que c’est le mien. Je me suis aperçu qu’en le déstructurant, on en tirait des possibilités inouïes jusque là occultées par le ballet » (William Forsythe)
L'auteur
- Né en 1919 dans l’Etat de Washington , Merce Cunningham commence sa carrière au sein de la Martha Graham Dance Company, d’abord comme danseur, puis, à partir de 1942, comme chorégraphe. Il s’en échappe et, dans une optique plus expérimentale, crée, en 1953, la Merce Cunningham Dance Company. Il y créera plus de 150 pièces et formera de nombreux danseurs et chorégraphes, dont Trisha Brown.
Pour lui, qui fut le compagnon du compositeur John Cage, le sujet de la danse est…la danse. Ce pionnier des avant-gardes américaines s’est éteint en 2009. Le Cunningham Trust préside aujourd’hui aux destinées de son héritage.
- Né à New York en 1949, William Forsythe effectue d’abord ses classes en Floride. Au début des années 70, il part comme danseur au Ballet de Stuttgart . En 1976, il y est nommé chorégraphe résident, puis, en 1984, Directeur. Il restera vingt ans à la tête de cette compagnie, qui, sous son impulsion deviendra l’une des plus réputées.
Ses ballets ont été créés ou recréés sur presque toutes les grandes scènes du monde. Depuis la fin de son mandat à Stuttgart, le chorégraphe a repris son indépendance, mais a été chorégraphe associé au Ballet de l’Opéra de Paris durant la saison 2015/2016. Sa danse, qui utilise et déconstruit en même temps le vocabulaire classique est athlétique, dynamique, inventive.
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