Mayerling
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Thème
Que s’est-il passé, la nuit du 30 janvier 1889, dans le pavillon de chasse de Mayerling, où sont découverts les corps sans vie de l’archiduc Rodolphe, héritier du trône d’Autriche, et de sa maîtresse, la baronne Mary Vetsera ?
En 1978, Kenneth MacMillan présente sa version du drame énigmatique dans Mayerling, un ballet en trois actes créé pour le Royal Ballet de Londres et qui entre aujourd’hui au répertoire de l’Opéra de Paris. Ici, l’archiduc, marié malgré lui à la princesse Stéphanie de Belgique, mène une vie de débauche et de transgressions. Privé de l’affection maternelle, il multiplie les conquêtes amoureuses et se laisse séduire par la baronne Mary Vetsera. Leur liaison est passionnée mais destructrice : las de sa vie de frustration et au comble du désespoir, Rodolphe finit par tirer sur sa maîtresse, avant de se donner lui-même la mort. Dans ce ballet néoclassique à la fois spectaculaire et complexe, le chorégraphe britannique explore les tensions intimes, sociales et politiques qui agitent la famille impériale autrichienne à la fin du XIXème siècle.
Points forts
Construit comme un cercle tragique, le ballet s'ouvre et se referme sur un enterrement : le premier, anonyme, préfigure le second, celui de Mary Vetsera. Entre ces deux tableaux funèbres se dévoilent les intrigues amoureuses et politiques de la cour impériale, où réceptions somptueuses (à l’image du mariage de Rodolphe et Stéphanie ou de l’anniversaire de l’empereur) riment avec amours interdites, débauche et paradis artificiels... Les ateliers de l'Opéra de Paris ont réalisé un travail monumental pour recréer le palais de la Hofburg, sa salle de bal luxueuse et ses appartements intimes, la taverne pittoresque et le pavillon de chasse de Mayerling. De même, les costumes reflètent parfaitement l’atmosphère d’ostentation et de concupiscence du ballet, où robes de bal et uniformes officiels créent des tableaux d’ensemble grandioses. Si par moments la narration connaît des longueurs, les transitions entre les différents lieux sont plutôt fluides et on suit aisément les intrigues entremêlées.
Dans cet écrin impérial, la danse est terriblement charnelle. Chargées d’une violence à la fois physique et psychique, les chorégraphies de MacMillan cherchent à rendre palpable la tension grandissante qui conduit les personnages vers leur propre tragédie. C’est donc une véritable épreuve pour les danseurs, qui doivent déployer de grandes qualités de précision, d’endurance et d’interprétation. Ces exigences de virtuosité sont d’autant plus flagrantes dans le cas Rodolphe. Participant des diverses aventures sentimentales et autres manœuvres politiques, le rôle de l’archiduc demande au soliste d’être présent quasiment en permanence sur scène et d'enchaîner sept pas de deux techniquement redoutables. Ponctuées de nombreux portés aux airs d’acrobaties, de plaisanteries macabres et d’une scène de viol glaçante, les chorégraphies représentent de façon spectaculaire les pulsions de cet homme tourmenté et brutal.
Pour incarner les personnages complexes de Mayerling, les choix de distribution sont donc cruciaux. Et le Ballet de l’Opéra ne manque pas d’Étoiles et de Premiers Danseurs et Danseuses pour explorer les multiples facettes de l’œuvre de MacMillan. On a ainsi pu découvrir en Héloïse Bourdon une Impératrice Elisabeth solennelle et sensuelle, tandis que Bleuenn Battistoni donnait à Mizzi Caspar (l’une des conquêtes de Rodolphe) des nuances subtiles de charme et de ruse. Laura Hecquet, lumineuse en comtesse Larisch, s’effaçait progressivement derrière une Marie Vetsera obsessionnelle et sensuelle, incarnée par l’excellente Ludmila Pagliero. Mathieu Ganio, quant à lui, s’est livré corps et âme pour interpréter un Rodolphe profondément sensible, mettant en relief le caractère rebelle et séducteur du personnage qui sombre peu à peu dans la folie et le désespoir suicidaire. Consumés par une passion délétère, le couple d’amants a dansé avec la mort, une arme à feu entre les mains, que leurs gestes brutaux faisaient parfois dangereusement pointer vers le public. À travers leurs chorégraphies périlleuses, les deux Étoiles ont su figurer avec force et justesse la quintessence de cette liaison irrésistiblement destructrice.
Quelques réserves
Aucune, mis à part les quelques points relevés précédemment.
Encore un mot...
« La danse exprime toutes les passions humaines, qui peuvent être personnelles, intimes ; comme Giselle, et en même temps historiques, comme Mayerling. Ces grands drames sont le socle commun de mythologies qui nous touchent tous et nous rassemblent » - Stéphane Bern, « L’imaginaire de la monarchie », propos recueillis par Antony Desvaux, septembre 2022.
Une phrase
Prolifique et novateur, Sir Kenneth MacMillan est l’un des plus grands chorégraphes de ballet de la seconde moitié du XXe siècle. Né en 1929 dans une modeste famille écossaise, il commence la danse classique à l’âge de 11 ans et ne tarde pas à en faire une passion. En 1944, il obtient une bourse d’études à la Sadler’s Wells Ballet School de Londres, dirigée par la célèbre danseuse et chorégraphe Ninette de Valois, et intègre rapidement la Sadler’s Wells Company. Si l’élégance de son style lui vaut de nombreux éloges, MacMillan est pourtant rongé par le trac lorsqu’il se produit sur scène. Inspiré par son ami John Cranko, il se détourne progressivement de sa carrière de danseur pour explorer le monde de la chorégraphie.
Ses premières créations, Somnambulism (1953) et Danses concertantes (1955), sont saluées par la critique. Fort de ce succès, il consacre les décennies suivantes à une intense production d’œuvres chorégraphiques, notamment pour la Sadler’s Wells Company (désormais le Royal Ballet), l’American Ballet Theatre et le Stuttgart Ballet. Il dirige le ballet du Deutsche Oper de Berlin (1966-1969) puis le Royal Ballet (1970-1977), où il reprend finalement le poste de chorégraphe principal jusqu’à sa disparition en 1992. Au total, il crée dix grands ballets dont Roméo et Juliette (1965), Le Lac des Cygnes (1969), Manon (1974) et Mayerling (1978).
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