Maurice Béjart
Musique : Igor Stravinsky, Gustave Mahler et Maurice Ravel
Durée : 1h45 avec 2 entractes
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Thème
Dans ce programme dédié à Maurice Béjart, le Ballet de l’Opéra de Paris reprend trois pièces emblématiques du chorégraphe, à l’image de sa collaboration passionnée avec l’institution. L’Oiseau de feu, créée en 1970 pour la compagnie, épure la chorégraphie originale des Ballets russes, réglée par Michel Fokine en 1910 sur la partition d’Igor Stravinsky. Dans Le Chant du compagnon errant (1971), un duo masculin s’abandonne aux lieder de Gustave Mahler, entre douleur partagée et raffinement du geste dansé. Enfin Boléro, ultime chef d’œuvre du triptyque quoiqu’il précède chronologiquement les deux autres, où seul sur une table, entouré d’hommes, un ou une interprète se livre à une danse sensuelle et ardente, emportée par le rythme implacable de la mélodie ravélienne.
Points forts
Lorsqu’il crée L’Oiseau de feu pour le Ballet de l’Opéra de Paris, Maurice Béjart laisse de côté l’intrigue complexe de la chorégraphie originale. De la partition de Stravinsky, désavouée par le compositeur lui-même, il ne garde qu’une suite, arrangée en 1945, pour concentrer l’énergie des mouvements musicaux dans un geste contemporain. Sa version épurée figure alors un groupe de « partisans », en uniformes gris foncé, accompagnant un oiseau de feu, de sa lente agonie jusqu’à sa résurrection. Ensemble, ils s’engagent dans une course effrénée, où prime la solidarité des corps. Vêtu d’une combinaison rouge laissant le thorax à nu, l’oiseau est tiraillé entre un ardent désir de vivre et le feu qui le consume de l’intérieur. Fondée sur le travail de lignes, notamment d’arabesques et de grands jetés, la chorégraphie de Béjart exalte la technique classique des danseurs de l’Opéra, tout en la subvertissant par des gestes anguleux et furtifs. Alors que la partition gagne en intensité, l’oiseau de feu s’abandonne aux douleurs d’une mort intérieure, que Mathieu Ganio décline dans un registre plus lyrique que flamboyant. Son corps inerte est finalement rappelé à la vie, grâce à un rituel dansé par un oiseau phénix (Florimond Lorieux) et sa cohorte, tous vêtus de la même combinaison rouge vif. Mais si l’oiseau de feu renaît de ses cendres, le ballet semble avoir perdu un peu de l’éclat et de l’incandescence de sa jeunesse.
Depuis sa création en 1971 par Rudolf Noureev et Paolo Bortoluzzi, Le Chant du compagnon errant a trouvé des interprètes emblématiques dans chaque génération de danseurs. Aujourd’hui, ce sont Hugo Marchand et Germain Louvet qui revêtent les combinaisons rouge et bleu et impriment à la chorégraphie de Béjart un nouveau souffle magistral. Déjà en février dernier, ils avaient brillé lors de la soirée hommage à Patrick Dupond - autre interprète majeur de l’œuvre aux côtés de Jean-Marie Didière en 1985. Redoutable défi technique, la chorégraphie entraîne les deux solistes dans des tours et sauts de grande amplitude. À eux deux, ils emplissent l’immense scène de Bastille de leur présence magnétique. Entre élans de fougue et gestes consolateurs, les danseurs s’unissent pour dépasser leur solipsisme et faire advenir sur scène l’alchimie de leurs corps languissants. Une interprétation vibrante, qui résonne avec les partitions de Mahler, sublimées par le baryton Sean Michael Plumb. Plus qu’un morceau de bravoure, ce duo d’Étoiles, qui sera également repris par Guillaume Diop et Marc Morceau, offre un moment de virtuosité sensible.
Le programme « Béjart », qui gagne en intensité à chaque moment dansé, s’achève par un Boléro puissant et sensuel. Là encore, depuis sa création à Bruxelles en 1961, la chorégraphie s’est érigée en mythe à travers ses solistes - de Duška Sifnios, à Nicolas Le Riche, en passant par Claude Bessy et Patrick Dupond. Les Étoiles qui investissent le rôle aujourd’hui découvrent une épreuve d’endurance, exigeant une grande musicalité. Tous, sauf Amandine Albisson, qui avait déjà interprété la soliste en 2018. Le soir de la première, c’est elle qui s’est plongée dans une danse fougueuse et lascive, rythmée par le mouvement de balancier perpétuel au diapason de la partition de Ravel. Entourée d’hommes, assis nonchalamment sur leur chaise tout autour de la scène, la danseuse déploie des mouvements athlétiques, projetant bras et jambes à la verticale et repoussant le sol dans des sauts exaltés. Cette parade, érotique et rituelle, tire progressivement de leur indolence les danseurs, qui viennent dessiner autour d’elle des motifs géométriques dans des gestes chaloupés. Le ballet gagne en intensité au fil des modulations mélodiques, jusqu’à l’apothéose : sur une ultime note triomphale, tous se figent, mains tendues vers le ciel, avant de disparaitre dans le noir, laissant éclater dans la salle un tonnerre d’applaudissements
Quelques réserves
Rien qui n’ait déjà été dit.
Encore un mot...
Avec l’Opéra de Paris, Maurice Béjart a eu ses coups d’éclats et ses coups de génie. En reprenant trois pièces emblématiques de son répertoire, l’institution compose un crescendo musical et chorégraphique, pour célébrer cet artiste majeur du second XXème siècle, au tempérament de feu.
Une phrase
« Que la danse soit donc l’expression abstraite de ces deux éléments toujours présents dans la musique : un sentiment profond de la Russie et une certaine rupture avec la tradition musicale qui se traduit surtout par une violence rythmique inaccoutumée et qui suscita à la création les remous que l’on sait » - Maurice Béjart, à propos de L’Oiseau de feu.
L'auteur
Maurice Béjart est l’une des figures majeures de la danse moderne. Né à Marseille en 1927, il fait ses classes à l’Opéra de Paris et commence sa carrière de danseur à Vichy en 1946, puis à Londres au sein de l’International Ballet, où il rencontre notamment Yvette Chauviré et Roland Petit. C’est avec le Ballet Cullberg qu’il crée, dans les années 1950, ses premières chorégraphies. De Stockholm à Paris, le danseur-chorégraphe inaugure un creuset artistique, avec Symphonie pour un homme seul (1955) puis le Sacre du Printemps (1959). L’année suivante, Béjart fonde à Bruxelles sa propre compagnie, le Ballet du XXe Siècle, qu’il entraîne dans des tournées internationales, tandis que son répertoire s’enrichit de pièces triomphales telles que Boléro (1961), Messe pour le temps présent (1967), L’Oiseau de Feu (1970) et Le Chant du compagnon errant (1971). Il fonde également l’école Mudra à Bruxelles, qui formera de grandes figures de la danse contemporaine, à l’image de Maguy Marin et d’Anne-Teresa de Keersmaeker. En conflit avec les opéras français et belges dans les années 1980, il s’installe en Suisse et refonde la compagnie en 1987, sous le nom de Béjart Ballet Lausanne, ainsi que son école de danse en 1992, rebaptisée l’Ecole-atelier Mudra. Son activité de création, dans la chorégraphie comme au théâtre, à l’opéra et au cinéma, se poursuit jusqu’à sa disparition en 2007, après avoir achevé Le Tour du monde en 80 minutes.
Commentaires
Belle représentation de l’oiseau de feu
Et sublime
Quel dommage que le boléro n’ai pas été dansé Pau un danseur ou une danseuse avec plus de charisme et de force
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