Marion Motin / Xie Xin / Crystal Pite

Dans ce trio chorégraphique au féminin, la fragilité des créations est compensée par la reprise d’un chef-d’œuvre qui n’a rien perdu de sa puissance.
Auteurs:
The Last Call : chorégraphie Marion Motin, avec Axel Ibot (La Mort), Alexandre Boccara (Le Vivant) et Caroline Osmont, Ida Viikinkoski, Adèle Belem, Ysée Brétignière, Lucie Devignes, Lisa Gaillard-Bortolotti, Yann Chailloux, Nathan Bisson, Cyril Chokroun, Samuel Bray, Corentin de Naeyer, Jérémy Devilder, Osiris Onambele Ngeno et Enzo Saugar.
Horizon : chorégraphie Xie Xin, avec Victoire Anquetil, Nine Seropian, Marion Gautier de Charnacé, Yvon Demol, Chun-Wing Lam, Maxime Thomas, Takeru Coste, Loup Marcault-Derouard et Antonin Monié.
The Seasons' Canon : chorégraphie Crystal Pite, avec Ludmila Pagliero, Roxane Stojanov, Silvia Saint-Martin, Camille Bon, Naïs Duboscq, Clémence Gross, Alice Catonnet, Laure-Adélaïde Boucaud, Pablo Legasa, Francesco Mura, Jérémy-Loup Quer, Jack Gasztowtt, et le Corps de Ballet de l’Opéra de Paris.
Durée : 2h
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Palais Garnier – Opéra National de Paris
Place de l’Opéra
75009
Paris
Du 23 septembre au 12 octobre 2023

Thème

Pour ce programme d’ouverture de la saison 2023-2024, l’Opéra de Paris réunit trois femmes chorégraphes dans un triptyque sur mesure. Invitées pour la première fois à créer pour le Ballet, Marion Motin et Xie Xin présentent respectivement The Last Call – l’histoire d’un coup de téléphone qui fait basculer un homme dans un univers surnaturel – et Horizons – une fresque en clair-obscur où des silhouettes aériennes surgissent de la brume. La reprise du somptueux The Seasons’ Canon de Crystal Pite, créé en 2016 pour la compagnie, vient couronner cette soirée imaginée par l’ex-Directrice de la Danse Aurélie Dupont.

Points forts

Inviter trois femmes chorégraphes à réaliser le programme d’ouverture de la saison, on ne voit pas cela tous les jours à l’Opéra de Paris. Avec un triptyque de pièces spécialement composées pour la Compagnie, la soirée Marion Motin / Xie Xin / Crystal Pite plaçait la rentrée du Ballet sous le signe de la danse contemporaine, nouvelle génération. Dès l’ouverture, The Last Call de Marion Motin plonge la salle dans une atmosphère lugubre, où surgit une cabine téléphonique aux néons blafards. Après avoir décroché le téléphone, Le Vivant (Alexandre Boccara) s’effondre sous les yeux de La Mort (Axel Ibot). Tandis qu’il dérive au ralenti, étirant son corps sur le sol – et avec lui, le fil du combiné –, une dizaine de silhouettes vêtues de larges combinaisons luisantes apparaissent telles des visions horrifiques et font basculer la scène vers un monde d’étrangeté, entre rythmes techno et morceaux jazzy. Dans un registre contemplatif, Horizons inonde l’espace d’une mer de brume blanche, d’où s’élèvent des corps enveloppés de voile translucide. Créée pour un comité réduit, la pièce de Xie Xin développe une esthétique de l’intime, douce et épurée. Déployant des gestes ondulants, presque liquides, la chorégraphie offre surtout de superbes soli à Takeru Coste.

Véritable triomphe dès sa création en 2016, The Seasons’ Canon rayonne d’une énergie renouvelée sur la scène du Palais Garnier avec ses lumières diffuses et ses ondes humaines hypnotiques. Dans cette œuvre ambitieuse, Crystal Pite ne convoque pas moins d’une cinquantaine de danseurs – toutes et tous vêtus d’un large pantalon noir et d’une ligne bleu turquoise courant de la gorge au thorax – pour mettre en corps les Quatre Saisons de Vivaldi, recomposées par Max Richter. À l’instar de la partition, la chorégraphie dévoile des schémas complexes, d’une précision millimétrique, où des myriades de bras et de jambes s’entrelacent et se délitent dans un geste d’une fluidité fascinante. Leur mouvance foisonnante et leurs courses effrénées ont quelque chose d’entomologique. Entre les tableaux d’ensemble se glissent des soli et pas de deux qui offrent de belles reprises de rôles : Roxane Stojanov et Jack Gasztowtt dansent brillamment dans les pas de Marie-Agnès Gillot et François Alu, tandis que Jérémy-Loup Quer s’illustre aux côtés de Ludmila Pagliero, seule Étoile distribuée sur ce programme. S’il avait frappé les esprits à sa création par sa puissance esthétique et organique, le ballet de Crystal Pite est ici vivifié par de nouveaux artistes talentueux, applaudis de longues minutes par un public en liesse.

Quelques réserves

Mais que serait-il resté de cette soirée sans cette reprise somptueuse ? Hélas, le succès du trio repose un peu trop sur le Seasons’ Canon de l’artiste canadienne. The Last Call de Marion Motin, pourtant servi par des danseuses et danseurs d’une grande qualité, déçoit par sa pauvreté chorégraphique. Quant à Horizons de Xie Xin, une fois dissipé le charme des premières volutes de fumées blanches et de la gestuelle éthérée, les tableaux successifs s’abîment dans une redondance esthétique, sans aspérité et – fatalement – sans relief.

Encore un mot...

Les noms de femmes chorégraphes dans le répertoire de l’Opéra de Paris sont assez peu nombreux pour que l’on souligne l’importance de cette soirée d’ouverture de saison. Si les deux nouvelles créatrices proposent des pièces encore fragiles chorégraphiquement, la reprise du chef-d’œuvre de leur aînée galvanise interprètes et spectateurs comme au premier jour.

Une phrase

  • « Je parle avec brutalité de la mort. De la manière dont tout à coup, on disparaît dans une autre dimension » Marion Mottin, à propos de The Last Call.
  • « Mon langage chorégraphique est doux, liquide et sensible. Il se traduit par une esthétique qui tend vers l’abstraction, un mélange de technique occidentale et de culture chinoise », Xie Xin, à propos de Horizons.
  • « The Seasons’ Canon est un geste, une offrande. C’est autant ma manière de faire face à l’immensité et la complexité du monde naturel, qu’une manière de lui exprimer ma gratitude » Crystal Pite.

L'auteur

- Formée à la danse classique puis contemporaine, la française Marion Motin choisit finalement le hip-hop comme style de prédilection pour sa carrière d’interprète et chorégraphe. Des premiers spectacles de rue aux scènes internationales, elle se produit aux côtés des stars de la chanson (Madonna, Robbie Williams, Angèle). En 2009, elle crée le groupe The Swaggers avec sept danseuses, sacrées vice-championnes de France du festival Hip-Hop international.

- Xie Xin se forme à la danse moderne dans plusieurs compagnies chinoises. En 2014, elle fonde une troupe indépendante, la XIEXIN DANCE COMPANY, dont elle est chorégraphe et directrice artistique. Invitée à se produire pour de nombreux festivals et compagnies asiatiques et européens (Allemagne, Suisse, Hong-Kong), Xie Xin est également professeure invitée à l’université des sports de Shanghai et parrainée par plusieurs fondations pro-artistiques chinoises. 

- Crystal Pite danse au Ballet de Colombie-Britannique, puis entre au Ballet de Francfort en 1996, où elle travaille avec William Forsythe. Aujourd’hui demandée par les compagnies du monde entier (Royal Ballet, Ballet de l’Opéra National de Paris, Nederlands Dans Theater I…), son répertoire compte plus d’une cinquantaine d’œuvres. En 2002, elle crée sa propre compagnie, Kidd Pivot. Crystal Pite est récompensée d’un Benois de la danse pour The Season’s Canon et du Prix Sir Laurence Olivier pour Betroffenheit, ainsi qu’en 2018 pour sa création au Royal Ballet Flight Pattern.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Toujours à l'affiche

Opéra Ballets Musique
La Fille mal gardée
De
Chorégraphie Frederick Ashton d’après Jean Dauberval
Opéra Ballets Musique
Möbius
De
La Compagnie XY en collaboration avec Rachid Ouramdane
Opéra Ballets Musique
Starmania
De
Michel Berger et Luc Plamondon