L’Heure espagnole puis Gianni Schicchi
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Thème
- Mon premier, L’Heure espagnole, mis en musique par Maurice Ravel, raconte les mésaventures surréalistes de Concepcion, une femme d’horloger, qui cache ses amants dans des horloges de son mari. Mon second, Gianni Schicchi, composé par Giacomo Puccini d’après une histoire extraite de la Divine Comédie de Dante, relate, avec un irrésistible sens du comique, comment un filou sympathique (qui donne son titre à l’œuvre) va berner toute une famille de riches bourgeois : en se substituant à un riche défunt, il va dicter à un notaire un nouveau testament grâce auquel il va s’attribuer la majorité des biens du disparu.
- Bien qu‘étant composée de deux œuvres très différentes musicalement mais aussi par les époques et les lieux où elles se déroulent (L’une se passe à Tolède au XVIII° siècle, l’autre à Florence pendant le Moyen âge), l’addition de mon premier et de mon second donne une soirée d’opéra aussi délicieuse que pétillante. Cela, parce que les deux opéras qui la composent, sont liés par leur durée (un acte) et par l’hommage que chacun rend, à sa façon, au genre bouffe et à la tradition de la Commedia dell’arte.
Points forts
- S’il est vrai que L’Heure espagnole et Gianni Schicchi sont depuis quelques années souvent donnés dans le même programme, encore faut-il que ces deux opéras composent une soirée homogène. C’est le cas de celle-ci concoctée par Laurent Pelly qui a choisi de transposer les deux œuvres à l’époque de leur création, le début du XX° siècle, et de les faire jouer, chacune, dans un décor bric-à-brac très réjouissant au premier coup d’œil.
Pour la première, un amoncellement hétéroclite et coloré d’horloges, de pendules et d’objets aussi divers que des seaux, des éventails, un taureau (clin d’œil à l’Espagne), une machine à laver, une guitare, etc… Pour la seconde, dans un camaïeu de gris et de marron bienséant pour un deuil, un entassement de commodes, buffets et armoires en tous genres, derrière lequel apparaitra, astucieusement, une ville en découpe.
Dans ces décors aussi futés qu’agréables à regarder, le metteur en scène a dirigé les chanteurs avec une précision toute « horlogère », ce qui donne un tempo vaudevillesque à L’Heure espagnole et dans le Gianni Schicchi, des mouvements d’ensemble désopilants.
- Vocalement, et scéniquement, les interprètes sont tous irréprochables. Phrasé précis, projection de voix impeccable, alacrité de jeu… l‘équipe entièrement francophone de L’Heure espagnole sert cette œuvre avec un plaisir presque palpable. A sa tête, la mezzo Clémentine Margaine compose une Concepcion aussi sensuelle que volcanique.
La distribution plus internationale de Gianni Schicchi mérite les mêmes éloges. Mention spéciale au baryton polonais Artur Ruciński, qui endosse le rôle-titre avec une aisance qui n’a d’égale que sa drôlerie.
- Tous ces chanteurs sont dirigés depuis la fosse sous la baguette aussi allègre que précise de Maxime Pascal. Le jeune chef d’orchestre français, qui a récemment dirigé dans ce même Opéra de Paris une soirée consacrée à Ravel, confirme qu’il est l’un des plus prometteurs de sa génération.
Quelques réserves
J'ai beau chercher : distribution, direction musicale, décors, mise en scène… Aucun bémol ne vient entacher cette soirée, exquise de bout en bout…
Encore un mot...
Cette production de Laurent Pelly avait été créée en 2004 pour l’écrin de l’Opéra Garnier. Sa « délocalisation » quatorze ans après sur l’immense plateau de l’Opéra Bastille ne lui a pas fait perdre une once de son charme, de sa gaité, de sa force comique et de son ironie malicieuse. Pour preuve, l’accueil, que le public lui a réservé le soir de la première de sa reprise : un tonnerre d’applaudissements envoyés, debout, et qui a duré dix minutes.
Une phrase
« L’ironie satirique de l’Heure espagnole et de Gianni Schicchi est fondamentalement sociale et familiale. L’héritage et l’adultère ne sont-ils pas deux composantes intemporelles de la société « de la famille » héritée de la bourgeoisie ? » (Agathe Mélinand, dramaturge).
L'auteur
- Maurice Ravel
Né à Ciboure le 7 mars 1875, Maurice Ravel commence, très jeune, par étudier le piano avant d’entrer en 1897 dans la classe de composition de Gabriel Fauré. Si ses toutes premières œuvres sont accueillies fraîchement, en revanche, il trouve le succès dès 1899 avec Pavane pour une infante défunte, puis avec Jeux d’eau en 1901, cette année même où il obtient le grand Prix de Rome pour sa cantate Myrrha..
En 1909, il fonde, notamment avec Fauré, une Société pour développer la diffusion de la musique contemporaine, alors peu encouragée. Après la guerre, il triomphera partout à travers l’Europe et les Etats unis, en tant que pianiste et chef d’orchestre. Parmi ses compositions les plus célèbres, citons Le Boléro bien sûr, la Rapsodie espagnole, Ma Mère l’Oye, et le Concerto pour la main gauche. Il signe également des compositions pour la danse, dont Daphnis et Chloé, et aussi deux œuvres lyriques dont cette très amusante Heure espagnole.
Ce créateur original, inclassable, à la sensibilité assez hors norme s’éteindra à Paris le 28 décembre 1875. Il laisse une œuvre éclectique, d’une esthétique indiscutablement française.
- Giacomo Puccini
Né le 22 décembre 1858 à Lucques, issu d’une famille de musiciens, Giacomo Puccini, formé très jeune à la musique religieuse, fait ses études au Conservatoire de Milan. Orphelin de père, il tire le diable par la queue, doit gagner sa vie et commence par être organiste. En 1876, entendant Aïda, il découvre sa vraie vocation : compositeur d’opéra. En 1883, un Capriccio Sinfonico, d’un style très personnel et novateur, lui vaut d’être remarqué. En 1884, c’est Le Villi. Le climat romantique de cette œuvre, allié à une originalité mélodique, lui vaut un succès tel que l’éditeur Ricordi décide de le prendre sous son aile.
Débarrassé dès lors de tout souci financier, Giacomo Puccini n’arrêtera plus, ou presque. Il va composer notamment, en 1884, Manon Lescaut, en 1896, La Bohême, en 1900, Tosca et en 1904, Madame Butterfly, toutes des œuvres d’un romantisme ardent.
Après six années de silence, il créera à New York, en 1910, La Fille du Far West, plus audacieuse encore dans ses harmonies. Après La Rondine, achevée en 1917, et malgré un accident de voiture qui le laisse définitivement boiteux, il compose Le Triptyque (dont Gianni Schicchi est le troisième volet), et s’attelle à son monumental Turandot . Il ne l’achèvera pas : atteint d’un cancer de la gorge, ce compositeur génial, qui avait su trouver, comme personne auparavant, le parfait équilibre entre une écriture vocale très lyrique et un langage harmonique d’une grande richesse, décède à Bruxelles le 29 novembre 1924.
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