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Thème
S’inspirant de la Nuremberg médiévale, renommée pour ses joutes artistiques, « Les Maitres chanteurs » met en scène les préparatifs d’un concours de chant entre les artisans de la ville. A la clef, pour le vainqueur, la main de la fille de l’organisateur de cette compétition vocale. L’approche du concours va bien évidemment donner lieu à de multiples intrigues (politiques et amoureuses), mais elle va surtout engendrer de passionnants affrontements esthétiques. Entre les vieux candidats, conservateurs et défenseurs pugnaces de la tradition, et les concurrents plus jeunes, incarnant, eux, l’avenir et le refus des conventions. Au centre des belligérants, un chanteur hors concours, le cordonnier Hans Sachs, qui servira de trait d’union. Aussi sage que généreux, aussi équilibré que tolérant, cet homme va se faire le chantre de la nécessaire cohabitation entre conservatisme et modernité.
Dans la partition, comme dans le livret, on sent que Richard Wagner s’est amusé à mettre en mots et en musique ce dédale d’enjeux (moraux, formels, amoureux). Son opéra, bien que monumental, bien que posant des questions fondamentales et graves sur la conservation, ou non de l’héritage, la nécessité ou non, de s’ouvrir à l’innovation, véhicule humour et gaieté.
Points forts
- Le livret. Pour une fois, Wagner délaisse ici les héros, si inspirants pour lui, de la mythologie germanique. Il met en scène des humains (artisans et gens du peuple), et ancre son argument dans la terre allemande, ses traditions et son folklore. L’ouvrage est ouvertement une glorification de l’Allemagne de toujours. Il respire l’amour que Wagner portait à ses compatriotes. Il y a de la truculence et de l’humour bon enfant dans cette œuvre savoureuse et sensuelle, écrite comme une invitation à se délecter des plaisirs de la vie et des choses de l’esprit.
- La partition. Elle est d’une magnificence éblouissante. Et cela dès l’ouverture où, d’emblée, le compositeur fait la preuve de sa maitrise et de sa science du contrepoint.
- La direction musicale de Philippe Jordan. Décidément ce chef accomplit des merveilles. Légère, fluide, précise et ample aussi, sa direction permet à la musique de se déployer dans la richesse infinie de ses sonorités. Pas question pour le patron musical de l’Opéra de Paris de laisser éclater les cuivres, comme le permettent tant d’autres chefs. Tous les instruments de l’orchestre sont traités avec les mêmes égards. Le résultat est magnifique, de puissance, de finesse et de sensualité.
- Les chœurs : ils sont comme toujours (ou presque), parfaits, qui donnent à entendre à la fois la force tempétueuse de cette œuvre, mais aussi sa gaieté , son humour et sa tendresse. Le public les en remercie en leur réservant un accueil triomphal.
- La distribution. Elle est d’une belle homogénéité, ce qui est assez remarquable pour une œuvre qui requiert plus de quinze solistes. Par manque de place, on ne peut tous les citer. Dommage, car chacun a une belle vaillance vocale et une vraie présence scénique, qualités particulièrement essentielles pour cet opéra aussi long (quatre heures trente de musique) que spectaculaire. Citons quand même celui qui est la cheville-ouvrière de cet opéra monumental, Gerald Finley. Diction et projection de la voix impeccables, timbre chaleureux, le baryton-basse canadien assure jusqu'au bout, sans aucun fléchissement, avec une générosité sans faille, le rôle, si exigeant, du cordonnier Hans Sachs.
-La mise en scène. Le norvégien Stefan Herheim a choisi de tourner le dos à toute interprétation politique de l’œuvre et de jouer avec le thème du conte de fées. Pile dans l’esprit de Wagner qui voulait qu’avec ces « Maitres-chanteurs » on s’amuse et s’émerveille. Cette « lecture » a aussi l’avantage d’offrir aux chanteurs de jolis moments de comédie.
Quelques réserves
Paradoxalement, la mise en scène. C ‘est un petit détail au regard de sa réussite globale, mais elle n’est pas toujours lisible. Par exemple, on ne voit pas très bien la raison pour laquelle, sous l’effet d’un agrandissement du mobilier, les personnages sont soudain transformés en lilliputiens.
Encore un mot...
Six heures trente d’opéra… On pouvait s’attendre sinon au pire, ou du moins à un étirement pesant du temps. La longue soirée a passé à la vitesse des songes, dans une gaité et un enchantement de chaque instant. Wagner interprété comme cela, débarrassé de son fatras nationaliste, dans le plein éclat de sa créativité et de sa poésie, dans la splendeur de sa musique… Oui, l’aventure valait le voyage. Attention, le rideau se lève à 17h30 précises .
L'auteur
Rejet violent jusqu’à la censure d’un côté, fascination et même sacralisation de l’autre, aucun compositeur n’a suscité de sentiments et de réactions aussi exacerbés et contradictoires que Richard Wagner. A cause de son antisémitisme affirmé et de son nationalisme affiché qui le firent porter aux nues par l’Allemagne du troisième Reich, Richard Wagner est, pour certains, un compositeur infréquentable et donc inécoutable. Pour d' autres, il est, avant tout, celui qui instaura une nouvelle conception de l’opéra (place égale pour l’orchestre et les chanteurs) et fut le premier à avoir écrit lui-même tous les livrets de ses opéras, sans leur sacrifier les partitions, d’une somptuosité (presque) sans égale
Né le 22 mai 1813 à Leipzig , mort à Venise le 13 février 1883 d’une fluxion de poitrine, ce compositeur hors norme, issu d' une famille éprise d’art théâtral, écrivit son premier opéra, « les Fées », à vingt ans. Difficile de résumer sa vie, puisqu’il ne cessa de voyager, notamment en France et en Suisse, alternant déboires de tous genres (fiscaux, professionnels et sentimentaux) et prodigieux succès musicaux, avec le soutien inconditionnel de certains de ses pairs comme Franz Liszt (dont il épousera d’ailleurs la fille, Cosima).
Parmi ses œuvres, « le Vaisseau fantôme » (1843), « Tannhaüser » (1845), « Lohengrin » (1848). Le cycle de « l’Anneau du Nibelung » (Première exécution complète à Bayreuth en 1876) et « Parsifal » (1882).
Créé en 1868 à Münich, « Les Maitres Chanteurs » est un opéra de la maturité du compositeur, et un peu à part puisqu’il constituera sa seule comédie.
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