EN PRIORITE (pour les voix et la musique)
Pour la mise en scène, c'est en fonction de la sensibilité de chacun. Pour moi, je dirai EXCELLENT…
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Thème
Inspirée par le premier «Faust» de Goethe, traduite par Gérard de Nerval, «la Damnation de Faust» est une œuvre hybride, car elle a été pensée non comme un opéra, mais comme une légende dramatique destinée au concert.
Paradoxalement pourtant, elle a été longtemps une des seules partitions de Berlioz à être mise en scène en France.
Selon l’écrivain Jules Janin, il s’agit d’un rêve. Celui d’un poète alchimiste en mal d’absolu, avec qui un avatar du diable, Méphistophélès, va conclure un pacte: la réalisation de tous ses désirs en échange de son âme. Malgré un long voyage dans le monde des plaisirs, Faust se dérobera, jusqu’au jour où, croyant Marguerite, celle qu’il aime, en danger de mort, il demandera au diable de la garder en vie, en échange de la signature du contrat. En sauvant Marguerite Faust se condamne aux tourments de l’enfer.
Points forts
- En tout premier lieu, la partition. Avec ses étonnantes qualités d’évocation, elle est sans doute la seule œuvre lyrique française authentiquement représentative du romantisme. Berlioz l’a écrite avec toute sa fougue de compositeur et sa sensibilité d’homme amateur de mythes et de poésie.
Formellement, sa «Damnation» est d’une grande hétérogénéité. Elle contient, par exemple, des airs et des récitatifs comme à l’opéra, mais pas d’ouverture.
Quant à ses « plages » symphoniques, elles sont quasiment autonomes.
Cela donne à l ‘œuvre une vraie modernité.
- Les interprètes masculins ensuite. On n’aurait pu rêver mieux. Dans le rôle de Faust, le ténor que le monde entier s’arrache: l’allemand Jonas Kaufmann. Beauté physique, présence, souplesse, timbre, diction, phrasé: il a tout et, bien sûr, met la salle à ses pieds. Tout comme d’ailleurs, son partenaire Bryn Terfel. D’une carrure impressionnante, ce baryton-basse britannique campe un Méphistophélès aussi puissant que capable de toutes les nuances. En outre, il a, lui aussi, une diction et un phrasé parfaits.
Face à des chœurs en grande forme, ces deux chanteurs là forment un tandem à se…damner !
- Ex-aequo sur le podium en matière de louanges, l’orchestre. Sous la baguette de Philippe Jordan, décidément inspiré, il propose une interprétation de la partition de Berlioz qui donne la part belle à une certaine douceur qui évoque la contemplation. C‘est magnifique, limpide, tout en nuances, et, par moments, très lyrique.
- Pour son culot, sa folie, son modernisme, la mise en scène a droit elle aussi, à une marche sur le podium. Son auteur, le brillant Alvis Hermanis, a voulu transposer Faust à notre époque. Pour ce faire, il a cherché une figure contemporaine qui pourrait, au mieux, incarner le savant. Son choix s’est arrêté sur le physicien Stephen Hawking qui, malgré son lourd handicap, ne cesse de chercher à déchiffrer les lois de l‘univers, et incite les hommes à aller explorer la planète Mars… Sur scène, un homme - paradoxalement un danseur!- va représenter à la fois Hawking -cloué dans son fauteuil- et le double du Faust incarné par Kaufmann. Autour de ces deux hommes, qui n’en sont donc qu’un, Alvis Hermanis a imaginé une scénographie aussi futuriste que cinématographique, constituée de vidéos, de photos et de danse. Les pays de plaisirs, champêtres et charnels où le Méphisto de Goethe entrainait Faust sont ici représentés par des univers futuristes. Rien à voir avec le siècle de Goethe? Non… mais la proposition est audacieuse, qui, à chaque seconde, étonne.
Quelques réserves
- Toute médaille a son revers… Le parti pris de la mise en scène n’échappe pas à la critique. Certaines images sont malvenues, ou portent à rire: par exemple celles de deux escargots très baveux en train de copuler est particulièrement gratinée. D’autres, comme celles de rats de laboratoire enfermés dans des bocaux et cherchant désespérément de l’air, mettent mal à l’aise.
- Autre point faible: la Marguerite de Sophie Koch. Certes la mezzo a du coffre, de la présence et un timbre de voix somptueux. Mais… on ne comprend pas ce qu’elle chante. Un comble pour une chanteuse française qui chante… en français!
Encore un mot...
Un spectacle passionnant, visuellement très fort, musicalement proche de la perfection mais dont on comprend pourquoi la proposition de mise en scène, très «contemporaine», très «Odyssée de l’espace» énerve, voire choque, chaque soir, une partie des spectateurs. Mais une création qui provoque invectives et quolibets, quand elle est de ce niveau artistique là, c’est plutôt réjouissant...
L'auteur
Né en 1803 à la Côte-Saint-André, en Isère, Hector Berlioz aurait dû, comme son père, devenir médecin, s’il n’avait attrapé le virus de la musique à l’adolescence. Le bac en poche, il monte à Paris et fréquente l’Opéra beaucoup plus assidûment que la faculté de médecine. C’est en écoutant le Faust de Goethe qu’il choisira définitivement sa voie.
Ses compositions, dont «Harold en Italie» et «La Symphonie fantastique», lui vaudront l’admiration de musiciens comme Liszt, Paganini et Schumann.
Si son œuvre parait universelle, c’est parce que ce compositeur audacieux et passionné ne cessera de puiser son inspiration chez les grands poètes et écrivains, comme Shakespeare, Virgile et Goethe.
C’est d’ailleurs le «Faust» de ce dernier (publié en 1808) qui lui inspirera, en 1846, «la Damnation de Faust», qu’il créera à l’Opéra Comique, en tenant lui même la baguette. Le demi-échec critique et public de cette création le laissera pratiquement ruiné, tant et si bien qu’il devra retourner à l’étranger pour y diriger, triomphalement, des concerts.
Rentré à Paris, il y composera et créera de nouvelles œuvres, dont, en 1863, les «Troyens». Affecté par la mort de sa femme, puis par celle de son fils, celui qui restera comme l'une des grandes figures de la musique romantique européenne, mourra, seul et malade, le 8 mars 1969.
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