La Cenerentola

Une mise en scène attendue, mais complètement à côté de la plaque
De
Gioacchino Rossini
Mise en scène
Guillaume Gallienne
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Vingtième opéra de Rossini, la Cenerentola offre une variante au  conte de Cendrillon dont s’emparèrent, d’abord  en 1697, Charles Perrault, puis, en 1812, les Frères Grimm.

Pour cette version opératique, dont le livret est dû à Jacopo Ferretti,  Cendrillon est délestée de ses attributs traditionnels, tels les souliers de verre et la citrouille carrosse. La cruelle belle-mère y est remplacée par un méchant beau-père. Mais sinon, l’histoire est à peu près la même, celle d’une  jeune fille, appelée ici Angélica, mais surnommée Cendrillon (tiré du mot cendre), traitée comme une servante par ses deux chipies de sœurs, et  qui va rencontrer et séduire un jeune homme sans savoir qu’il est prince. Subjugué par sa beauté et sa gentillesse, ce prince, Don Ramiro,  la demandera en mariage. Elle en profitera pour lui demander d’accepter sa famille. Ici, c’est la bonté qui triomphe.

Points forts

Comme souvent, la première pépite de cette soirée est l’œuvre en elle-même, un bijou musical et dramatique. A condition d’aimer le bel canto, tous ses airs enchantent l’oreille,  surtout, peut-être, les sextuors, dont notamment celui de l’acte II, avec ses allitérations explosives !  Cette Cenerentola relève du feu d’artifice vocal et instrumental.

La distribution constitue la deuxième pépite de la soirée.  Saluons d’abord Teresa Iervolino qui interprète le rôle titre. Voix ronde, voluptueuse, avec des graves magnifiques et des aigus très clairs, la mezzo-soprano italienne, qui signe ici ses débuts à l’Opéra de Paris, impressionne. Face à elle, le ténor Juan José de Leon,  qui chante son amoureux, ne démérite pas. Sa voix est légèrement nasale, mais  ses aigus sont  percutants, ses graves, solides et sa présence scénique, affirmée dans une sorte de …timidité. Autour de ce couple, tous les chanteurs seraient à citer, aussi bien pour leur voix que pour leur jeu.

C’est la direction d’orchestre  d’ Ottavio Dantone qui constitue la troisième (et dernière) pépite de cette création. En matière de musique, ce chef italien est, si l’on ose cette expression, un « cumulard ». S’il peut tout diriger, ou presque, il a en effet deux spécialités, la musique baroque  (il a commencé sa carrière comme concertiste-claveciniste dans ce répertoire) et…Rossini. Cela s’entend. Sa direction est claire, précise et tonique. Elle manquait peut-être en ce soir de première d’un peu de  cette  jubilation joyeuse qui sourd sous chaque air de la Cenerentola, mais c’était au profit d’une belle rigueur.

Quelques réserves

On attendait beaucoup de la mise en scène du Comédien Français Guillaume Gallienne, annoncée à grands coups de trompettes médiatiques. Patatras ! Malgré la haute estime dans laquelle on tient cet acteur incomparable, qui fut aussi l’auteur et réalisateur de l’inénarrable Guillaume et les Garçons à table, on se doit de dire qu’ici, il s’est fourvoyé. Il a monté cette Cenerentola comme l’opéra d’un Verdi qui aurait été inspiré par un drame de Hugo.  Résultat, il ne reste rien du côté féérique de l’ouvrage, ni surtout de sa drôlerie, qui sous-tend pourtant les airs. 

« La musique de Rossini, c’est du champagne » avait déclaré le comédien. Sa mise en scène ne pétille pas du tout, qui tire l’œuvre vers la noirceur et le hiératisme. Un total contre-sens. La scène de la fin, celle du mariage, est si figée, avec des chanteurs immobiles, vêtus de noir, portant bougie, qu’on se croirait chez Lorca. Chez un des hommes de théâtre les plus fins de sa génération, ce parti pris est incompréhensible

Les costumes sont à l’avenant. Pourquoi, par exemple, boudiner Terasa Iervolino dans une horrible robe noire? Et pourquoi ce tee shirt orange et ce pantalon informe, pour le beau-père, qu’on verra d’ailleurs apparaitre en slip à la suite d' un jeu de scène dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas d’une élégance folle. Dans le livret, rien ne justifie cette navrante vulgarité.

Une lourde miteuse façade de palais napolitain, surplombant un sol cendré (allusion à Cendrillon sans doute), qui plus est périlleux pour les chanteurs…  le décor d’Eric Ruf, qu’on couvre d’habitude de dithyrambes et de superlatifs, participe à la déception.

Encore un mot...

Fallait-il que l’Opéra de Paris remette à l’affiche La Cenerentola? On répond oui, sans hésiter, parce qu’il s’agit d’un des opéras les plus délicieux et les plus populaires de Rossini. Fallait–il qu’il le fasse avec cette distribution et ce chef-là ? La réponse est exactement la même…

Quel dommage donc que cette création laisse un sentiment de gâchis à cause de sa mise en scène, complètement à côté de la plaque. On ne peut pas prendre à rebrousse-poil une œuvre comme La Cenerentola, sous-titrée, opéra-bouffe, et la tirer vers le drame, sous prétexte de faire « différent ». Ça ne marche pas. Il faut se plier, avec humilité, à l’écriture d’un compositeur, et en débusquer les trésors. Il y a quelques années, Jean-Pierre Ponnelle, par exemple, l’avait compris, dont la mise en scène avait été saluée à l’unanimité pour ses trouvailles merveilleuses, mais qui toutes allaient dans le sens de la partition. Certains opéras de Rossini sont comme certaines pièces de Feydeau. Il faut leur obéir !

Une phrase

« Il suffira d’un an pour que cet opéra soit chanté du Piémont jusqu’en Sicile, et dans deux ans, il plaira en France et éblouira l’Angleterre. Les impresarios se le disputeront, et plus encore les prime donne » ( le librettiste Jacopo Ferretti en janvier 1817).

L'auteur

Né à Pesaro le 29 février 1792 d’un père corniste et d’une mère cantatrice, Gioacchino Rossini apprend son métier sur le tas, et sans aucune formation  particulière, tient l’alto, à neuf ans, dans les théâtres où chante sa mère. Dès  l’âge de dix-huit ans, il fait représenter à Venise son premier opera buffa, La Cambiale di matrimonio qui sera suivi d’autres ouvrages du même genre. A vingt et un ans à peine, dix de ses opéras ont déjà été représentés. Mais c’est la création de Tancrède à Venise qui lui ouvre en grand les portes du succès. Ses œuvres vont ensuite se succéder à un rythme effréné. En 1816, ce seront le Barbier de Séville et Otello ; en 1817, La Cenerentola et Armide, en 1819, la Donna del Lago, etc…

En 1824, après quatre années à la tête du Teatro San Carlo de Naples, il se fixe à Paris où il dirige le Théâtre italien. Il y crée divers opéras, dont, en 1829, Guillaume Tell, qui est un triomphe. 

A la Révolution, le compositeur  perd ses offices royaux, et abandonne pratiquement son activité musicale. Il retourne en Italie de 1836 à 1848, puis revient définitivement à Paris, où Il mourra le 13 novembre 1868, en laissant tous ses biens à sa ville natale de Pesaro, où  depuis, se tient chaque année un festival qui lui est consacré.

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