La Bohème
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Thème
Inspiré du roman d’Henri Murger, Scènes de la vie de Bohème, composé en quatre tableaux, La Bohème de Puccini est un drame de la misère, de l’amour et aussi de l’insouciance, qui fut créé à Turin le 1er février 1896 sous la baguette d’Arturo Toscanini.
Tout commence l’hiver de 1830 dans une mansarde parisienne, insalubre et glacée, que se partagent quatre jeunes artistes fauchés. Ce soir là, après un diner d’autant plus joyeux qu’il était inespéré, les colocataires sortent, excepté le poète Rodolpho. Il est en plein travail lorsqu’on frappe à la porte. C‘est la voisine, la cousette Mimi, qui vient quérir du feu pour sa bougie. Entre ces deux là, le coup de foudre est immédiat. Mais Mimi, malade et fatiguée, s’évanouit…
Vont suivre trois tableaux. Au café, dans les rues, puis de nouveau dans leur galetas, on verra ces artistes essayer d’oublier leur impécuniosité avec les armes qui sont les leurs : l’insouciance, la jeunesse et le goût de la facétie. Trop pauvre pour subvenir aux besoins de Mimi, Rodolpho se sent obligé de rompre avec elle. Elle reviendra pourtant mourir dans ses bras…
Points forts
- A sa création, à cause de son écriture très en avance pour son temps, La Bohème avait dérouté. Certains critiques n’avaient même pas donné cher de sa longévité. Le temps leur a donné tort. Il y a longtemps que cet opéra compte parmi les plus appréciés des scènes du monde entier. Beauté du son, harmonie, orchestration aussi, il est, musicalement, splendide. Il touche d’autant plus qu’il est, théâtralement, irrésistible. Comment rester insensible au drame de Mimi et de Rodolpho, et, en arrière plan, à celui de leurs compagnons d’infortune?
- Pour « embarquer » cet opéra dans tous ses tourbillons et ses somptueuses ornementations, il faut un chef bouillonnant. C’est le cas de Gustavo Dudamel. Le jeune chef vénézuélien dit que La Bohème tient une place spéciale dans son cœur. Cela s’entend. Sous sa baguette, l’œuvre se pare de couleurs inouïes. Seul bémol : il laisse par moments l’orchestre s’emballer. Et c’est au détriment du chant, celui des solistes (qui est alors trop « couvert »), et celui des chœurs (qui s’en trouve « décalé »).
- On regrette d’autant plus ces petits problèmes d’ajustage que la distribution est formidable. Le Rodolpho du ténor brésilien Atalla Ayan est léger, chaleureux et séduisant. Le Marcello du baryton polonais Artur Rucinski, puissant et affirmé. Le Schaunard du baryton italien Alessio Arduini, juste et ample; et le Colline de la basse italienne Roberto Tagliavini (un des interprètes les plus applaudis), sombre et nostalgique.
En ce soir de seconde représentation, c’est Nicole Car qui remplaçait Sonia Yoncheva, souffrante. Face à la déception du public venu pour la soprano bulgare, la jeune chanteuse australienne s’en est admirablement bien tirée. Présence de plus en plus affirmée au cours de la représentation et voix bien projetée, dans les graves, comme dans les aigus.
La russe Aïda Garifullina compose une Musette aussi superbe que sensuelle. Quel physique et quelle voix ! Cela se solde par une ovation.
Quelques réserves
Mais quelle mouche a piqué Claus Guth ? Pour échapper à la tradition des décors misérabilistes qui évoquent le Paris pavé et glacé du XIX siècle, le metteur en scène allemand a transposé l’action dans une navette spatiale en perdition…
Sur le plan formel, c’est sans doute très beau. Comme pari, c’est audacieux… Mais, mais… Ça ne marche pas. On comprend vaguement que Guth a voulu montrer que l’absence d’espoir et la perte de l’insouciance ne cesseront jamais d’être une constante de l’humanité, et cela, jusque dans les sociétés les plus futuristes, mais pour que le message passe vraiment, il eût fallu que le sens de la transposition soit, d’emblée, évident. Ce n’est pas le cas.
On souffre pour les quatre chanteurs principaux, contraints de chanter dans des combinaisons spatiales, tout en faisant semblant de réparer leur habitacle. C’est très artificiel.
Par moments, un bruitage nous fait entendre le bruit supposé de leur respiration sous leur scaphandre. C’est très désagréable. D’autant plus que cela parasite la partition de Puccini et ternit une partie de sa splendeur.
Evidemment, le public désapprouve. Ses manifestations de protestation nuisent à la concentration des chanteurs, si ce n’est à leur chant.
Encore un mot...
Faut-il courir à cette Bohème programmée en alternance jusqu’à fin décembre à l’Opéra Bastille ?
Oui, si on aime sangloter à l’Opéra, car il est impossible de garder les yeux secs devant ce drame de la jeunesse désargentée et cette tragédie d’un amour que la pauvreté va rendre impossible.
Oui aussi, si on a envie d’assister aux (beaux) débuts de Gustavo Dudamel à l’Opéra de Paris.
Oui encore, si on aime les soirées « mouvementées ». Car cette production provoque de beaux chahuts à chacune de ses représentations...
Une phrase
« La Bohème n’est pas la chronique d’un milieu, comme celle de Mürger, mais la représentation de la mémoire idéalisée. Puccini dut se nourrir de la nostalgie de sa propre vie de bohème, du temps où il était étudiant à Milan… Mais l’opéra dépasse le cadre autobiographique et vaut surtout comme évocation pure et simple de la jeunesse en elle-même et pour elle-même, c’est-à-dire l’heureux temps de la liberté totale, sans soucis et sans contraintes… » (Fedele d’Amico, Theatro Comunale de Florence).
L'auteur
Né le 22 décembre 1858 à Lucques, issu d’une famille de musiciens, Giacomo Puccini, formé très jeune à la musique religieuse, fait ses études au Conservatoire de Milan. Orphelin de père, il tire le diable par la queue et doit gagner sa vie. Il commence par être organiste. Mais en 1876, entendant Aïda, il découvre sa vraie vocation : compositeur d’opéra. En 1883, un Capriccio Sinfonico , d’un style très personnel et novateur, lui vaut d’être remarqué. En 1884, c’est Le Villi . Le climat romantique de cette œuvre, allié à une originalité mélodique, lui vaut un succès tel que l’éditeur Ricordi décide de le prendre sous son aile.
Débarrassé dès lors de tout souci financier, Giacomo Puccini n’arrêtera plus, ou presque. Il va composer notamment, en 1884, Manon Lescaut, en 1896, La Bohême, en 1900, Tosca et en 1904, Madame Butterfly , toutes des œuvres d’un romantisme ardent.
Après six années de silence, il créera à New York, en 1910, La Fille du Far West, plus audacieuse encore dans ses harmonies. Trois ans après La Rondine, achevée en 1917, il s’attelle à son monumental Turandot . Il ne l’achèvera pas : atteint d’un cancer de la gorge, ce compositeur génial, qui avait su trouver, comme personne auparavant, le parfait équilibre entre une écriture vocale très lyrique et un langage harmonique d’une grande richesse, décède à Bruxelles le 29 novembre 1924.
Commentaires
Oui, quel dommage que ces décors esthétiques mais absurdes, ces bruits incongrus, cette mise en scène tellement décalée que cela en est gênant ! Pauvres chanteurs ... On perd en romantisme, en intensité dramatique, même l'oreille est perturbée par des mouvements de scène sans intérêt et sans cohérence avec ce qui est chanté. Il faut fermer les yeux pour se laisser envahir par la musique sublime de Puccini et par les voix mais on cherche à comprendre, on se dit qu'on est peut-être trop classique, qu'il faut laisser place à la créativité, que ... Non !! Cela ne marcha pas. Mais vraiment pas du tout.
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