Pour les voix et les choeurs
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Thème
Inspiré, pour son livret, par la pièce de l’espagnol Antonio Garcia Gutiérrez, ElTrovador, publiée en 1836, « Le Touvère » présente une des intrigues les plus complexes du répertoire lyrique. Il met notamment en scène une histoire de rivalité amoureuse entre un comte ( le comte de Luna)et un troubadour(Mancero), épris tous les deux d’une même femme (Leonora), une dame d’honneur de la princesse d’Aragon. La lutte entre les deux rivaux sera sans merci, attisée par une guerre opposant les partisans d’Aragon (dont fait partie le comte) à ceux de Gascogne (auxquels appartient le troubadour). Dans cette histoire déjà très touffue, va s' imbriquer une autre, dans laquelle une bohémienne (Azucena) va faire croire au troubadour Mancero qu’elle est sa véritable mère, alors qu’en fait, elle l’a jadis enlevé -par vengeance- à une riche famille et qu’il est, en réalité, le frère du comte. Le drame sera à son paroxysme quand, à la fin de l’œuvre, le comte apprendra que celui qu’il vient de tuer est son frère.
Echevelé? Invraisemblable? Abracadabrantesque? Oui, sans aucun doute. Mais lors de sa création, le public fit un triomphe à cette œuvre. Sûrement parce qu’elle contient tous les ingrédients chers à l’univers romantique de l’époque. Sûrement aussi parce que Verdi, alors au sommet de sa gloire, y fait preuve d’une virtuosité musicale éblouissante.
Points forts
1 D’abord comme souvent, la partition de Verdi qui emporte, enchante, et même par moments, coupe le souffle. Cet opéra est peut-être celui où la « vocalité » du compositeur est la plus riche, la plus somptueuse. D’une puissance rare, d’une énergie folle, il offre aux interprètes l’occasion de prouver à la fois leur art du chant belcantiste et leur sens de la théâtralité.
2 Ici, ex æquo avec la partition, la distribution. Pour cet opéra, elle est capitale. Toscanini avait dit: « Pour monter le Trouvère, il faut les quatre meilleurs chanteurs du monde ». C ‘est tout dire.
Pour cette nouvelle création, l’Opéra de Paris satisfait à cette exigence.
Les quatre rôles principaux sont tenus par leurs meilleurs titulaires:
- Les femmes d’abord. Dans le personnage de Léonora, la diva russe Anna Netebko. Avec sa voix, si souple et si vaste, ses aigus cristallins et ses graves somptueux, sa technique parfaite aussi, qui lui permet de n’escamoter aucune nuance de la partition, elle aimante le public. A l’instar d’Ekaterina Semenchuk. Sous les oripeaux de la bohémienne Azucena, la mezzo -soprano, russe elle aussi, offre un chant d’une densité et d’une expressivité qui, oui, bouleverse.
- Le duo masculin tutoie les mêmes sommets. Forte masculinité, cuivre chaleureux de la voix et aigus faciles, le ténor argentin Marcelo Alvarez campe un Manrico d’une folle séduction. Quant au Comte de Luna, il est interprété par un Ludovic Tézier plus que parfait. Ligne de chant sans faille, beauté du timbre, élégance de style, présence scénique toute d’engagement et de retenue à la fois, le baryton français n’a jamais été meilleur. Il est sans aucun doute la surprise la plus divine de la soirée.
Quelques réserves
1 La mise en scène. On attendait mieux d’Àlex Ollé, l’un des directeurs artistiques de la prestigieuse compagnie catalane La Fura dels Baus. Dans le livret original, l’action du Trouvère se passe dans l’Espagne du Moyen Age. Le metteur en scène espagnol l’a transposée pendant la première guerre mondiale. C’est une fausse bonne idée. On ne voit pas ce que les bohémiens viennent faire dans les tranchées. En outre, trop occupé sans doute à essayer de justifier son parti-pris, Àlex Ollé a délaissé complètement la direction des chanteurs, heureusement tous, on l’ a dit plus haut, plus qu’excellents. Cette excellence s’étendant, notons-le, aux seconds rôles et aux chœurs.
2 La direction d’orchestre de Daniele Callegari. A plusieurs reprises, le soir où nous assistions à la représentation, le chef italien n’a pas pu maintenir la cohésion entre le plateau et la fosse. D’où de légers décalages. Il s’est sans doute, depuis, ressaisi.
Encore un mot...
Quand un opéra est soutenu par des voix de la qualité de celles qui sont offertes pour ce Verdi, il est impossible de ne pas en sortir « en-chanté ».
Le quatuor Netrebko/Semenchuk/Alvarez/Tezier restera mémorable.
Par contre, n’imprimeront pas la mémoire, ni la mise en scène, ni la direction d’orchestre. Dommage..
L'auteur
Né en 1813 à Le Roncole dans un milieu modeste, Giuseppe Verdi commence très tôt sa carrière musicale, puisqu’à l’âge de onze ans, il devient l’organiste de l’église de Bussetto. Grâce à un mécène (dont il épousera la fille) et aussi à une bourse, il part approfondir ses études musicales à Milan, où, en 1839, il a la chance exceptionnelle de recevoir la commande d’un opéra de la part de la Scala. Son « Oberto » lui vaut un succès suffisant pour continuer dans cette voie de compositeur d’opéra.
Mis à part les quelques mois qu’il met à surmonter l’épreuve terrible de la mort de sa jeune épouse et de leurs deux enfants, Verdi n’arrêtera plus et enchaînera les opéras à une vitesse stupéfiante, tout en insufflant à cet art un sang neuf . A partir de 1850, ayant déjà signé, entre autres, les partitions de «Macbeth» et de «Luisa Miller», il se retrouvera sans rival dans son pays et acclamé dans le monde entier. En 1871, pour « Aïda », le Caire ira même jusqu’à lui offrir une rémunération d’un montant jamais atteint par un compositeur. Il mourra à Milan le 27 janvier 1901, en léguant sa fortune à la maison de retraite des vieux musiciens qu’il avait fondée dans cette ville.
Parmi ses œuvres les plus connues, «Un Bal masqué» et «Otello». « Le Trouvère » (créé à Rome en 1853) est la seconde œuvre de ce qu’on nomme sa « trilogie populaire ». Il la créa après « Rigoletto » (1851), et juste avant « La Traviata » (1853).
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