Don Pasquale

Un bijou d'opéra bouffe, merveilleusement monté
De
Gaetano Donizetti
Direction Musicale : Michele Mariotti
Mise en scène
Damiano Michieletto
Recommandation

Musique superbe, livret d'une rare drôlerie, "Don Pasquale", le chef d'oeuvre de Donizetti est à nouveau proposé par l'Opéra de Paris, qui montre, une nouvelle fois, qu'il est souvent  capable de se hisser sur le podium mondial.

Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Opéra de Paris - Garnier
Place de l’Opéra
75009
PARIS
0892 89 90 90
En alternance jusqu'au 16 avril 2019

Thème

Don Pasquale a beau être l’œuvre ultime de Donizetti, il n’en est pas pour autant crépusculaire. Bien au contraire, c’est un bijou d’opéra bouffe dont la musique enchante autant que son livret amuse. D’inspiration très « commedia dell’arte », signé Giovanni Ruffini – un écrivain italien qui savait rendre sa plume taquine et farceuse –,  le livret raconte les déboires  conjugaux d’un vieux barbon aussi autoritaire que naïf…

Septuagénaire près de ses sous qu’il a pourtant en abondance, Don Pasquale décide de  chasser de chez lui son neveu désargenté, par peur que celui-ci ne lui réclame une rente. Ne désirant pourtant pas finir sa vie seul, ce vieil immature avaricieux va se piquer d’épouser la belle Norina, qui se trouve être, sans qu’il le sache, la fiancée de son neveu. Orchestrée par un ami médecin – qui a Don Pasquale pour patient –, la vengeance de la jeune épousée va être « terrible ». Son contrat de  mariage à peine signé, au fil de scènes d’une drôlerie grandissante, cet ange de douceur et de soumission va se transformer en une furie despotique et follement dépensière. Tel est pris qui croyait prendre !

Points forts

- L’œuvre, d’abord, qui confine au chef d’œuvre. Il est impossible de résister à la force comique de son livret, qui, avec une adresse démoniaque mélange  la bouffonnerie, parfois si cruelle, de la commedia dell’arte, et le premier degré, parfois si enfantin, de la farce napolitaine. Impossible non plus de ne pas succomber à sa partition qui est d’une allégresse et d’une virtuosité époustouflantes.  Bien que très savante et très novatrice aussi pour l’époque, on sent que Donizetti l’a composée avec la vivacité d’un adolescent facétieux, dans un seul objectif, celui de nous divertir.

- La scénographie de Paolo Fantin est un régal.  Au lever de rideau, la scène est dans le noir. De cette obscurité, vont surgir, des néons qui symbolisent le toit d’une maison, quelques meubles des années 50, et une vieille guimbarde poussiéreuse. Voilà qui symbolise le monde figé et rabougri de ce barbon de Don Pasquale, qui s’affaire là, comme un vieux beau pathétique et radin, en rêvant de celle à qui il pourrait offrir ce qui lui reste de jeunesse. 

Au second acte, changement radical de décor. Cette femme là, Norina, qui est entrée comme une tornade dans la vie du vieux célibataire, va dépoussiérer sa maison. Comme en un coup de baguette magique, elle va la transformer en loft ultra moderne et ultra-chic. La vielle voiture du début du spectacle n’échappera pas à cette révolution. Elle se retrouvera remplacée par un bolide rutilant.

- Dans ces décors légers et futés ( ils ne plombent jamais les intentions des personnages, mais au contraire, les appuient ), les chanteurs circulent à leur aise, tous, parfaits, dirigés avec une grande subtilité par Damiano Michieletto. Ils sont désopilants, malicieux, mais émouvants et  dramatiques aussi quand l’exigent les situations. La scène où Don Pasquale  reçoit une gifle de sa toute nouvelle épouse, Norina, est particulièrement poignante : on comprend tout à coup que cet homme, en apparence ridicule, égoïste et ringard, dissimule en fait un enfant sentimental qui s’est blindé comme il pouvait. On s’en moquait, on va le plaindre. A cette seconde de la gifle, il devient pathétique.

- Au  brio scénique des chanteurs, s’ajoutent leurs qualités vocales. Sous la baguette à la fois intelligente, précise et dansante, de Michele Mariotti (qui sera, à juste titre, longuement ovationné), entendre ces interprètes est un bonheur de chaque seconde. Dans le rôle titre, la basse italienne Michele Pertusi est d’une virtuosité vocale sidérante, notamment dans les chants  « syllabiques ». La soprano colorature sud-africaine Pretty Yende  subjugue en Norina.  Sa voix incandescente est en parfaite osmose avec son charme, son aisance scénique et son indéniable charisme. Avec son timbre solaire et ses aigus agiles, le ténor mexicain Javier Camarena, qui est Ernesto ( le neveu de Don Pasquale), soulève la salle sans retenue. A l’instar du baryton chilien Christian Senn dont la technique sans faille lui permet de se jouer sans effort apparent des passages acrobatiques de sa partition de médecin canaille.

Quelques réserves

Je n'en vois vraiment aucun.

Encore un mot...

Voici donc, reprise à l’Opéra Garnier, une production qui, l’année dernière, avait enchanté, sans bémol, le public parisien. Mis à part celui qui chante le rôle titre, l’incomparable Michele Pertusi, les interprètes ont changé. Mais ceux de cette distribution ont le même niveau d’abattage et de talent que leurs prédecesseurs.

Forcément, les représentations mettent les spectateurs debout.

Dire aussi que ce Don Pasquale peut être l’occasion d’une belle « initiation » à l’opéra. L’œuvre n’est pas trop longue, sa musique donne envie de danser, et elle est jouée sur le ton de la comédie, dans des décors de rêve. 

Une phrase

« Hier soir était donné Don Pasquale : grand succès. L’adagio du final du deuxième acte a été bissé, la stretta du duetto de Lablache et Grisi a été bissée. J’ai été appelé à la fin des deuxième et troisième actes. Il n’y a pas eu un numéro, à partir de la symphonie qui n’ait été applaudi. Je suis ravi » (Paris, 4 janvier 1843, extrait d’une lettre de Gaetano Donizetti à Matteo Salvi)

L'auteur

Né à Bergame le 29 novembre 1797, Gaetano Donizetti étudie à l’Ecole de Musique de sa ville natale. Très précoce, il n’a pas vingt ans quand il y présente son premier opéra, Pygmalion, grâce auquel il se fait remarquer. C’est au deuxième, Enrico di Borgogna qu‘il rencontre un succès suffisamment notable pour que les commandes d’œuvres affluent, tellement qu’elles vont faire de lui un compositeur d’opéras à temps complet. Entre 1822 et 1830, il en écrira vingt-six ! Mais c’est avec le vingt-septième, Anna Bolena ( 1830) qu’il connaitra son premier grand triomphe. Suivra, reçu avec autant d’honneurs, l’Elexir d’Amour, qui sera sa dernière comédie sentimentale comique. En effet, le compositeur va se tourner vers le drame romantique, avec notamment, Lucia de Lammermoor que d’aucuns considèrent comme un des chefs d’œuvre du drame romantique. Dépité que l’accueil pourtant enthousiaste de cet opéra, créé à Naples en 1835,  ne lui permette pas d’accéder au poste de directeur du Conservatoire de cette ville, il s’installe à Paris. Son inspiration semble redoubler d’ardeur. Il va composer Les Martyrs, la Favorite, La Fille du régiment et son dernier  chef d’œuvre, Don Pasquale, qui voit le jour au Théâtre italien en 1843. Il est à l’apogée de sa gloire. Mais sa santé se dégrade. Hospitalisé à Ivry en 1846, il meurt à Bergame, sa ville natale, le 8 avril 1848, des suites d’une dégénérescence cérébro-spinale.

En trente ans de carrière, ce prolifique musicien aura composé plus de soixante dix opéras. Cadet de Rossini auquel il emprunta beaucoup dans ses œuvres de jeunesse, il est considéré comme le précurseur le plus important de Verdi

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