DON CARLO
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Thème
C’est un drame de l’amour qui se déroule dans l’Espagne du XVIème siècle écrasée sous le joug de l’Inquisition.
Philippe II vient de monter sur le trône. S’il a l’autorité et la prestance de sa fonction, il ne possède ni le panache ni la hauteur de vue de son père Charles Quint. Pour faire la paix avec la France, le nouveau souverain a consenti à ce que son fils, Don Carlos, épouse Elisabeth de France, la fille de Henri II. Dès leur première rencontre, les deux jeunes gens tombent amoureux. Hélas, par une étrange et injuste volte face, Philippe II décide finalement d’épouser la jeune Elisabeth. La situation est tragique et les choses vont encore empirer par l’intrusion de la politique et des jeux de pouvoir dans cette affaire de cœur. Passionnels, religieux, politiques… des affrontements de tous ordres vont faire rage. Carlos, le fils sacrifié, mourra, et son meilleur ami, Posa aussi. Sur scène, à un drame d’amour déchirant, s’ajoutera, par un jeu d’arrière-plans, un épisode dramatique de l’Histoire d’Espagne, celui de la répression sanglante de la Flandre qui, attirée par le protestantisme, s’était révoltée contre son très catholique pays souverain.
Points forts
– L’œuvre d’abord, qui est une curiosité. Créé à Paris en 1867 d’après la tragédie éponyme de Schiller, Don Carlos est l’opéra le plus monumental de Verdi. Joué, comme en 2017 à l’Opéra Bastille, dans l’intégralité des cinq actes de sa version française – l’originale – il dure, entractes compris, près de cinq heures, mais ces dernières sont d’une intensité telle qu’on ne les voit pas filer. Pour cette nouvelle présentation, ce même Opéra Bastille a choisi de le donner dans sa version italienne, une version un peu plus resserrée, puisqu’amputée de son prologue… Si dans son appellation italienne, l’œuvre y perd un S (elle s’intitule Don Carlo), elle demeure titanesque et passionnante, en raison notamment de l’analyse psychologique très fouillée de ses personnages.
– Sur le plan musical, Don Carlo(s) est un œuvre somptueuse. La partition colle au texte de manière presque fusionnelle, elle est dépourvue de récitatifs, ses arias sont splendides et ses chœurs magnifiques.
– Pour cette nouvelle production donnée en italien, on a fait appel à un chef italien lui aussi. Fabio Luisi fait des merveilles, qui fait ressortir les splendeurs de la partition, sans que jamais l’orchestre (celui de l’Opéra de Paris) ne couvre les chanteurs. Sa direction est précise, limpide, élégante, et enthousiasmante.
– Sur le plateau, la distribution est au diapason de la qualité orchestrale. Le ténor français, Roberto Alagna, projection de voix et phrasé parfaits (sauf le temps d’une grippe, le soir de la première) campe un Don Carlo superbe, tour à tour fragile douloureux, amoureux et fougueux. L’Elisabeth de la soprano polonaise Aleksandra Kurzak, a une présence et une voix lumineuses. Le Philippe II de la basse allemande René Pape a l’autorité et la prestance qui conviennent à son rôle. Mais celle qui emporte, subjugue et rafle la mise, c’est la mezzo géorgienne Anita Rachvelishvili. Avec ses graves généreux, ses aigus tenus, sa puissance vocale hors norme, et sa présence physique impressionnante, elle campe une princesse Eboli – dame d’honneur d’Elisabeth –, d’une séduction phénoménale. Elle n’a que 35 ans. Elle est exceptionnelle.
Quelques réserves
Toute médaille a son revers. En ce qui concerne la mise en scène et la scénographie, comme en 2017, la déception est grande. Le polonais Krzyztof Warlikowski s’est remis dans les pas de son travail d’il y a deux ans, qui va sans cesse à contre sens de ce qui est écrit dans le livret. Une œuvre aussi munificente aurait mérité mieux que cette scénographie froide et sans charme, vaine, et surtout, incompréhensible. Venant d’un metteur en scène qu’on portait aux nues, il n’y a pas si longtemps, c’est plus que décevant.
Encore un mot...
Programmer à deux ans d’intervalle la même œuvre ou presque… l’Opéra de Paris risquait la désaffection. Son patron, Stéphane Lissner, peut respirer. La salle est pratiquement comble. Il faut dire que, porté par des interprètes hors catégories, un orchestre au meilleur de sa forme et des chœurs remarquables, ce spectacle ce Don Carlo italien comble, les oreilles des mélomanes. Au diable le décor et la mise en scène ! Pour atteindre le nirvana, il suffit de fermer les yeux et de se laisser porter.
Une phrase
« J’entends vous dire qu’il m’est strictement impossible de passer sous les fourches caudines de vos théâtres. J’ai conscience qu’un vrai succès n’est possible pour moi qu’en écrivant comme je le sens, affranchi de quelque influence que ce soit, sans avoir à me dire que j’écris pour Paris plutôt que pour le monde de la Lune. Il faut en outre que les chanteurs ne chantent pas comme ils veulent, mais comme je le veux, moi. Que les foules, malgré leurs grandes capacités, fassent preuve d’une bonne volonté tout aussi grande… Qu’une seule et unique volonté domine l’ensemble : la mienne »
( Lettre de Verdi à Camille du Locle, librettiste).
L'auteur
Né le 10 octobre 1810 à le Roncole (province de Parme) dans un milieu simple mais relativement aisé, Giuseppe Verdi est un musicien précoce. Il a tout juste onze ans lorsqu’on le nomme organiste de l’église de Busetto. Grâce à un négociant en spiritueux qui devient son mécène et dont il épousera plus tard la fille en première noce, il part approfondir ses études musicales à Milan. Il n’a pas vingt ans quand la Scala lui commande son premier opéra. Oberto lui vaut un succès qui l’encourage à persévérer dans le lyrique, pour lequel, d’ailleurs, il n’arrêtera plus de composer, exception faite de la période qu’il lui fallut pour surmonter l’épreuve de la disparition de sa femme et de leurs deux enfants. En 1842, son Nabucco, d’une véhémence vocale sans précédent connaît un triomphe. On en donnera 65 représentations, un record absolu dans l’histoire de la Scala.
Après Attila et Macbeth, il se retrouve sans rival. En 1851, Rigoletto qui sera le premier volet de ce qu’on appellera plus tard sa trilogie populaire (avec le Trouvère et la Traviata) assiéra encore sa notoriété qui deviendra planétaire. Suivront, entre autres, Un Bal Masqué (1859), Don Carlos (créé à Paris en 1867 ), Aida (1871) et Falstaff (1893)…
Verdi, qui avait été élu député en 1861 mourra à Milan le 27 janvier 1901, en léguant ses biens à la maison de retraite pour vieux musiciens qu’il avait fondé dans cette ville.
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