Dire Brel
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Thème
Quarante ans après la disparition de Jacques Brel, début octobre 1978, Olivier Lacut l’évoque en s’appuyant sur divers extraits de l’entretien majeur « Brel parle » (1971) et divers passages de ses chansons.
Il aborde ainsi, au fil de la représentation, les thèmes centraux de la carrière du chanteur : la Belgique et la “Belgitude“, l’enfance, la vulgarité, l’aventure…
Olivier Lacut est accompagné de deux musiciens qui, tout au long de cette récitation, interprètent les morceaux les plus connus du “Grand Jacques“, et n’hésitent pas à improviser.
Points forts
• Les musiciens qui accompagnent Olivier Lacut dans son périple constituent l’indéniable atout du spectacle : J. Sevilla-Fraysse et Fr. Bettencourt se sont très bien appropriés les “standards“ de Brel et les revisitent avec talent et émotion.
• Le choix des lectures est pertinent et donne une cohérence d’ensemble à la trajectoire de Brel, aboutissant, au bout de 15 ans, au retrait volontaire d’un artiste soucieux de “vivre ses rêves“ ailleurs et sous d’autres formes que par la chanson, dont il se considérait comme un modeste artisan.
• L’admiration sincère d’Olivier Lacut envers Brel se double d’une honnêteté qui n’évite pas les moments où le chanteur dit tout et son contraire - et parfois n’importe quoi - comme dans sa tirade passablement misogyne qui “essentialise“ l’homme comme la femme.
Quelques réserves
• Relever le défi de “dire Brel“ n’est pas simple, dans la mesure où ce chanteur était réputé pour son immense présence physique et vocale, qui s’imposait autant à la salle, au public qu’à l’orchestre. Dans une large mesure, « dire Brel », c’est aussi l’interpréter, sans pour autant le singer.
• Or le choix qui a été fait par Olivier Lacut laisse perplexe : son visage inexpressif d’un bout à l’autre de l’heure et sa diction uniforme, sans grande tonicité ni conviction, menacent d’aplatir le propos ; de rares gestes vaguement esquissés, une lecture pratiquement au fil des pages, tout cela en vient presque à neutraliser l’énergie dégagée par un chanteur qui ne se ménageait pas, vomissant avant chaque représentation, et perdant des litres de sueur au fil du spectacle.
• On est notamment stupéfait lorsque Olivier Lacut évoque la manière dont Brel écrivait ses chansons : debout, en tension permanente, à s’en faire mal aux reins… Ce n’est assurément pas ce qui guette le récitant, fixé à son tabouret, suscitant un contraste fort embarrassant…
• De trop rares incursions nonchalantes, micro en main, sur une avant-scène pourtant pas si éloignée (ni hostile), une circulation dans l’espace réduite au strict minimum - si ce n’est pour se désaltérer comme après un effort (dont on discerne assez mal la teneur) – font office de mise en scène.
• On est très loin du compte en termes d’appropriation des propos présentés.
Encore un mot...
Pour “dire“ Brel il ne suffit pas de le lire.
Une phrase
Ou plutôt deux:
- « J’dis pas que la femme est méchante, je dis que l’homme est con… »
- « Je suis horriblement insuffisant dans tout ce que j’écris. J’ai juste envie de raconter »
L'auteur
Difficile de croire que Jacques Brel aurait eu 90 ans cette année, tant il nous reste proche…
• Le natif de Schaerbeck débuta dans la chanson au début des années 1950 et, de 1956 à 1966 (dernière apparition sur scène et sortie du 33 tours « Ces gens-là »), le succès ne le quitte plus et va crescendo.
• Brel est l’auteur, compositeur et interprète de classiques de la chanson francophone, repris par des artistes de toutes nationalités, y compris anglo-saxons (« Mathilde » par Scott Walker, « Amsterdam » par David Bowie). Cette dette montre combien Brel fut, avec Ferré et Brassens, l’un des rares artistes des années 1960, à maintenir la réputation d’une chanson française bouleversée voire balayée par la vague yéyé et l’irruption du rock et de la pop music dans le paysage musical français.
• C’est que Brel s’adresse à divers publics, qui se reconnaissent dans ses tranches de vie où alternent douleurs (« Ne me quitte pas »), tristesse pudique (« Les vieux »), espoirs (« Mathilde » ; « J’vous ai apporté des bonbons ») et rires “hénaurmes“ (« La chanson de Jacky»), l’ensemble porté par un artiste d’une totale sincérité, et qui n’a pas sa langue dans sa poche à propos des Flamands (« Les Flamandes »), des « Bourgeois », de l’armée (« Au suivant ») ou de « Ces gens-là », pas plus qu’il ne s’économise sur scène.
• Brel cesse de chanter en public après un Olympia mémorable (6 octobre 1966), et se tourne avec plus ou moins de bonheur et de réussite vers d’autres formes d’expression – acteur convaincant dans des films aussi divers que Les risques du métier, Mon oncle Benjamin etL’emmerdeur – réussite théâtrale de son Don Quichotte de la Mancha, mais échec de son film Far West.
• La fin de son existence est marquée par trois passions de grand large : la navigation, le pilotage dans l’aviation (civile, bien sûr) et les îles Marquises, où il se réfugie et trouve l’inspiration pour un ultime disque éponyme.
Commentaires
Olivier Lacut, accompagné de Julie Sévilla-Fraysse, violoncelliste et de François Bettencourt, pianiste, nous offre un spectacle intimiste sur Jacques Brel.
C'est un voyage à la rencontre de l'artiste, de l'homme.
On y découvre ses rêves, ses pensées les plus profondes au travers de ses textes.
Olivier Lacut n'est pas seulement " un passeur de mots ", il est aussi " un passeur d'émotions ".
Julie Sévilla-Fraysse nous envoûte avec son violoncelle et François Bettencourt nous transporte avec son piano.
Il existe une réelle symbiose entre ses trois grands artistes. Le spectateur est emporté, bercé par ce trio qui ne forme plus qu'un.
Ce spectacle est une vraie merveille !
Je vous le recommande vivement !
Le trio d'artistes nous offre un merveilleux moment d'évasion en compagnie de ce grand poète que fut Jacques Brel.
L'originalité du spectacle tient en ce que l'on découvre les pensées intimes d'un chanteur qui s'avère être aussi talentueux que surprenant.
On peut ne pas adhérer à la mise en scène qui relève du goût de chacun, mais certaines critiques devraient restées personnelles lorsqu'elles sont hors de propos, ou tout simplement sans fondement. Le conteur sur scène laisse toute la place aux mots de Jacques Brel, sans chercher à recréer une hasardeuse ressemblance quant à sa présence scénique ou son intonation si caractéristique, c'eût été gageure. Ce spectacle est une découverte, une aventure, et non une appropriation. L'humilité, le respect et l'admiration du conteur pour l'artiste disparu font qu'il nous livre avec générosité et pudeur les intimes pensées de Jacques Brel, la plupart du temps méconnues du public, s'immiscer peu ou prou dans la peau du personnage est ici hors-sujet ; les programmes télévisés bas de gamme regorgent de ce type d'errements pour ceux qui en sont friands.
Et si d'aucuns entendent dans la musique de l'improvisation, un minimum de culture classique prouverait qu'il n'en est rien.
La culture est à la portée de tous, mais vraisemblablement pas pour tout le monde.
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