Jazz à Saint-Jean, Première

A Saint-Jean-du-Doigt, en Trégor, le trompettiste Alain Brunet porte le nouveau Festival de jazz sur les fonts baptismaux
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La France est connue dans le monde entier pour ses Festivals de jazz. Il y a à cela plusieurs raisons : Paris, l’une des capitales du jazz, a toujours été une terre d’accueil pour les musiciens américains ; les collectivités publiques n’ont jamais ménagé leurs efforts pour soutenir toutes les initiatives qui fleurissent dans les régions ; enfin, plusieurs festivals historiques ont marqué l’imaginaire des amateurs et ont contribué à rendre populaire la formule auprès du public : Jazz à Juan lové dans la pinède, Châteauvallon avec son amphithéâtre à l’antique, La grande parade du jazz de Nice au Mont Cimiez, ou Marciac sous un chapiteau géant.

Notre devoir n’est-il pas aujourd’hui de saluer les initiatives de proximité, rassemblant les bonnes volontés et irrigant les micro-territoires, pour faire vivre le jazz dans des lieux de culture à la fois confidentiels et populaires ?

Nos pas nous ont menés sur les traces d’antiques pèlerinages. Au cœur d’une vallée agreste qui donne sur la mer, non loin de l’enclos paroissial de Saint-Jean-du Doigt, et grâce à la persévérance d’une équipe de bénévoles, un nouveau Festival vient de signer son acte de naissance.

Les organisateurs ont souhaité le placer sous le parrainage de l’excellent trompettiste, arrangeur et compositeur Alain Brunet qui, dès 1976, menait à Châteauvallon un quartet d’exception avec Manuel Villarroel, Henri Texier et Daniel Humair et qui, le 17 août 2024, a réédité l’exploit à Saint-Jeanen lançant de belle manière un Festival auquel on souhaite longue vie.

Points forts

La première partie du concert aura été assurée par un guitariste marseillais de talent, Stéphane Fernandez qui fit, pendant plus de deux décennies, les délices musicaux de Nouméa, avant de revenir depuis peu dans la métropole. Il s’est présenté en trio avec Bertrand Seynat à la contrebasse, l’une des chevilles ouvrières du Festival ; il a alterné compositions personnelles et standards, en nous gratifiant d’une belle version de Softly as a morning sunrise. Stéphane se réclame de certaines figures tutélaires : Wes Mongomery et ses accords en octave, Pat Metteny dont il a repris l’un des thèmes enregistrés en duo avec Charlie Haden et, par-dessus tout, Sylvain Luc, qui vient malheureusement de nous quitter. Son jeu est sensible et inspiré et il n’hésite pas à emprunter des chemins de traverse lorsqu’il improvise.

Enfin, vint le parrain du festival, Alain Brunet, à la tête d’un quintet voué à son Anaugu Project, tentative ambitieuse qui repose sur des arrangements souvent dus au leader lui-même, formant un écrin sonore grâce auquel il a pu développer de subtiles improvisations dialoguant avec le silence et servies par une sonorité magnifique, tant à la trompette qu’au bugle, ne dédaignant pas la sourdine harmone et les effets de la pédale wawa.

Alain Brunet n’a jamais caché son admiration pour Miles Davis dont il a joué, ce soir-là, plusieurs classiques de la période électrique dont In a silent way et Jean-Pierre. Mais il a su, en partie grâce à l’énergie et l’inventivité de ses partenaires, redonner vie sans mimétisme aucun, à une musique qui a pu constituer l’horizon indispensable de plusieurs générations de musiciens.

Le trompettiste a également puisé dans le répertoire de ses propres compositions comme Gazon vert ou Rominus, titre éponyme de son album historique paru chez le légendaire Label bleu. Une mention particulière doit être réservée au pianiste N. Morelli, qui perpétue la tradition mélodiste des pianistes italiens et pour le batteur P. Bouterin, qui allie une grande mobilité sur les toms et la caisse claire avec un jeu de grosse caisse puissamment timbré, qui donne son assise à tout l’orchestre.

Quelques réserves

Malgré les quelques imperfections inévitables pour un Festival qui en est à ses débuts et une formation qui fourbissait ses premières armes, on retiendra l’exigence musicale et l’enthousiasme d’un public venu nombreux.

Encore un mot...

Le lendemain en fin de matinée, le dimanche 18 aout, Alain Brunet, accompagné des seuls guitariste et contrebassiste, n’a pas hésité, en clochard céleste, à faire halte sur la place centrale de Plougasnou, bourg mitoyen de Saint-Jean, pour rejouer les sempiternels standards que sont Automn leavesQue reste-t-il de nos amours ou I remember you que le trompettiste, crooner à ses heures, a souhaité dédier, en mode old fashion, à toutes les femmes présentes dans l’assistance.

L'auteur

Alain Brunet est trompettiste, chef d’orchestre et compositeur.

Il a commencé sa carrière dans les années soixante-dix et fut l’auteur du premier mémoire universitaire consacré au jazz.

Il a dirigé, jusqu’en 1984, le grand orchestre de jazz de la Drôme où il a des attaches.

Il a joué et enregistré avec Michel Petrucciani, Didier Lockwood, le quintet de Michel Legrand, les pianistes René Urtreger ou Michel Graillier, les batteurs Prince Lawsha ou Daniel Humair.

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