Homo informatix
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Mathématicien et philosophe, l’auteur de cet essai, aussi concis que documenté, qu’il veut global et de vulgarisation, invite le lecteur à parcourir l’histoire millénaire des mathématiques et de la logique, comme celle de l’informatique, pas encore centenaire, qui, toutes trois, ont modelé les sociétés humaines.
Après avoir rappelé les géniales contributions aux mathématiques de Pythagore, Platon, Al Khawarizmi, Blaise Pascal ou Thomas Bayes, à la logique d’Héraclite et Aristote, l’auteur souligne l’apport essentiel de Leibniz avec sa tentative de réunir les mathématiques et la logique. Cette « bissociation » (mise ensemble inédite) n’a pas abouti, mais trois autres ont fécondé l’informatique. Descartes réconciliant la géométrie et l’algèbre, installe la « géométrie analytique ». Boole combinant algèbre et syllogisme créé « l’algèbre binaire ». Claude Shannon, ingénieur américain (MIT et Bel Labs), « bissociant » le calcul binaire et les relais électroniques, publie en 1948 l’ouvrage qui fonde « la théorie de l’information ». Dans le même temps, Norbert Wiener, également au MIT, publie un autre livre fondateur formulant les bases de la cybernétique, du grec kubernao qui signifie piloter, « science qui étudie comment un système peut poursuivre et atteindre un objectif malgré les perturbations imprévisibles de l’environnement. »
S’étant ainsi glissé dans la pensée des génies qui ont façonné « homo informatix », l’auteur s’attache à « La critique de la raison automatique », titre de la troisième partie de l’essai. Il y traite, notamment, des limites des algorithmes, bases d’Internet, et du Big Data, qui cartographie le présent au bénéficie de multinationales. Celles-ci prétendent décider de notre passé, mais omettent l’imprévisible « cygne noir »qui échappe à tout calcul de probabilité.
Luc de Brabandère rappelle également que la politique est différente du commerce, que le vrai et le véritable ne se confondent pas et qu’un ordinateur, à la différence de l’humain, n’a ni idée, ni conscience; arbitrant entre des faits, il ne peut émettre de jugement de valeur. L’éthique ne s’accommodant pas d’une pensée binaire et l’intelligence, « ensemble de compétences innées ou acquises », n’étant pas programmable, l’auteur ne craint pas d’affirmer :« l’essence de l’intelligence est d’être humaine et elle ne peut être artificielle ».
Points forts
Les deux premières parties de l’essai sont, pour le lecteur attentif, une piqûre de rappel aussi nécessaire qu’enrichissante.
Dans la troisième partie, l’auteur guide le lecteur dans son approche philosophique de la science informatique.
Quelques réserves
L’exercice auquel se livre Luc de Brabandere dans cet essai est périlleux : les scientifiques peuvent ne pas accepter certains raccourcis et les littéraires craindre de se perdre dans la science mathématique. Pour autant, au prix d’une lecture attentive, il n’en est rien.
Encore un mot...
Alors que l’hyper puissance des ordinateurs et la croissance exponentielle du Big Data, posent la question de la maîtrise des machines par l’homme, la démonstration de Luc de Brabandere ne peut qu’inciter l’humanité à inventer les principes d’un humanisme numérique.
Une phrase
- Page 52. « ... Internet est aux sciences humaines ce que la lunette de Galilée fut à l’astronomie… Mais il y a une grande différence. Quant Galilée regardait la lune, son action n’avait pas d’impact sur la lune. Mais lorsque nous utilisons Internet nous y laissons des traces, ces fameux cookies. Les sciences sociales se rapprocherait donc plutôt de la physique quantique, car l’observation y perturbe le système observé. »
- Page 78. « La théorie de l’information reste inachevée. On ne peut pas affirmer que l’information est physique et qu’elle doit trouver la même place dans l’analyse que nous faisons du monde, que l’espace, le temps, la matière et l’énergie. »
- Page 123 «Rajoutons aujourd’hui fermement : il n’y a pas d’intelligence artificielle ; on a des outils de plus en plus puissants qui nous permettent de faire ceci, de faire cela . »
L'auteur
Né en 1948, Luc de Brabandere, ingénieur civil en mathématique, diplômé de l’UCL en 1971, et philosophe, diplômé de l’UCL en 2003, se passionne pour la créativité. Il a collectionné les machines à calculer. Après la banque et la Bourse, il est, depuis le début des années deux mille, un conseil apprécié des entreprises. Auteur de très nombreux ouvrages, le plus souvent à vocation didactique, dans lesquels on retrouve son humour et son goût pour la communication par le dessin, il enseigne à Louvain et à l’Ecole Centrale de Paris.
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