Voyage autour de mon enfance
Parution le 10 mars 2022
186 pages
18 €
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Thème
Emmanuel de Waresquiel poursuit sa démarche introspective initiée par « Le temps de s’en apercevoir » (L’Iconoclaste 2018), primé des « Deux Magots », en entreprenant ici le voyage dans le pays connu et déjà lointain de son enfance.
Né en 1957, servi par une éducation aimante et austère à la fois, l’auteur convoque ses souvenirs et avec eux ses parents et leur monde, aristocratique et catholique, patriote et rural. Au rythme lent des étés d’autrefois, dans le château de famille de Poligné en Mayenne, héritage du grand siècle et de quelques digressions baroques et couteuses, ainsi la nécropole souterraine construite par un grand-père dévasté par la perte de sa femme bien trop jeune pour mourir.
Son père, issu d’une vieille famille des Flandres, admirateur de Lyautey, officier de carrière accablé par la défaite de juin 40, a entendu l’appel du Général et rejoint Alger aux commandes d’un bombardier volé sur le tarmac de Marignane pour revenir cinq ans plus tard au bercail avec la croix de guerre et d’innombrables citations, au terme d’une aventure dont il ne dira jamais rien. Sa mère, Marie de Pange, est lorraine, descend des Choiseul et aime la France comme sa famille, absolument, sans réserve ni concession. S’agrègent à ce petit microcosme oncles et tantes hérités de ce monde perdu fait de fidélités et d’obligations, d’infidélités et d’extravagances, de servitudes religieuses et sociales et d’affranchissements marginaux ; de courage et d’héroïsme aussi tant qu’il existait des champs de bataille pour servir un idéal, troqués contre de simples aventures iconoclastes à l’époque de la paix, dans cet après-guerre bourgeois et hédoniste.
Points forts
Une évocation libre et sensible d’un monde révolu, celui de ces familles pétries de valeurs morales, de principes religieux exigeants, inspirées par l’héroïsme de leurs ancêtres, confrontées aux aléas du monde en proie à tous les bouleversements.
En point d’orgue, celle de l’oncle Wolkonsky, né en 1900 dans la Russie des Tsars au milieu des centaines de milliers d’hectares que possédait sa famille en Crimée, élevé à Odessa puis exilé en Suisse, la tête pleine de souvenirs brouillés par ce passé tumultueux, tout droit sorti d’un roman de Tolstoï.
L’analyse subliminale qui dépasse l’étude anthropologique et l’analyse sociale pour s’intéresser à l’enfance en général, à toutes les enfances et au souvenir qu’il en reste à l’âge adulte, un souvenir édulcoré, déformé, raturé, corrigé sans cesse par chacun dans un travail qui participe à la fois d’une quête inlassable de vérité et de la nécessité de l’oubli.
Quelques réserves
Les illustrations plus convenues du propos, plus connotées, relevant de l’usage et des codes sociaux, le vouvoiement ou l’usage du couteau à table qui cultivent l’entre-soi, à la manière décrite par Proust dans Á la recherche du temps perdu.
Encore un mot...
L’historien rompt ici avec son travail scientifique, l’analyse objective, les faits vérifiés, et s’en tient à la matière sensible en proposant une déambulation discrète, un voyage intime plein de subjectivité et d’émotion dans le monde de son enfance ; en ouvrant ainsi le livre de ses souvenirs avec délicatesse et sans fracas, sans soulever la poussière des meubles du salon du château de famille, il évite l’exercice radical et thérapeutique, encouragé sans doute dans cette voie bienveillante par l’amour des siens, constructif et protecteur, et propose à chacun l’exercice sous cette forme, de son point de vue salutaire.
Une phrase
- “Je sais bien que les généalogies ne protègent de rien.
La religion de l’hérédité me fait sourire…”
- “ D’aucuns prétendent que les destinées anesthésiques, que les vies sans heurts, sans accrocs et sans dangers de ceux que l’histoire n’a ni malmenés, ni déplacés, ni dépossédés des lieux de leur naissance seraient contraires à la floraison des souvenirs. Nul besoin de grandes secousses pour avoir le mal du pays et l’éprouver dans ce qu’il a de plus intime et de plus voluptueux. Je suis dans la maison de mon enfance et ce n’est plus la même. Tout a changé. Nous avons changé.” (p. 176)
L'auteur
Normalien, historien, biographe (Talleyrand, Fouché), directeur littéraire (chez Perrin, Tallandier, Larousse), chercheur, analyste du récit historique et du travail de l’historien, auteur et chroniqueur aussi (Revue des Deux Mondes) , membre de diverses académies, ses ouvrages ont été souvent primés (Castelot, Gobert, Thiers, Chateaubriand …).
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